ArtAujourdhui.Hebdo
N° 239 - du 8 décembre 2011 au 14 décembre 2011
Jan Fabre, Skull, 2010, photo Pat Verbruggen © Angelos BVBA Jan Fabre (exposition Wunderkammer au Botanique, Bruxelles)
L'AIR DU TEMPS
Cabinets de curiosités AAA
A l’heure où toutes les certitudes s’effondrent, où même l’Allemagne est menacée de perdre sa cotation financière maximale, où tous les gouvernants sont obsédés par le respect d’une politique uniforme et orthodoxe, un goût ancien pour le caprice et l’insoumission résiste dans le monde de l’art. Le cabinet de curiosités, péché mignon de cette rédaction, est une tradition qui remonte à la Renaissance et qui fait la nique aux modes. Ses sectateurs, mus par leur seul sens du beau et du bizarre, accumulent des collections hétéroclites, nourries de toutes les époques, de tous les styles, de toutes les aberrations de la nature (des œufs pétrifiés aux ruines-de-rome, en passant par les chefs-d’œuvre de compagnons ou les noyaux d’abricot sculptés). On ne peut ni les dupliquer ni les résumer ni les synthétiser : les cabinets de curiosités, rétifs aux conseils de consultants et d’experts, décourageant les évaluations financières, sont l’une des ultimes expressions du libre-arbitre. Après le bel ensemble exposé à la Maison rouge de Paris, en voici une autre version au Botanique de Bruxelles, composée de caprices d’artistes. Comme un vent de fraîcheur dans cette morosité qui contamine tous les pans de notre vie quotidienne…
• Wunderkammer. Cabinet de curiosités contemporain au Botanique (Bruxelles), du 8 décembre 2011 au 29 janvier 2012.
• A lire : Cabinets de curiosités par Christine Davenne et Christine Fleurent, La Martinière, 2011, 39,90 €.
EXPOSITIONS
Gravure originale du Cheval de Troie correspondant au premier état du tableau 18,5 x 27,3 cm (collection particulière) © ADAGP
Vulliamy, surréaliste oublié
BESANCON - Dans le club des surréalistes, il y a les stars – Dalí, Max Ernst, Tanguy notamment - et les autres. Parmi ces derniers, il en est qui resurgissent périodiquement de l’oubli. C’est le cas actuellement de Gérard Vulliamy. Né en 1905, il n’a pas fait partie de la première génération mais s’est joint au mouvement au milieu des années 1930, après être passé par Abstraction-Création. Exposé dans les galeries parisiennes qui comptaient à l’époque – Pierre, Jeanne Bucher, puis Denise René – il ferme lui-même sa parenthèse surréaliste en se plongeant dans l’abstrait dès l’après-guerre. L’exposition fait découvrir un univers qui s’exprime presque uniquement par le dessin : formes organiques, liquides originels, animaux fantastiques coincés dans d’étranges pliures. Cette atmosphère illustrera de nombreuses œuvres littéraires, de Ponge à Eluard.
• Gérard Vulliamy, les dessins surréalistes au musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, du 9 décembre 2011 au 2 avril 2012.
Artaujourdhui vous conseille aussi…
• MADRID – La Fondation Mapfre dédie une rétrospective de plus de 100 images au photographe suisse Gotthard Schuh (1897-1969), l’un des acteurs de la « Nouvelle Vision ». Du 13 décembre 2011 au 19 février 2012.
• PARIS - Supervielle, poète de la pampa : le citoyen de Montevideo (comme Lautréamont) est décrypté à la Maison de l’Amérique latine. Du 8 décembre 2011 au 19 janvier 2012
• PARIS - Avec Fantin-Latour, Manet, Baudelaire : l’hommage à Delacroix, le musée Delacroix montre l’influence du peintre de la Liberté guidant le peuple. Du 7 décembre 2011 au 19 mars 2012.
VENTES
Étienne Dinet (1861-1929), Jeunes filles essorant leur linge, huile sur toile, signée en bas à droite. 81,2 x 65,5 cm. Estimation : 250 000 € (lot 144). Courtesy Gros & Delettrez, Paris.
L’orientalisme sent la crise
PARIS - Parmi les ventes françaises de la fin d’année, celle d’art orientaliste de Gros et Delettrez tient traditionnellement une place importante, avec son abondance de lots (jusqu’à mille les bonnes années) et ses records (Etienne Dinet y a dépassé le million d’euros). Elle ne semble pas échapper à la morosité ambiante : celle année, la vacation se tiendra sur une seule journée plutôt que sur deux, signe de la difficulté à attirer de la « bonne » marchandise en une période d’incertitude. Après une section fournie de livres et albums photographiques, c’est encore le précité Dinet qui tirera la vente, avec quelques aguichantes nudités se baignant dans l’oued (Baigneuse dans la palmeraie estimé 400 000 € ou Jeunes filles essorant leur linge à 250 000 €). Très loin derrière, suivront George Washington, Léon Cauvy (Pêcheurs sur la darse de l’Amirauté à 30 000 €) ou Roger Bezombes). Le test attendu est bien sûr de savoir si les acheteurs du Moyen-Orient resteront dans l’expectative ou continueront de soutenir un marché qu’ils ont propulsé à des hauteurs inattendues et qui ne peut exister sans eux.
• Orientalisme à l’hôtel Drouot le 12 décembre 2011 (SVV Gros & Delettrez)
LES ARTISTES DE LA SEMAINE
Anne Deleporte, Dazzling painting © Anne Deleporte – CMN Paris.
Du côté des animaux
Les créateurs qui s’intéressent au monde animal, qui s’en inspirent et l’interprètent, semblent n’avoir jamais été aussi nombreux. On se souvient de Beuys vivant avec son coyote, de Jan Fabre tapissant d’un million d’élytres de scarabées les plafonds du Palais royal de Bruxelles ou de Hubert Duprat faisant tisser des cocons en or aux larves de trichoptères. Une nouvelle génération est là qui interroge notre rapport à la nature à l’heure où les OGM, les atteintes à la biodiversité, la pollution sont des thématiques criantes. L’exposition de la Conciergerie constitue une sorte de florilège réunissant Karen Knorr, Françoise Pétrovitch, Sheila Concari - qui joue la femme-moustique -, Erik Nussbicker - qui emprisonne les mouches dans un immense sablier en toile - , ou Anne Deleporte - qui aide à créer un zoo à Gaza en peignant des raies sur les ânes pour les transformer en zèbres. Autant de façons de nous interroger : où nous situons-nous ? Dans la nature ou en dehors ? Animaux ou plus du tout ?
• Bêtes Off à la Conciergerie jusqu’au 11 mars 2012. Catalogue éditions du Patrimoine, sous la direction de Claude d’Anthenaise.
• Sheila Concari à la galerie Dix9 (19, rue des Filles-du-Calvaire, 75003 Paris), jusqu’au 14 janvier 2012.
• Guillaume Dégé à Sémiose Gallery (54 rue Chapon, 75003 Paris), jusqu’au 30 décembre 2011.
LIVRES
Paris : trois siècles de projets fous
Un phare en granite de 370 mètres de haut, place du Trocadéro, pour des cures d’aérothérapie (Bourdais) ? Une gigantesque statue d’éléphant habitable à la Bastille (Ribart) ? Un aéroport de nuit tendu sur la Seine (Lurçat) ? Une rampe hélicoïdale pour que les automobiles puissent accéder au deuxième étage de la tour Eiffel (Basdevant) ? Un boulevard périphérique de 200 tours de 200 mètres de haut (Perret) ? Une autoroute sous la Seine Maymont) ou un Centre Pompidou en forme d’œuf (Bruyère) ? Ce sont là quelques-uns des projets fous, et évidemment jamais réalisés, que l’historien Yvan Christ avait sélectionnés pour son ouvrage classique Paris des utopies, publié il y a 40 ans. Cette réédition, treize ans après la mort de son auteur, devrait fournir de belles pistes de réflexion à l’heure où l’on tente de réaménager les Halles et de relancer l’habitat en hauteur…
• Paris utopie par Yvan Christ, Nicolas Chaudun, 2011, 216 p., 42 €.
BRÈVES
LONDRES – Le Turner Prize 2011 a été attribué le 6 décembre au sculpteur Martin Boyce.
PARIS – La Fondation des Etats-Unis à la Cité universitaire a inauguré le 7 décembre 2011 la fresque Art déco restaurée de Robert La Montagne Saint-Hubert (réalisée en 1930 et redécouverte en 1994).
PARIS – La Cité de la céramique de Sèvres ouvre six salles réaménagées le 14 décembre 2011.
VERSAILLES – Le ministère de la Culture a annoncé le 5 décembre 2011 le lancement d’une deuxième tranche de grands travaux pour le château et le domaine de Versailles, dotée d’un budget de 171 millions €.
