ArtAujourdhui.Hebdo
N° 335 - du 20 février 2014 au 26 février 2014
Robert Mouzillat, Picasso sur les marches de La Californie, avec Femme à l'orange (1943). © Elizabeth Mouzillat Jowett (exposition au Holburne Museum, Bath).
L'AIR DU TEMPS
Picasso en 3D
BATH - On connaît tout de Picasso, et des photographes qui l’ont immortalisé, de Capa à Doisneau, de Brassaï à André Villers. Or, voici que, par un étrange concours de circonstances, surgit dans un lieu inattendu un ensemble jamais vu. Ces images ont été prises en deux journées seulement, lors de Pâques 1957. Ce samedi, à la villa La Californie, à Cannes, il y avait évidemment le grand Pablo, mais aussi Jacqueline Roque (sa dernière compagne), John Richardson (l’un de ses biographes) et le photographe David Douglas Duncan. Le jour suivant, on alla en Arles voir la corrida et retrouver les vieux amis Oscar Domínguez, Jean Cocteau et Luis Miguel Dominguín. L’auteur des clichés qui immortalisent ce week-end chargé, Robert Mouzillat (1913-2010), était un inventeur dont le procédé de photo en volume avait excité la curiosité de Picasso, qui lui avait laissé champ libre. Trois ans après la mort de Mouzillat, sa fille, établie en Angleterre, ouvre enfin ses archives. Elles permettent de pénétrer dans l’intimité de Picasso, notamment dans le salon de la villa, avec son extraordinaire fouillis de meubles et de sculptures. L’exposition ne donne qu’un bref aperçu, mais la découverte peut être poursuivie par l’intermédiaire du livret et des lunettes spéciales, mises au point par Brian May, président de la Société stéréoscopique de Londres et ancien batteur du groupe Queen. Tous les chemins mènent à Picasso…
• Stereoscopic Photographs of Pablo Picasso au Holburne Museum (Pulteney Road), du 22 février au 1er juin 2014.
EXPOSITIONS
Gustave Doré, Souvenir de Loch Lamond, 1875. Huile sur toile, 131 x 196 cm. New York, collection particulière © French & Company, New York.
Au secours de Gustave Doré
PARIS - Un excellent illustrateur de la Bible, de Dante et de Rabelais ! Le parfait interprète du Don Quichotte de Cervantès. Que peut-on dire de plus de Gustave Doré (1832-1883) ? Qu’il a produit les images d’un intéressant Voyage en Espagne écrit par le baron Davillier ? Qu’il s’est illustré dans la gravure ? Il y a fort à parier que l’on n’en dirait guère plus tant sa réputation, grande au XIXe siècle, a décliné pour n’être plus que celle d’un honnête praticien. En réalité, Gustave Doré est une sorte de colosse, qui a excellé dans des domaines aujourd’hui oubliés : il dénonça par le dessin les injustices sociales de son époque, fut un séduisant peintre de paysages et réalisa de gigantesques compositions bibliques, qui firent de lui une star à Londres. Jusqu’à l’orée du XXe siècle, une galerie entièrement consacrée à son œuvre, la Doré Gallery, y attira pendant deux décennies une moyenne de 100 000 visiteurs par an. Rassemblant toutes ces facettes (sur deux étages éloignés, ce qui complique un peu la visite), l’exposition a clairement l’ambition de sortir l’artiste de son purgatoire de dessinateur pour recueils des familles…
• Gustave Doré, l’imaginaire au pouvoir au musée d’Orsay du 18 février au 11 mai 2014.
Picasso et ses modèles
BRÊME - Les femmes qu’il a aimées (Fernande, Marie-Thérèse, Françoise, Jacqueline, etc.) n’ont pas été les seules sources d’inspiration de Picasso. Son rapport au modèle féminin est le thème de Sylvette, Sylvette, Sylvette, une exposition centrée sur le cas particulier de Sylvette David.
• A la Kunsthalle, du 22 février au 22 juin 2014.
Le baron Vitta, esthète oublié
ÉVIAN - C’est à un grand collectionneur et à un mécène particulièrement méconnu même s’il a défendu Rodin et Chéret auquel il est rendu hommage : le discret baron Vitta (1860-1942).
Illustration : Félix Bracquemond, La Fuite, 1910, émaux translucides cloisonnés d'or sur une plaque de cuivre, 32,5 x 23,5 cm © Galerie Michel Giraud.
• Au Palais Lumière, du 15 février au 1er juin 2014
Matisse et la figure
FERRARE – Il est avec Picasso l’autre grande figure tutélaire du XXe siècle. Matisse, la figura examine son rapport à la figure humaine, dans une explosion de couleurs. De l’Autopotrait de 1900 aux Acrobates de 1952, les tableaux viennent du monde entier, du Centre Pompidou à la Tate, de Copenhague et Philadelphie à La Chaux-de-Fonds.
Illustration : Henri Matisse, Odalisque aux pantalons gris, 1926-27, huile sur toile, 54 x 65 cm, Paris, Musée de l’Orangerie. © Succession H. Matisse, by SIAE 2013.
• Au Palazzo dei Diamanti, du 22 février au 15 juin 2014.
Têtes du XXe siècle
MARSEILLE – Visages propose, avec environ 150 œuvres, un panorama du visage dans l’art du XXe siècle, l’ère des grands bouleversements. Picasso, Magritte et Warhol y sont en bonne place, à côté de Hopper, Bacon et Basquiat.
• A la Vieille-Charité, du 21 février au 22 juin 2104.
Grand-messe futuriste
NEW YORK - On se souvient d’un rendez-vous mémorable au Palazzo Grassi de Venise en 1986. Le MoMA reprend le flambeau et propose un Italian Futurism, qui entend faire le tour du mouvement lancé par Marinetti dans l’entre-deux-guerres.
• Au MoMA, du 21 février au 1er septembre 2014.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Lida Abdul, Still du film War Games (What I Saw), 2006. Film 16mm sur DVD, 6’00’’. Courtesy l’artiste et la galerie Giorgio Persano.
Lida Abdul, la guerre sans fin
La guerre a de tout temps « interpellé » les artistes. Parmi les interprètes récents de cette activité chère aux humains, on peut citer pêle-mêle les topographies de Sophie Ristelhueber, les reconstitutions photographiques d’Eric Baudelaire ou les vidéos d’Haroun Farocki, véritable plongée dans les délires du virtuel. Lida Abdul fait partie de cette confrérie de manière encore plus « charnelle ». Elle est en effet originaire d’Afghanistan, un pays lacéré par les conflits depuis des décennies et toute son existence (elle est née en 1973) en a été marquée. What we saw about awakening (2006) est l’une de ses œuvres les plus connues : des hommes en noir tentent, avec des cordes, de démolir un vénérable bâtiment en pierre, comme une façon de rayer le passé et l’histoire. Réfugiée en Allemagne puis en Inde, désormais installée en Californie, elle revient régulièrement sur sa terre pour en tirer, par tous les supports (photo, vidéo, installations), les traces d’une violence qui ne cesse de se renouveler.
• Lida Abdul est présentée à la Fondation Calouste Gulbenkian (Paris) jusqu’au 30 mars 2014.
LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE
LIVRES
¡No pasarán!
La guerre d’Espagne a été « pionnière » en de nombreux points, par exemple dans l’utilisation de l’aviation – le pilonnage de Guernica en étant l’exemple le plus tragique. Elle a aussi été la première guerre médiatisée à outrance – les câbles de Hemingway et Kessel, les photos de Robert Capa, Gerda Taro ou Chim ont témoignent. Par l’entremise des affiches et de la typographie, c’est la guerre que l’on continuait sous d’autres formes. A partir de la riche collection de l’auteur, l’ouvrage montre comment la créativité a été brillamment mise au service d’une cause avec les dessins et gravures de Frans Masereel, George Grosz et Géo Ham, les photomontages de John Heartfield ou les affiches de Miró. On découvre quelques curiosités comme ces trains peints de manifestes géants ou ces vignettes antifranquistes de chewing-gums US ! Que cette guerre de propagande ait été largement gagnée par le camp républicain n’a rien changé à l’issue du conflit. Comme l’écrivait Camus : « C’est en Espagne que ma génération a appris que l’on peut avoir raison et être vaincu (…) »
• Guerra grafica, Espagne 1936-1939, par Michel Lefebvre-Peña, Editions de la Martinière, 2013, 320 p., 69 €.