ArtAujourdhui.Hebdo
N° 206 - du 24 février 2011 au 2 mars 2011
Tlazolteotl, céramique. El Zapotal, Centre-sud du Veracruz, Culture Mixtequilla. Classique (300-700 apr. J.-C.). © INAH (Instituto Nacional de Antropología e Historia) et Sinuhé Medina (Exposition annulée au Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal).
L'AIR DU TEMPS
Grand gâchis mexicain
«Alors, avec le président Calderón, nous n'avons pas voulu laisser la tectonique des plaques nous rapprocher, au rythme de quelques millimètres par an. Nous avons voulu bousculer les habitudes, dépoussiérer les discours, accélérer les rapprochements pour aboutir à un véritable partenariat stratégique.» Paroles tonitruantes, prononcées par un président de la République française le 9 mars 2009, à Mexico… Suivies d’une annonce excitante : « Par l'invitation, cher Felipe, que je vous ai présentée, d'une Année du Mexique en France, vous ne serez pas déçu.» Pas déçu? A vérifier… L’Année du Mexique vient de s’échouer sur l’écueil discutable d’un cas judiciaire devenu affaire d’Etat, l’affaire Cassez. 350 événements réunissant comédiens, musiciens, plasticiens, écrivains, œuvres majeures du patrimoine et création contemporaine, ont été sacrifiés sur l'autel d’un combat douteux, mal engagé dès l’entame, et qui aurait eu d’autant plus de chance de réussir qu’il aurait été discret. Diplomatie française, qu’es-tu devenue ? «Nous repartons en France avec le sentiment d'avoir des amis, ici, mais plus que l'amitié, d'avoir des frères avec qui nous partageons la même ambition, les mêmes valeurs, les mêmes convictions.» Dieu, que les discours vieillissent vite…
PORTFOLIO EXCLUSIF : VERACRUZ, L'EXPOSITION QUE VOUS NE VERREZ JAMAIS…
EXPOSITIONS
Pablo Picasso, Le tub, 1901, The Phillips Collection, Washington DC, c/o Pictoright Amsterdam 2011. Courtesy Van Gogh Museum, Amsterdam.
Portrait de Picasso en jeune Parisien
AMSTERDAM – En 1900, Picasso a 19 ans et effectue son premier voyage à Paris. Le jeune immigré catalan met les bouchées doubles pour absorber tout ce que la capitale française peut lui offrir en stimuli artistiques, de Toulouse-Lautrec à Gauguin, de Matisse à Rodin. L’année suivante, le suicide de son ami Casagemas donne naissance à sa période bleue et à des tableaux où se lit la détresse du petit peuple. En 1904, il s’installe au Bateau Lavoir, qui deviendra le pôle d’attraction de la communauté artistique de Montmartre, avec Soffici, Modigliani ou Van Dongen. En 1907, il pose les bases du cubisme avec ses Demoiselles d’Avignon. Avec des œuvres venues de grands musées (Phillips Collection, Guggenheim, Kimbell, etc) et de collections privées, le musée Van Gogh passe en revue cette période féconde, qui marquera tout l’art moderne. Elle prend fin en même temps que Montmartre perd sa prééminence au profit de Montparnasse et, qu’ouvre la ligne de métro Nord-Sud…
• Picasso à Paris, 1900-1907, au musée Van Gogh, du 18 février au 29 mai 2011.
• A voir aussi : Picasso: Guitars 1912-1914 au MoMA de New York, jusqu’au 6 juin 2011. Une soixantaine d’œuvres sur un thème cher à l’artiste.
Trône dit de Dagobert, VIIe ou VIIIe siècle (siège) ; seconde moitié du IXe siècle (dossier et accoudoirs). Bronze en partie doré. H. : 135 cm ; L. : 78 cm Paris, BnFrance, Département des Monnaies, Médailles et Antiques.
Trônes d’ici et d’ailleurs
VERSAILLES – Un trône, ce n’est pas seulement le fauteuil enveloppé de velours rouge cochenille sur lequel s’asseyaient les Bourbons… C’est en tout cas ce que montre l’exposition disséminée dans les salles du château de Versailles en rappelant que le concept inclut aussi une estrade et un dais, flottant au-dessus du détenteur de l’autorité. Outre quelques témoignages de l’Ancien Régime français (beaucoup ont été détruits à la Révolution, le seul trône survivant de Louis XVI était à l’ambassade de France à Londres), on voit d’originales chaises mobiles de la Papauté (la portantina, la sedia gestatoria) et des sièges d’autres cultures et époques : palanquins, howdahs, tabourets des Taïnos, des Incas, des Bamoun du Cameroun, jusqu’au mobilier républicain pour le défilé du 14 juillet. Le clou de l’ensemble, en tout cas la pièce la plus riche en réminiscences historiques, est la chaise curule de Dagobert, bel objet pliant en bronze. Raffiné et mobile : une leçon de design qui a survécu plus d’un millénaire…
• Trônes en majesté au château de Versailles du 1er mars au 19 juin 2011.
Herbert Bayer, Humanly Impossible, 1932 Silbergelatineabzug, 39 x 29,3 cm, The Museum of Modern Art, New York, Thomas Walther Collection, Ankauf © 2010 ProLitteris, Zürich
Les noces de la photo et de la sculpture
ZURICH – L’invention de la photographie n’a pas seulement donné naissance à une nouvelle forme de création, elle a aussi permis de documenter l’évolution des autres arts plastiques. La sculpture, science du relief, en a particulièrement bénéficié. L’exposition du Kunsthaus montre un siècle de recherche et de documentation immortalisé sur la pellicule. S’il s’agit la plupart du temps de laisser la trace d’une œuvre, le photographe se montre parfois capable de la magnifier, comme sut le faire Steichen pour le Balzac de Rodin. C’est aussi le cas pour les surréalistes et les dadaïstes qui arrivent à faire «parler» les statues en les mettant en scène (Man Ray avec les masques africains, Baargeld avec la Vénus de Milo). Plus de trois cents images dues à des anonymes ou à de grands noms (Atget, Friedlander) montrent que la sculpture n’a plus été la même après l’arrivée de l’image fixe…
• Photosculpture au Kunsthaus Zurich du 25 février au 15 mai 2011.
Artaujourdhui vous conseille aussi ces expositions…
LONDRES – Sous le titre Watercolour, la Tate Britain consacre une ambitieuse exposition à la discipline de l’aquarelle. Du 16 février au 21 août 2011.
MADRID – Après avoir été montré à Ferrare, Chardin, maître de la nature morte du XVIIIe siècle, arrive au Prado. Du 1er mars au 29 mai 2011.
MILAN – Une valeur très sûre des expositions internationales, Arcimboldo, le maître ès fruits et légumes, est célébré au Palazzo Reale. Du 10 février au 22 mai 2011.
VENTES
Harry Eliott (1882-1959), La dinde est servie. Gravure en couleurs, 32,5 x 44 cm. Lot 116, estimation : 150-200 €.
Bonne chère et peinture
PARIS - On avait l’habitude de voir à Lyon de belles ventes liées à la gastronomie. En voici une à Paris. Après quelques mises en bouche constituées d’almanachs et de recueils renommés (L’Ecuyer tranchant, La Physiologie du goût de Brillat-Savarin dans une édition de 1854, La Cuisine classique de Dubois et Bernard, une édition originale du Manuel des amphitryons de Grimod de la Reynière) suivent des gravures et tableaux d’agapes, de beuveries, de marchés, depuis Metsu jusqu’aux observateurs des Halles au XXe siècle. Un lot mérite un discours à part : le 79, qui réunit l’entière bibiliothèque des époux Charreton, qui furent d’infatigables prosélytes de la bonne cuisine sur les chaînes télévisées ou au Salon des arts ménagers. La bagatelle de 3400 volumes publiés en trois siècles : une invite à continuer leur sacerdoce…
• Autour de la gastronomie, le 2 mars 2011 à Drouot-Richelieu (SVV Guillaume Le Floc’h).
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Courtesy Galerie Bugada & Cargnel, Paris.
Nico Vascellari : le collage au XXIe siècle
PARIS - L’art du collage n’est pas mort. On sait que Prévert (on peut le vérifier à l’exposition de la Maison européenne de la photographie) et les surréalistes en étaient friands mais l’on doutait de sa vitalité actuelle. En voici un interprète contemporain, remarqué par les jurés du prix Pinchuk (Future Generation Art Prize) et déjà exposé au Macro de Rome. Nico Vascellari puise sa première première dans les pages multicolores des magazines dont il extrait des zones monochromes, qu’il recompose ensuite en personnages abstraits sans visage, faisant penser malgré soi à Ingres (la Baigneuse de Valpinçon) ou à Dalí (Voltaire disparaît). En phase avec son temps, Vascellari sublime ses collages dans des installations multimédia. Celle qui est présentée à la galerie Bugada & Cargnel combine un monolithe de bronze – reproduction du sommet d’une montagne -, des projections et un arrière-fond sonore.
• Nico Vascellari est présenté à la galerie Bugada & Cargnel jusqu’au 19 mars 2011.
LIVRES
Mexique surréaliste
Certaines vies sont plus excitantes que celles de personnages de fiction. Pourquoi prendre le risque de les romancer ? Ce mélange des genres, qui est assez dans le goût du temps, est indiqué sur la couverture : «roman». Pourtant, l’essentiel des faits narrés dans cet ouvrage semble ressortir à la réalité, notamment l’identité et les faits attribués au héros. Edward James est un riche héritier anglais, ami et mécène de Dalí, qui se collette avec l’avant-garde parisienne des années trente – les Ballets 33 de Balanchine, Coco Chanel, Georges Auric - avant de se prendre de passion pour le Mexique, où, comme un personnage délirant de Conrad, il décide d’édifier une ville de pierre dans la jungle. Avec l’aide de menuisiers et de contremaîtres locaux, près de Xilitla, où abondent les délicieuses écrevisses, il construit son rêve pendant plusieurs décennies. Quelques erreurs élémentaires de transcription auraient pu être évitées («jeffe» au lieu de «jefe», «inglès» au lieu d’«inglés», «benvenudo» au lieu de «bienvenido») mais la tranche de vie du vieux corsaire (mort en 1984) reste captivante…
• Edward dans sa jungle par Anne Vallaeys, Fayard, 2010, 336 p., 19 €.
BRÈVES
AJACCIO – Quatre toiles de maître ont été dérobées au musée Fesch, l’un des plus riches de France en peinture italienne, le 19 février 2011 : une Vierge à l’Enfant de Giovanni Bellini, une Pentecôte de Mariotto di Nardo, une Vierge à l’Enfant d’auteur anonyme et Midas à la source du Pactole de Nicolas Poussin.
LONDRES – Estimé 3 millions £, un Autoportrait de Warhol, datant de 1967, a été adjugé au triple (11,4 millions €) le 16 février 2011 chez Christie’s.
MADRID – Les salons d’art moderne et contemporain ARCO et Art Madrid, qui viennent de fermer leurs portes, annoncent respectivement une fréquentation de 150 000 et 40 000 visiteurs et des ventes en hausse par rapport à l’an dernier. Le musée Reina Sofía s’est placé au premier rang des investisseurs en achetant pour 680 000 € d’œuvres d’art à ARCO.
PARIS – En remplacement de l’exposition Masques de jade mayas, annulée comme d’autres événements de l’Année du Mexique en France, la Pinacothèque de Paris présentera, du 18 mars au 21 août, le Voyage imaginaire d’Hugo Pratt.
PARIS – Circulations, le festival de la jeune photographie européenne, qui se tient du 19 février au 20 mars au parc de Bagatelle, présente 42 créateurs issus provenant de l’ensemble du continent.
PARIS –Sotheby’s consacre une exposition rétrospective à Serge Gainsbourg, pour les 20 ans de sa mort, présentant 40 clichés de différents photographes, du 28 février au 9 mars 2011.