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N° 285 - du 20 décembre 2012 au 9 janvier 2013

Ceci est le dernier numéro de 2012. Notre prochain numéro paraîtra le 10 janvier 2013. JOYEUX NOËL ET BONNE ANNÉE !


Francisco Cano, Badajoz, 1947. Le célèbre torero Manolete (à gauche) l’année de sa mort. Courtesy Palacio del Bailío, Cordoue/Bertrand Rieger.

L'AIR DU TEMPS

Des centenaires contre la fin du monde

On en a glosé jusqu’à plus soif – les médias y ont trouvé leur compte. La prétendue fin du monde, programmée pour le lendemain de l’envoi de cette lettre, aurait l’inconvénient de rendre celle-ci caduque – et tous les bons livres qu’elle propose pour passer les fêtes. Ce marronnier maya fait sans doute bien rire le photographe Paco Cano, qui a dû en entendre parler, de fins du monde ! Lui qui a traversé la Guerre civile et photographié la cornada mortelle du torero Manolete à Linares en 1947, est toujours présent sur les plazas de toros d’Espagne. Il a fêté ses cent ans avant-hier, à Valence. On parle moins de lui que de Niemeyer (décédé le 5 décembre, 10 jours avant son 105e anniversaire) ou du cinéaste Manoel de Oliveira (qui a fêté ses 104 ans le 11 décembre) mais il illustre aussi l’extraordinaire longévité de certains créateurs. Décembre semble davantage le mois des centenaires que celui de l’apocalypse. Que cet élixir d’éternelle jeunesse accompagne notre monde à venir…

SPÉCIAL LIVRES

Les Mille et Une Nuits, une célébrité récente

Alep est tristement à la une de l’actualité depuis plusieurs mois. Une manière moins sombre d’évoquer la cité syrienne est de rappeler le rôle qu’elle joua dans la diffusion du corpus des Mille et Une Nuits. Ce sont en effet des chrétiens maronites d’Alep qui fournirent au début du XVIIIe siècle à Antoine Galland, son premier traducteur, la matière qui allait donner naissance à un classique de la littérature mondiale. Depuis la première édition de 1704, son succès ne s’est jamais démenti comme le prouve cette balade à travers quelques-unes de ses nombreuses incarnations visuelles, du théâtre d’ombres turc karagoz aux costumes de Bakst pour les Ballets russes de Diaghilev, en passant par un film de Georges Méliès, (à voir à l’Institut du monde arabe). Si la genèse des contes remonte au califat abbasside de Bagdad, au IXe siècle, c’est l’Occident moderne qui leur donna un écho mondial : ils fascinèrent aussi bien Andersen que Borges, furent emportés par les marchands hollandais jusqu’à Nagasaki, et clouèrent à sa table l’aventureux Burton, découvreur des sources du Nil, qui en fit une traduction mémorable. Ils révélèrent un autre personnage haut en couleur par son cosmopolitisme : Joseph-Charles Mardrus (1868-1949). Né au Caire dans une famille arménienne, il étudia chez les Jésuites à Beyrouth avant de faire sa médecine à Paris. Pour se faire finalement connaître par une version non expurgée des contes…
Les Mille et Une Nuits, Hazan, 2012, 400 p., 39 €.

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Impressionnisme, miroir de la mode

« Le corset de satin, c‘est peut-être le nu de notre époque » disait Manet. La grande exposition consacrée par le musée d’Orsay aux relations de l’impressionnisme avec la mode montre que les « fashion addicts » ne datent pas d’aujourd’hui… Les nombreuses revues spécialisées (Paris-Charmant, La toilette de Paris, etc.) et les puissants grands magasins montrent que la mode mouvait déjà un important chiffre d’affaires dans la dernière décennie du XIXe siècle, qui fut celle du triomphe de la haute couture parisienne. L’art ne pouvait y être insensible. Si Tissot continue dans une veine au réalisme méticuleux (avec un extraordinaire rendu des matières), Renoir, Degas et Berthe Morisot tordent le cou portrait classique de l’élégante debout. Ils donnent à leurs modèles des poses plus naturelles, dans un environnement et sous une lumière renouvelés, tout en restituant les modes de l’époque. Le chassé-croisé permanent entre tableaux et objets réels (chapeaux, robes, souliers) nourrit la démonstration.
L'Impressionnisme et la Mode, Flammation/Musée d'Orsay, 2012, 320 p., 45 €.

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Un autre musée d’Istanbul

« L’attachement que l’on éprouve pour les objets est l’une des grandes consolations de la vie », dit l’un des héros de Orhan Pamuk. Après avoir construit un roman comme un catalogue de musée (Le musée de l’innocence), l’écrivain a franchi un pas supplémentaire en créant véritablement sa collection, ouverte au public depuis avril 2012 dans le quartier de Cukurcuma. Ce musée de l’Innocence abrite un bric-à-brac très personnel, évoquant un Istanbul en voie de disparition : des cartes postales avec des bateaux, des verres tulipe pour boire le thé, des chromos d’actrices et de footballeurs, une boucle d’oreille qui ressuscite des amours mortes… Un véritable cabinet de curiosités à mille lieux de l’universel et de l’impersonnel des « vrais » musées, qui se lit comme une tranche de vie, comme un instantané du XXe siècle finissant. Presque comme un roman : l’art et les objets ne sont-ils pas, autant que la littérature, un miroir que l’on promène le long d’une grand-route ?
L'innocence des objets, par Orhan Pamuk, Gallimard, 2012, 264 p., 35 €.

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Deux siècles de joaillerie

Retracer l’histoire du bijou depuis 1800, tel est le propos de cet ouvrage aux reproductions soignées, sur un élégant fond noir. Les auteurs s’y connaissent : ce sont des spécialistes de Sotheby’s, qui ont choisi de se concentrer sur des pièces qu’ils ont vues de près, puisqu’elles sont toutes passées entre leurs mains. David Bennett a un record à son actif : l’adjudication à 46 millions de dollars du diamant Graff Pink, en 2010. Faisant la part belle aux créations de la Belle Epoque (avec Lalique en fer de lance) ou Art déco (avec, entre autres, un étui à cigarettes de Raymond Templier), le livre s’intéresse également aux différents revival (néo-étrusque, néo Renaissance, etc.) dans lesquels excellèrent les ateliers italiens comme ceux des Castellani. Parmi ces étincelants sautoirs, bracelets et colliers signés Cartier, Van Cleef & Arpels ou Sterlé, certaines pièces ont un pedigree étonnant, à l’image de ce clip « hindou » de René Boivin en diamant, ébène et or, serti de pierres précieuses, que la princesse Baby de Faucigny-Lucinge arborait dans un Vogue français de 1937.
Célébration du bijou par David Bennett et Daniela Mascetti, Bibliothèque des Arts, 2012, 324 p., 85 €.

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Créer dans la France occupée

Sous une couverture couleur kraft, qui fait penser aux privations des années noires, l’ouvrage démontre que, même sous la botte de l’occupant, les artistes ont continué de produire. Certains ont, à des degrés divers, courbé la tête (Vlaminck et le voyage en Allemagne de triste mémoire ; les conservateurs du Musée d’art moderne, l’inaugurant en 1942 avec un florilège passéiste ; Cocteau faisant l’éloge d’Arno Breker, le sculpteur préféré d’Hitler). Mais pas tous comme le rappellent les chapitres consacrés à Picasso (à qui l’on venait de refuser la nationalité française et qui peignait alors, dans son atelier des Grands Augustins, sa célèbre Aubade) ou à Jeanne Bucher. La galeriste exposait des représentants de l’art « dégénéré » comme Otto Freundlich, qui mourra en camp de concentration, et protégeait d’autres artistes, comme la photographe Rogi André, qui vécut cachée dans son grenier. Le catalogue de l’exposition au musée d’Art moderne de la Ville de Paris fait redécouvrir des auteurs peu connus, qui ont créé dans des conditions très précaires, comme Roger Payen, qui travailla à la prison de la Santé sur un support « pauvre », les boîtes d’allumettes. Un glossaire final mêle personnalités, événements et lieux (de Jean Cassou à l’Exode, en passant par la galerie Drouin).
L'art en guerre, France 1938-1947, sous la direction de Laurence Bertrand Dorléac et Jacqueline Munck, Musée d'art moderne de la Ville de Paris / Paris Musées, 2012, 400 p., 39 €.

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