ArtAujourdhui.Hebdo
N° 257 - du 26 avril 2012 au 2 mai 2012
Alain Bizos, Marianne Colères, France, Paris, 2012 ©Galerie Vu' (exposition de photographes au QG de campagne de François Hollande du 23 avril au 5 mai 2012)
L'AIR DU TEMPS
Culture, exception française ?
Alors que les pays frappés par la crise diminuent drastiquement leurs financements à la culture – en Espagne, coupes claires pour le cinéma, en Italie, assèchement des subventions pour les musées dont certains sont en situation difficile comme le nouveau Maxxi de Rome, en Grèce, même aux Pays-Bas – la France peut-elle faire office de modèle de résistance ? Si Marine Le Pen voulait axer sa politique sur la défense des vieilles pierres, Dupont-Aignan protéger les artistes nationaux et Mélenchon remonter à un budget représentant 1% du PIB, les deux finalistes du second tour, Hollande et Sarkozy, ont une vision plus équilibrée… d’où est cependant absent le panache de l’ère Mitterrand avec ses grands travaux, sa fête de la musique, sa politique muséale (du Grand Louvre au musée d’archéologie de Bibracte). Si le tourisme est justement perçu comme l’industrie du futur dans un monde globalisé, trop rares sont les décideurs qui réalisent qu’il est étroitement dépendant de l’offre culturelle. Musées, festivals, patrimoine et grandes expositions sont les « produits d’appel » de la destination France. La culture comme instrument de relance : on aurait aimé entendre cette formulé scandée avec plus de conviction…
EXPOSITIONS
Le Greco, Madeleine pénitente, vers 1580-86, huile sur toile, 104,6 x 84,3 cm © The Nelson–Atkins Museum of Art, Kansas City, Missouri, William Rockhill Nelson Trust, 30-35, Photo : Jamison Miller.
Le Greco, peintre allemand
DÜSSELDORF – Le Greco, inspirateur de Beckmann, Macke, Kokoschka, Franz Marc et de toute l’avant-garde allemande du XXe siècle ? Une vérité oubliée que rappelle l’exposition « Le Greco et les modernistes ». Elle est présentée un siècle après le coup de tonnerre que fut l’arrivée en terre allemande des premiers Greco, appartenant à la collection Nemes (présentée à Berlin, puis à Düsseldorf en 1912 ans à la Städtische Kunsthalle). C’est là que les jeunes artistes purent voir de près cet artiste étrange, transformant les proportions, usant d’une palette agressive, peuplant ses compositions de personnages extatiques au teint cireux… Cent ans plus tard, le rêve de réunir le maître et les élèves est enfin tenu. A côté d’une quarantaine de Greco, provenant du Metropolitan, du Louvre ou de Tolède, voici des Beckmann, des Lehmbruck, des Oppenheimer mis en contrepoint, prouvant que Cézanne n’était pas leur seule référence…
• Le Greco et les modernistes au Kunst Palast, du 28 avril au 12 août 2012.
Ces expositions ouvrent aussi cette semaine…
Le Mauritshuis déménage
LA HAYE – Pendant les deux années que va durer sa rénovation, une centaine de Chefs-d’œuvre du Mauritshuis – dont la Vue de Delft de Vermeer et la Leçon d’anatomie de Rembrandt - quittent leurs habituelles cimaises pour être accrochés au Gementemuseeum. A partir du 28 avril 2012.
Picasso graveur
LONDRES – Le British Museum expose dans son intégralité un monument de l’art de la gravure, les 100 estampes de la Suite Vollard réalisées par Picasso entre 1930 et 1937. Du 26 avril au 2 septembre 2012.
La collection Hubert Looser en Autriche
VIENNE – L’un des principaux ensembles privés suisses, la Collection Hubert Looser, riche en œuvres contemporaines de premier plan - de Kooning, Twombly, Penone, etc. - est présenté pour la première fois hors de son site, au Bank Austria Kunstforum. Du 26 avril au 15 juillet 2012.
FESTIVAL
Croquis The smoke blue garden © DR
L’art est dans le jardin
CHAUMONT-SUR-LOIRE - Qu’un cuisinier dirige le jury du festival des jardins ? Pas mal vu lorsque celui-ci, Alain Passard, est un passionné d’herbes et de plantes, qu’il distille dans son restaurant parisien, L’Arpège. Pour fêter son 20e anniversaire, le festival lancé en 1992 dans un des plus beaux châteaux de la Loire a choisi une thématique volontairement festive : « Jardins des délices, jardins des délires ». A côté d’un nouveau parc de 10 hectares dessiné par Louis Benech, c’est le traditionnel contingent international qui a essaimé ses créations devant les tours médiévales. Arbres portant des pierres précieuses pour fruits ou forêts inspirées des gâteaux du grand chef Carême… De Pablo Reinoso, connu pour ses bancs spaghetti, à Sim Flemons et John Warland, qui mettent en scène la révolte des nains de jardin, jusqu’à Toulotte et Iglesias García de Sola, inventeurs d’une autre orange mécanique, une nouvelle garde s’affirme, brouillant encore plus la frontière entre art et paysage.
• Festival international des jardins au château de Chaumont, du 25 avril au 21 octobre 2012.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Adel Abdessemed, Décor, 2011-2012, fil barbelé, quatre éléments chacun, 223,5 x 174 x 40,6 cm. Courtesy l'artiste et David Zwirner Gallery.
Adel Abdessemed ausculte les maladies de notre temps
Son entrée sur la scène artistique occidentale ne pouvait être plus brutale et devait marquer sa création : Adel Abdessemed (né en 1971 à Constantine) quitta l’Ecole des beaux-arts d’Alger le jour où son directeur fut assassiné par les extrémistes, en 1994. Depuis, il a travaillé dans les plus grandes « places » mondiales, de Paris à Berlin en passant par New York où sa résidence se conclut par une exposition au P.S.1. Interrogeant les maladies de notre société – inégalités sociales, intolérance, exode, violence gratuite -, il produit des vidéos ou des installations qui soulèvent souvent des réactions violentes comme Don’t Trust Me, montrant l’abattage d’animaux, qui fut interdite à l’Art Institute de San Francisco en 2008, Taxidermy, autre œuvre réalisée à partir d’animaux (brûlés après avoir été empaillés), ou encore Practice Zero Tolerance montrant une carcasse de voiture issue des troubles dans les banlieues en 2005.
• Adel Abdessemed présente au musée Unterlinden de Colmar Décor, œuvre inspirée de la Crucifixion de Grünewald. Il est aussi présent à Paris, dans le cadre de la Triennale du Palais de Tokyo, Intense Proximity.
LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE
LIVRES
Centre Pompidou, le voyage en Suisse
Alain Seban, président du Centre Pompidou, a récemment annoncé son souhait de mener une « politique de marque » pour contribuer au financement de l’institution. L’exposition à la Fondation Pierre Gianadda (jusqu’au 24 juin 2012) d’une sélection de portraits en est une illustration. La multiplication de ces déplacements temporaires de collections (l’Ermitage au Prado, le Louvre à Atlanta, etc.) laisse perplexe… Ils ne semblent légitimes que lorsqu’ils font découvrir des musées « inconnus » (comme la collection Brukenthal de Sibiu, en Roumanie, montrée au musée Jacquemart-André en 2009). Cependant, force est de constater qu’une thématique comme celle des portraits permet de poser un nouveau regard sur un fonds très riche et de redécouvrir des pièces souvent laissées dans les réserves. Ainsi, du buste de Picasso par Gargallo au nu de prostituée par Marquet, du Chaliapine plein de morgue de Boris Grigorieff au Guynemer tranformé en icône par Roger de La Fresnaye, la promenade concède quelques surprises.
• Portraits, collections du Centre Pompidou, Fondation Pierre Gianadda, 2012, 188 p.
BRÈVES
BERLIN – La 7e Biennale d’art contemporain se tient du 27 avril au 1er juillet 2012.
BRUXELLES – Le 12e Salon international de la céramique ancienne et des objets de collection se tient du 27 avril au 1er mai 2012.
HYÈRES – Le 27e Festival international de mode et de photographie se tient à la villa Noailles du 27 au 30 avril 2012. Les expositions se poursuivent jusqu’au 27 mai 2012.
PARIS – Le Salon international du livre ancien et de l’estampe se tient au Grand Palais du 27 au 29 avril 2012.