ArtAujourdhui.Hebdo
N° 217 - du 12 mai 2011 au 18 mai 2011
MONUMENTA 2011, Anish Kapoor, Léviathan, vue intérieure de l'œuvre. Photo Didier Plowy. Tous droits réservés Monumenta. 2011, ministère de la Culture et de la Communication.
L'AIR DU TEMPS
Sam Francis, Untitled, 1982, acrylique sur papier, 45,5 x 60,5 cm. Courtesy collection George Economou, Athènes.
Lettre d'Athènes
Plongée dans une crise profonde, la Grèce se raccroche à l'art avec l'énergie du désespoir. On restaure actuellement les angles nord du Parthénon tandis que le musée de l’Acropole, dessiné par Bernard Tschumi, s’avère un succès : il a reçu près de 1,5 million de visiteurs en 2010. Et ce jour où les émissions de France Culture se délocalisaient complètement à Athènes, le 5 mai 2011, on dévoilait dans la dernière institution culturelle en date – une ancienne manufacture de soie restaurée dans le quartier de Metaxourgeio – la collection privée de l’armateur George Economou. Ce fils de bonne famille, né en 1951, a monté une colossale affaire de trading maritime, Cardiff Maritime, qui fait de lui l’un des hommes les plus riches du pays. Il collectionne depuis une vingtaine d’années et l’on trouve parmi ses 3000 œuvres des toiles et des dessins de Schiele, Dufy, Nolde, Metzinger, Brauner, Miro, Delvaux, Hockney ou Tsingos… La sélection est alléchante mais le plus beau est encore caché dans les réserves, avec un fonds méconnus d’artistes de la Sécession et de l’expressionnisme allemand et autrichien. Quant à la totalité de l’œuvre graphique d’Otto Dix, une acquisition récente (524 feuilles !), elle va être prêtée à long terme à la Staatliche Graphische Sammlung de Munich. « Je pense à un musée permanent », explique le collectionneur. «Cela pourrait être à Athènes mais aussi à Berlin, Vienne, Londres, New York ou Paris.» En bon homme d’affaires, il promet une décision rapide…
• La collection George Economou est présentée à la Galerie municipale d’Athènes (bâtiment Metaxourgeio, angles Leonidou et Milerou) jusqu'au 2 octobre 2011.
EXPOSITIONS
B. Calvin, Lax, 2010
Entre utopie et dystopie
BORDEAUX – Voilà une exposition déroutante dès l’abord : les érudits qui pourront en décrypter le titre ne seront probablement pas légion : la dystopie est l’envers de l’utopie. Pensée par un écrivain de science-fiction, Mark von Schlegell, elle essaie de montrer combien nos actuelles avant-gardes ont été contaminées par le credo consumériste. Notre monde, c’est New Dystopia, titre du dernier livre de l’auteur, qui en brosse un portrait apocalyptique. Il réunit pour cela les œuvres d’une cinquantaine d’artistes (de Cyprien Gaillard à Franz West) qui décrivent des espaces hostiles, des explosions, des radiations, des existences solitaires. Il y a cependant place pour l’espoir : c’est au fond de ce trou noir, de cette catastrophe industrielle, que peuvent naître de nouvelles utopies. Le catalogue sort lui aussi de l’ordinaire : il se présente sous la forme d’un roman, écrit par le même commissaire.
• Dystopia au CAPC du 14 mai au 28 août 2011.
Dior, homme à artistes
GRANVILLE – L’extraordinaire succès du « New Look » et de sa maison de couture font souvent oublier que Christian Dior a commencé sa carrière, dans les années difficiles autour de la crise de 1929, en tant que galeriste. Il tient un espace rue Cambacérès avec Pierre Colle où de futures gloires comme Giacometti, Calder ou Leonor Fini connaîtront leurs premières expositions personnelles. La sensibilité de Dior envers l’art contemporain se perpétuera toute sa vie comme le montre cette rétrospective qui réunit, dans sa charmante villa normande Les Rhumbs, tous ceux qui ont compté pour lui. Il y a là, évidemment, Christian Bérard, Jean Cocteau et le compositeur Henri Sauguet, mais aussi l’illustrateur René Gruau ou le photographe Willy Maywald, qu’il mettra à contribution pour forger l’image de sa maison. Les pièces exposées sont d’un éclectisme stimulant, d’une gouache de Max Jacob au peignoir créé par Edward Molyneux à partir d’un dessin de Raoul Dufy, jusqu’à la robe conçue par Elsa Schiaparelli pour le cinquantenaire de la tour Eiffel.
• Christian Dior, le bal des artistes au musée Christian Dior, du 14 mai au 25 septembre 2011.
Joseph Beuys, Getreide-Sortiermaschine – gegen den Hunger auf der Welt, 1984, Holz, Eisen und Getreide, 137 x 240 x 70 cm © 2011 ProLitteris, Zürich
La nature est en Beuys
ZURICH – Joseph Beuys (1921-1986) a toujours eu un rapport privilégié à la nature. On sait qu’il se laissa enfermer pendant plusieurs jours avec un coyote sauvage, sans frémir, et qu’il berça un lièvre mort. Cet attachement doit sans doute à son extraordinaire survie pendant la Seconde Guerre mondiale : aviateur dans l’armée allemande, il fut victime d’un crash en Crimée et ne dut la vie sauve qu’aux couvertures de feutre et aux doses de miel offertes par les Tatars venus à son secours. Le Kunsthaus retrace aujourd’hui son aventure abruzzaise : ami des barons Durini, il fut reçu pendant des années (1973-1985) dans leur propriété de Bolognano et y mena, sous l’intitulé Difesa della natura, des actions contre le matérialisme de la société contemporaine. Des discussions avec les habitants à la plantation de 7000 arbres (Piantagione Paradise), jusqu’aux objets d’édition, elles sont évoquées à travers une centaine d’œuvres.
• Joseph Beuys, Difesa della Natura au Kunsthaus Zurich, du 13 mai au 24 août 2011. Catalogue Electa de 960 pages.
Artaujourdhui vous conseille aussi ces expositions…
• BARLETTA (Italie) – Dans Incanti e scoperte, la Pinacoteca De Nittis étudie l’influence de l’Orient dans la peinture italienne du XIXe siècle. Jusqu’au 5 juin 2011.
• NEW YORK – Le Metropolitan Museum fait redécouvrir la famille suisse Gilléron, la première, au début du XXe siècle, à se spécialiser dans la copie de qualité d’œuvres mises au jour par les archéologues en Grèce. Du 17 mai au 13 novembre 2011.
• PARIS – Avec une quarantaine de grands formats, le Musée d’art moderne de la Ville de Paris consacre une rétrospective à Marc Desgrandchamps, peintre de la figuration contemporaine. Du 13 mai au 4 septembre 2011.
VENTES
Dans les petits papiers de Robespierre
PARIS – Qu’écrivait Robespierre trois jours avant sa mort ? Le Discours du 8 thermidor. Lui qui ne tremblait jamais devant des décisions terribles, eut-il des repentirs au cours de la rédaction ? C’est ce que saura l’acheteur des étonnants brouillons qui passent en vente le 18 mai 2011. Ils rassemblent les éléments de 5 discours et 4 articles, écrits par l’Incorruptible, dont le Discours des Jacobins sur la guerre. Plus de 200 000 € sont attendus pour ces témoignages à chaud sur l’histoire de France. Au cours de la même vente, on pourra se disputer des lots plus riants, comme un éventail manuscrit de Cocteau (à l’intention de Misia Sert, estimé 3000 €) ou une version tapuscrite non référencée du Petit Prince de Saint-Exupéry (estimée 40 000 €).
• Livres et manuscrits chez Sotheby’s le 18 mai 2011.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Rouge Kapoor
C’est un habitué des volumes gigantesques et il le prouve une nouvelle fois. L’installation d’Anish Kapoor pour la manifestation Monumenta, réussit à emplir la nef du Grand Palais aussi bien qu’avait pu le faire Richard Serra avant lui avec ses stèles d’acier. Intitulée Léviathan, comme un monstre obscur, elle se voit aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur. Dans le premier cas, on est immergé dans un univers rouge – la couleur fétiche de l’artiste né à Bombay en 1954 - et oppressant, où l’air manque. Dans le second, on déambule entre d’énormes sphères de toile, comme des medecine-balls qui tutoieraient la voûte. Après son Marsyas à la Tate Modern en 2002, après sa Sculpture Farm en Nouvelle-Zélande en 2009, à la recherche du démesuré, quelle sera sa prochaine limite ?
• Léviathan d’Anish Kapoor au Grand Palais, du 11 mai au 23 juin 2011.
LIVRES
Retour vers le Futura
Parmi les polices qui ont marqué l’histoire de la typographie, il occupe une place de premier plan, à côté du Garamond, du Times ou du Frutiger. Le Futura, conçu par le peintre allemand Paul Renner dans les années vingt, est l’un des plus célèbres caractères sans empattement, dans la brèche ouverte par le Caslon dès 1816. L’ouvrage décrit son extraordinaire expansion, dans la période qui vit à la fois l’effervescence créatrice du Bauhaus et la répression hitlérienne. Grâce à l’implantation internationale de la fonderie Bauer qui le produit (elle possède des ateliers à Barcelone et New York), ce « caractère pour notre temps » franchira les frontières. Il sera repris dans les magazines Vu et Casabella, les affiches de Jean Carlu, plus tard dans les campagnes publicitaires de Volkswagen ou des grands magasins italiens La Rinascente, qui oseront lui accoler le Bodoni. Stanley Kubrick lui rendra un hommage appuyé en l’utilisant abondamment dans 2001 Odyssée de l’espace…
• Futura, une gloire typographique par Alexandre Dumas de Rouly et Michel Wlassikoff, Norma, 2011, 192 p., 45 €.
BRÈVES
AMSTERDAM – La foire d’art moderne et contemporain Art Amsterdam se tient du 11 au 15 mai 2011.
DÜSSELDORF – Le Museum Kunstpalast, dont les collections comprennent aussi bien l’Assomption de la Vierge de Rubens, que de l’art contemporain (Balkenhol ou Hockney), a rouvert le 7 mai 2011 après deux ans de travaux de restauration.
EUROPE - La 7e Nuit européenne des musées se tient le 14 mai 2011 au soir en France et dans plusieurs pays européens, avec ouverture nocturne et animations dans de nombreux musées.
PARIS – Les Temps forts Drouot, présentation des plus beaux lots des ventes à venir, se tiennent à Drouot-Montaigne du 18 au 22 mai 2011.
ROUEN – Une tête maorie, appartenant aux collections du Museum d’Histoire naturelle, a été solennellement restituée le 9 mai 2011 à son peuple pour être inhumée en Nouvelle-Zélande.
VENCE – Olivier Kaeppelin, qui vient de démissionner de son poste de directeur du projet Palais de Tokyo, a été nommé directeur de la fondation Maeght.
VIENNE – Le salon d’art moderne et contemporain Viennafair se tient du 12 au 15 mai 2011.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas…
FANTÔMES ET CAUCHEMARS Art contemporain et collections de 1914-1918
PÉRONNE - BEAUVAIS - Du 13 mai au 28 août 2011, l’Historial de la Grande Guerre et l’Espace culturel de Beauvais, situés dans une région marquée par les guerres, confrontent des œuvres actuelles avec les collections 1914-1918 de l’Historial.