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N° 204 - du 10 février 2011 au 16 février 2011


Homme, femme, enfant, fragments de gravures sur photographie de Brassaï. Collection privée Jacques Prévert © Fatras/Succession Jacques Prévert (exposition Maison européenne de la photographie).

L'AIR DU TEMPS

Art et querelles diplomatiques

L’an dernier, une importante exposition à la Royal Academy de Londres ne put avoir lieu : le prêteur fit défaut au dernier moment. Le prince du Lichtenstein entendait ainsi protester contre le refus des douanes anglaises de lui octroyer un certificat d’exportation pour un tableau acheté à Londres quelques années plus tôt. En 2009, l’Etat russe avait agité la même menace, insatisfait des assurances fournies par les Britanniques sur la protection de tableaux revendiqués par les héritiers des collectionneurs Chchtouchkine et Morozov. Ce mois-ci, une nouvelle affaire va priver le Metropolitan Museum et le MoMA de tableaux majeurs de Cézanne et Gauguin. Il s’agit d’une mesure de rétorsion des autorités russes contre la décision d’un juge américain. Celui-ci a ordonné la restitution des archives de la communuauté juive Loubavitch, conservées en Russie mais réclamées par le mouvement, basé à New York. Dans ce contexte, l’annonce que le musée de l’université de Pennsylvanie se trouvait privé in extremis par la Chine des plus belles pièces de son exposition sur la Route de la soie ne semble qu’une anecdote supplémentaire. Mais révélatrice d’une même tendance : les expositions internationales deviennent de plus en plus un instrument pour faire avancer des causes diplomatiques. C’est peut-être une bonne nouvelle : la preuve que la culture est devenue un enjeu essentiel dans les relations internationales…

EXPOSITIONS


Gyula Kosice, sculpture articulée mobile, 1945, bronze, patine chromée. Collection particulière. Courtesy Fondation Juan March

L’abstraction venue de la pampa

MADRID – Trois cents œuvres de cinquante artistes : la prétention à l’exhaustivité est sous-jacente dans le panorama de l’abstraction latino-américaine présenté à la fondation March. Encadré par les deux figures fondamentales que sont l’Uruguayen Joaquín Torres-García et le Vénézuélien Jésus Rafael Soto, tous deux passés par de longs séjours en Europe, elle dresse un bilan qui intègre aussi bien la peinture que la photo ou la sculpture, les influences de l’avant-garde européenne que la persistance de l’élément indigène. L’arc de temps choisi – 1934-1973 – permet de donner une touche symbolique (ce sont les dates du retour au pays des deux artistes cités) mais aussi de survoler le moment le plus palpitant de l’histoire du continent. La crise des années trente, les régimes autoritaires de Vargas et de Perón, la révolution cubaine ont trouvé d’une manière ou d’une autre une expression dans l’art abstrait…
América fría, la abstracción geométrica en América latina (1934-1973) à la Fondation Juan March, du 11 février au 15 mai 2011.

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Jean-François de Troy, Créüse consumée par la robe empoisonnée, huile sur toile, musée des Augustins, Toulouse. Courtesy musée des Beaux-Arts de Nantes.

À moi Iphigénie…

NANTES – Empruntés au Louvre, au Rijksmuseum ou à des collections privées, ces tableaux pleins de couleurs et d’attitudes dramatiques semblent parler une langue étrangère. Qui aujourd’hui peut prétendre être coutumier de scènes telles que Creüse consumée par la robe empoisonnée, Athalie interrogeant Joas ou L’Evanouissement d’Esther ? Ces «grandes machines» inspirées de l’Antiquité sont dues à des peintres officiels du XVIIIe siècle, la dynastie des Coypel (le père Antoine, le fils Charles-Antoine), Jean-François de Troy et Carle Van Loo. Elles marquent l’irruption en peintre d’une scénographie et d’un «pathos» flamboyants inspirés par le théâtre de l’époque. Si l’exagération des sentiments peut parfois sembler burlesque, cette sélection est à la fois une intéressante comédie humaine et un grand moment de peinture d’histoire.
Le théâtre des passions au musée des Beaux-Arts de Nantes, du 11 février au 22 mai 2011.

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Prévert et le pot de colle

PARIS – « Tu ne sais pas peindre mais pourtant, tu es peintre » lui aurait dit Picasso. On avait déjà vu des œuvres de l’artiste ainsi évoqué – Jacques Prévert – lors d’une vente de sa correspondance l’an dernier. En voici une nouvelle démonstration avec cet ensemble de collages présenté à la Maison européenne de la Photographie. Agissant sur le mode des cadavres exquis chers aux surréalistes, Prévert collectionnait des coupures de journaux, glanées à la foire à la ferraille ou chez les bouquinistes des quais de Seine. Il les conservait parfois des années dans ses tiroirs avant de leur trouver les correspondances valables. Planches anatomiques et botaniques, graffitis photographiés par Brassaï, reproductions de tableaux célèbres vivaient alors une autre vie en s’associant à des images inattendues. Commencée lors d’une convalescence à Saint-Paul-de-Vence en 1948, cette activité se poursuivra jusqu’aux dernières années de Prévert, devenant pour lui une autre façon de produire de la poésie…
Photos détournées, collages de Jacques Prévert, à la Maison européenne de la photographie, du 9 février au 10 avril 2011.

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Ces expositions ouvrent aussi cette semaine…

• BÂLE - Pour ceux qui l’auraient manquée au Centre Pompidou, la rétrospective Arman offre une seconde chance au musée Tinguely. Du 16 février au 15 mai 2011.

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• MADRID – L’exposition Esplendor del Románico présente 58 des plus belles pièces d’art roman du Musée national d’art de Catalogne (en travaux) en y ajoutant des reconstitutions en trois dimensions du portail de l’église de Ripoll. Du 10 février au 15 mai 2011.

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• PARIS – Outre Jacques Prévert (voir ci-dessus), la Maison européenne de la photographie ouvre des expositions consacrées aux photographies de Hervé Guibert, Vincent Rosenblatt, Hervé Huet et Marc Trivier.

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VENTES

Passion camées

PARIS - Son nom n’est pas familier au grand public mais connu des amateurs de l’Antiquité. Jean-Philippe Mariaud de Serres, décédé en 2007, a dirigé une galerie rue Bonaparte et a été expert pour de nombreuses maisons de ventes. Sa collection, dispersée chez Christie’s, est aussi éclectique que pouvait l’être ce spécialiste passionné et cultivé : on y trouve des gravures de Piranèse et des dessins de l’Ecole de Rome, des modèles en bronze de temples grecs, des idoles en marbre d’Anatolie, des flacons en calcite produits en Syrie il y a six mille ans, des tablettes cunéiformes de Sumer, des amulettes et des tanagras, une tête de prince couchite en granite… La section des intailles et camées est l’une des plus fournies. Elles sont proposées par lots de 21 pièces – profil de faune, dieu Jupiter ou lion, en agate, cornaline ou grenat, d’époque hellénistique ou romaine (estimation de l’ordre de 2000 €). Pour beaucoup plus cher, on pourra viser une belle amphore à figures noires attribuée au groupe de Léagros (40 000 €).
Collection Jean-Philippe Marion de Serres chez Christie’s les 16 et 17 février 2011.

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L'ARTISTE DE LA SEMAINE

Lech Majewski, magicien de l’image

C’est un véritable Protée de la création artistique. Formé à Lodz, à la même école que Roman Polanski, Lech Majewski commence sa carrière dans le septième art (Une Annonciation en 1978) mais son appétit boulimique va très vite le porter à diversifier sa palette. Metteur en scène d’opéra et de théâtre, vidéaste, il se révèle aussi producteur de disques et romancier. S’étant attaqué aussi bien à Shakespeare qu’à Tom Waits, à Brecht qu’au hold-up du train Glasgow-Londres de 1963 (son film Le prisonnier de Rio brosse le portrait du cerveau de l’affaire, Ronald Biggs), il a déjà été célébré au MoMA et invité à la Biennale de Venise. A la galerie Basia Embiricos, il présente cette fois-ci une série de photographies tiré de son dernier opus visuel, Le Moulin et la Croix, inspiré de l’œuvre de Bruegel.
• Lech Majewski à la galerie Basia Embiricos (14, rue des Jardins Saint-Paul, 75004 Paris) du 9 février au 9 mars 2011. Projection du film Le Moulin et la Croix à l’auditorium du Louvre les mercredis et jeudis.

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LIVRES

Une autre Libye

Au temps d’Hérodote, le monde était divisé en trois : Europe, Asie et Libye. Cette anecdote rappelée en introduction souligne notre méconnaissance aujourd’hui abyssale du pays africain, qui ne se résume plus qu’à quelques concepts triviaux : désert, Kaddhafi, pétrole. En réalité, comme le montre l’auteur, par ailleurs directeur du musée de l’Arles antique, ce pays charnière fut l’une des plus belles créations du colonialisme grec, puis phénicien et romain. De la Cyrénaïque à la Tripolitaine, enjambant les terres invivables de la Grande Syrte, y ont pris racine de somptueuses cités dont les noms sont déjà enchanteurs : Leptis Magna, Cyrène, Sabratha, Apollonia. Outre un patrimoine bâti impressionnant, des mosaïques de premier ordre (à voir surtout au musée de Tripoli), la Libye antique a légué une extraordinaire statuaire, impeccablement rendue en photo. Des surprenants bustes funéraires sans visage jusqu’aux Hermès, Apollon et Grâces les plus aboutis (à voir notamment au musée de Cyrène), la Libye se révèle plus qu’un membre de l’OPEP : l’un des très hauts lieux de l’Antiquité.
Libye antique, un rêve de marbre, par Claude Sintes, photographies de Gilles Mermet, Imprimerie nationale, 2010, 280 p., 75 €.

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BRÈVES

BOLOGNE – Le Palazzo Fava, qui abrite des cycles de fresques des frères Carrache, a rouvert au public le 28 janvier dernier.

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MADRID – La foire d’art moderne et contemporain Arco fête son 30e anniversaire du 16 au 20 février 2011.

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NEW YORK - La New York Outsider Art Fair, consacrée à l’art brut et singulier, se tient du 11 au 13 février 2011.

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PARIS – Les héritiers du marchand d’art Daniel Wildenstein, déjà mis en cause pour détournement d’héritage, sont au centre d’une nouvelle affaire : des toiles inscrites au registre des œuvres volées ont été retrouvées dans les coffres de l’Institut Wildenstein.

Article sur lepoint.fr

SUR ARTAUJOURDHUI.INFO

Cette semaine, ne manquez pas…

DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE Tapisseries catalanes, de Picasso à Grau-Garriga

ANGERS - Le musée Jean-Lurçat et de la tapisserie contemporaine présente un ensemble de plus de cinquante œuvres, tapisseries et cartons d’une trentaine d’artistes, représentatifs de la tapisserie catalane contemporaine.

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