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N° 211 - du 31 mars 2011 au 6 avril 2011


Détail d'une maison en bois à Tomsk, Sibérie (Photo R. Pic)

L'AIR DU TEMPS

Lettre de Sibérie

TOMSK - Région de l’esprit comme l’appelait joliment l’écrivain Colin Thubron, la Sibérie est plus que jamais la proie d’appétits aiguisés. Son immensité en fait un dépôt idéal de scories nucléaires tandis que ses richesses en bois, en nickel, en charbon et surtout en pétrole motivent toutes sortes d’investissements. Le patrimoine, comme souvent, reste le parent pauvre. Les maisons en bois, l’une des expressions les plus authentiques de l’architecture locale, peinent à trouver une protection adéquate. L’Unesco, qui envisageait de classer Tomsk sur sa liste miracle il y a à peine cinq ans, semble revenue sur sa décision, au vu des événements des dernières années. Après des incendies criminels en cascade (une trentaine de maisons et églises), pour faire place nette à des projets immobiliers juteux, les quartiers anciens, comme ceux de la rue Tatarskaïa, ont perdu leur identité, mitée par des constructions modernes. La résistance au rouleau compresseur de la spéculation repose uniquement sur les activistes de la société civile – historiens, restaurateurs, universitaires -, qui défendent pied à pied, avec quelques banderoles et microphones, des isbas parfois vieilles de 300 ans, où habitaient les pionniers de la conquête de l’Est. On s’était ému il y a quelques années lorsque les églises en bois de Norvège avaient été la proie du vandalisme de sectes sataniques. A quand une pensée similaire pour la lointaine Sibérie ?

Lien vers les actions de l'association de défense du patrimoine en bois de Tomsk (en russe mais nombreuses images, notamment de l'incendie le plus récent)

EXPOSITIONS


Giovanni Boldini, Femme aux yeux pervenche, 1885, huile sur panneau, cm 72x59, collection privée. Courtesy Villa Olmo, Côme.

Boldini, peintre du beau monde

CÔME – Dans la géographie mouvante des pôles italiens proposant des expositions à grande fréquentation, la Villa Olmo est un nouveau venu qui s’est imposé avec des propositions sans grande audace mais montées avec professionnalisme. Sur les rives du lac de Côme, à deux pas de Villa d’Este, l’un des palaces les plus célèbres d’Europe, après Magritte, Klimt ou Miro, elle accueille Boldini. Peintre mondain de la fin du XIXe siècle, Italien transplanté avec succès à Paris, Boldini revient à la mode sur le marché de l’art : il a récemment signé une enchère spectaculaire (5,8 millions $ le 4 novembre 2010 chez Sotheby’s pour Portrait de Giovinetta Errazurriz). Ses grandes aristocrates en tenue de soirée furent les égéries de l’Europe à la veille de la Grande Guerre. Les belles Singer, Demidoff et Concha de Ossa sont comme le portrait d’une civilisation insouciante devant l’abîme. L’œuvre de Boldini a occulté le travail parallèle d’autres peintres italiens, qui est montré pour l’occasion. Si Giuseppe de Nittis vient de faire l’objet d’une rétrospective au Petit Palais à Paris, Vittorio Corcos et Federico Zandomeneghi manquent encore de « visibilité » en dehors de la péninsule.
Boldini et la Belle Epoque à Villa Olmo, du 26 mars au 24 juillet 2011.

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Walter Crane, détail du papier peint Swan, Rush and Iris, 1875. Courtesy V&A Museum, Londres

Le club des esthètes disparus

LONDRES – Le Victoria & Albert Museum présente, à son habitude, une exposition foisonnante où sont mises en regard toutes les formes d’art – sculpture, dessin, peinture, architecture et, évidemment, arts décoratifs. Celle-ci s’attaque à un mouvement profondément britannique, cet « Aestheticism », qui se voulut, entre les années 1860 et le début du XXe siècle, une réaction contre la chape de plomb du conformisme victorien. Les artistes qui y participèrent sont devenus des icônes, un statut qu’ils doivent à leurs biographies bizarres autant qu’à leurs créations. Les commissaires ne se privent donc pas d’examiner de près des personnages comme William Morris, Oscar Wilde ou Dante Gabriel Rossetti, qui déterra le cercueil de son amante pour récupérer un dessin qu’il lui avait légué en gage ultime d’adoration. Goût pour les formes végétales, influence de la Grèce ancienne, attirance pour l’art japonais : ces caractères se retrouvent dans les centaines d’objets présentés, des papiers peints aux bijoux, des meubles aux habits, jusqu’aux intérieurs excentriques que privilégiaient ces « esthètes ».
The Aesthetic Movement au Victoria & Albert Museum, du 2 avril au 17 juillet 2011. L’exposition sera présentée au musée d’Orsay en septembre 2011.

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Édouard Manet, Amazone / l'été, 1882 huile sur toile, 74 x 52 cm Madrid, Fondation Thyssen-Bornemisza © Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid.

Retour sur Manet

PARIS – Presque trente ans que Paris n’avait pas consacré de rétrospective à l’une des stars de la peinture française, l’auteur d’Olympia ou du Déjeuner sur l’herbe. La présente exposition entend relativiser certaines certitudes, comme le réalisme de Manet et montrer tout ce qu’il doit à d’autres influences - le romantisme, l’érotisme, l’art religieux. Certaines thématiques sont étudiées de près : son rapport avec l’impressionnisme, avec l’idéal républicain, avec la peinture « féminine » de Berthe Morisot ou Eva Gonzalez. L’exposition de 1880, la Galerie de la vie moderne, est partiellement restituée à la fin du parcours.
Manet, inventeur du Moderne au musée dOrsay, du 5 avril au 3 juillet 2011.

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Ces expositions ouvrent aussi cette semaine…

• LYON – Dans Le génie de l’Orient, le musée des Beaux-Arts montre comment s’est élaborée la fascination des élites intellectuelles pour l’Orient aux XIXe et XXe siècles. Du 2 avril au 4 juillet 2011.

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• PARIS – Jacques Kerchache était connu pour son amour des arts premiers et pour son rôle dans la naissance du musée du Quai Branly. Dans Kerchache et le vaudou, la Fondation Cartier montre un florilège des objets de sa collection. Du 5 avril au 25 septembre 2011.

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• QUIMPER – Le musée des Beaux-Arts invite à suivre, de Turner à Monet, la découverte de la Bretagne par les paysagistes au XIXe siècle. Du 1er avril au 31 août 2011

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VENTES

Weiller et sa malle aux trésors

PARIS – Personnage hors du commun, mort centenaire en 1992, Paul-Louis Weiller a été tout à tour as de l’aviation, industriel (à l’origine de la Snecma et d’Art France), l’un des premiers compagnons de de Gaulle, mondain (Greta Garbo le surnommait Paul-Louis XIV), bibliophile et philanthrope. La vente de sa collection, mêlant mobilier majeur du XVIIIe siècle français, jades de Chine ou peinture flamande va prendre quatre jours entiers et donner sur l’Hôtel-Drouot un coup de projecteur qui rappellera les belles heures de la vente André Breton. Membre de l’Académie des beaux-arts, le commandant Weiller avait le goût de l’écrit. La section consacrée à la bibliophilie le prouve avec plusieurs volumes de livres d’heures du début du XVIe siècle, notamment celui de Claude de France (estimé 400 000 €) ou un manuscrit enluminé des Chroniques de Froissart (vers 1415-20, estimé 250 000 €). Des lettres de Louis XIV et Frédéric le Grand voisinent avec le porte-documents de la marquise de Pompadour. Pour ceux qui s’intéressent à l’évolution du marché de l’art, un lot est particulièrement significatif : le 568, une lettre de Napoléon à Joséphine. Estimée 45 000 €, elle est accompagnée du bordereau de sa précédente adjudication, par maître Ader, en pleine drôle de guerre, le 7 mai 1940 : 78 200 francs. Les lettres d’amour de Cocteau sont inattendues car dirigées à une femme, Nathalie Paley (6 000 €). L’une d’elles fut même écrite au dos du faire-part de mariage de Paul-Louis Weiller. Il n’y a plus de principes…
Ancienne collection Paul-Louis Weiller à (Gros et Delettrez SVV) du 5 au 8 avril 2011 (livres le 8 avril). Exposition du 2 au 5 avril.

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L'ARTISTE DE LA SEMAINE


Ronald Ophuis, Yusuf porte son frère Adam, exécuté à Srebrenica, 1995, 2007. Collection privée, Amsterdam. Courtesy galerie Aeroplastics, Bruxelles.

Ronald Ophuis : images de la violence

Ses toiles ont le côté réaliste et achevé des grandes peintures d’histoire d’autrefois, avec des personnages, des vêtements, un cadre reconnaissables. Sauf que les sujets traités sont généralement liés à des situations de violence et souvent dérangeants : ce n’est pas toujours le héros qui occupe le devant de la scène. Ophuis explore les turpitudes de notre époque – les camps de concentration, les massacres en ex-Yougoslavie, la guerre en Palestine. Si elles étaient des photographies, ses images seraient difficilement publiables, même accompagnées de la mention passe-partout « pouvant heurter la sensibilité ». On y voit un viol dans un camp de concentration entre prisonniers, la déchéance ultime de ces mêmes prisonniers, le retour sur le lieu des exécutions à Srebrenica par des parents des victimes, etc. Cette continuité dans les thématiques traitées confère à l’œuvre d’Ophuis une unité et en fait une sorte d’encyclopédie du crime moderne, sans nous permettre d’en tirer des conclusions rassurantes.sur la nature du bien et du mal.
• Ronald Ophuis est exposé à la fondation Francès (à Senlis) dans le cadre de l’exposition Pax.

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LIVRES

L’Afrique par les animaux

Dix-huit espèces animales en 144 masques : c’est ce que propose ce livre, qui tire le bilan d’une intéressante collection privée, au lendemain du décès de son propriétaire, Gabriel Massa, il y a quelques mois à l’âge de 88 ans. Haut fonctionnaire actif en Afrique, il a fréquenté, entre autres, le Dahomey, la Haute-Volta, le Zaïre, pays qui, entre temps, ont tous perdu leur nom…Hyène, singe ou oiseau : chacun des masques reproduit un animal et est muni d’une symbolique ou d’un pouvoir particuliers. Cependant plus qu’une dissertation savante, le texte préfère se mettre dans les pas du collectionneur et épouser ses passions, de la hyène bamana au phacochère ligbe, en passant par l’antilope mossi. Les notices décrivent l’objet en détail et le replacent dans son contexte : on apprend ainsi l’existence d’un pèlerinage à la mare pour offrir un sacrifice au crocodile chez les Gurunsi du Burkina-Faso ou le rapport du masque cagoule éléphant et des sociétés secrètes chez les Bamiléké du Cameroun.
Masques animaliers d’Afrique noire par Chantal Dewé et Gabriel Massa, éditions Sépia, 2010, 144 p., 38 €.

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BRÈVES

AVILÉS (Espagne) – Le centre culturel Niemeyer, dessiné par Oscar Niemeyer, aujourd’hui âgé de 103 ans, a été inauguré le 26 mars 2011.

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CHICAGO – Le Pritzker Prize, considéré comme le « Nobel » de l’architecture, a été attribué en 2011 par la fondation Hyatt à l’architecte portugais Eduardo Souto de Moura.

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NAPLES – Une nouvelle station du métro, l’arrêt Università, dessiné par le designer Karim Rashid, a été inaugurée le 25 mars 2011.

Diaporama sur Repubblica.it

PARIS – La vente du mobilier Art déco du château de Gourdon, organisée le 29 mars 2011 par Christie’s, a rapporté 24,2 millions €.

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PARIS – Une partie de la collection d’art de l’hôpital psychiatrique Sainte-Anne, rarement montrée depuis l’exposition internationale d’art psychopathologique en 1950, est présentée à la galerie Area, du 1er avril au 31 mai 2011.

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PARIS – Le salon d’art moderne et contemporain Art Paris se tient du 31 mars au 3 avril 2011.

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TOULOUSE – Une peinture chinoise sur rouleau, d'époque Qianlong, longue de 24 mètres, à l’encre et à la gouache, a été adjugée 22,1 millions € à l’hôtel Saint-Aubin le 26 mars 2011, signant le record de l'année 2011 pour un objet aux enchères.

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Cette semaine, ne manquez pas…

BALTHUS OU LE TEMPS DU SABLIER Croquis, études, esquisses

AUTUN - A l’occasion du dixième anniversaire de la mort du peintre Balthus (1908-2001), le musée Rolin présente une soixantaine de ses dessins, croquis, études et esquisses, dont certains sont inédits.

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