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N° 350 - du 5 juin 2014 au 11 juin 2014

L'AIR DU TEMPS

Le Pop, une affaire qui marche

MADRID – Après l’impressionnisme, après le surréalisme, après l’expressionnisme abstrait de Pollock, quel mouvement a eu l’influence la plus durable sur la scène de l’après-guerre ? Le Pop Art, pardi ! Recyclant habilement tous les codes et toutes les icônes de la société de consommation, jouant sur la médiatisation, sur la reproduction en série, les paladins que furent Tom Wesselmann, Roy Lichtenstein ou Andy Warhol ont produit des images à diffusion mondiale. On pourrait aussi bien les appeler dadaïstes ou conceptuels car ces images, au départ, ne sont généralement pas les leurs mais la réexploitation de la bouteille de Coca-Cola, de la soupe Campbell, des portraits de stars planétaires comme Mao ou Kennedy… Rassemblant les pionniers américains mais aussi leurs épigones européens, souvent moins connus mais tout aussi louables (Arroyo, Hamilton, Equipo Crónica), l’exposition joue sur cette éternelle nostalgie des Sixties, qui nous habite plus que jamais : une nostalgie d’avant la crise…
Mitos del Pop au Museo Thyssen-Bornemisza, du 10 juin au 14 septembre 2014.

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EXPOSITIONS


Kati Horna, Sans titre, série « Muñecas del miedo » [Poupées de la peur], Paris, 1939. Tirage gélatino-argentique, 15,3 x 22,8 cm. Archivo Privado de Fotografía y Gráfica Kati y José Horna. © 2005 Ana María Norah Horna y Fernández.

Kati Horna, la filière hongroise

PARIS – Comme Capa, comme Kertész, comme Brassaï, elle est hongroise, cosmopolite et… photographe. Mais d’une renommée bien moindre quoique portée, comme eux, par les vents de l’histoire à travers une planète en furie. Née en 1912 à Budapest, passée par Berlin, Kati Horna s’installe à Paris en 1933, et couvre la guerre d’Espagne de 1936 à 1939. Un itinéraire très semblable à celui de Gerda Taro, à la différence près que Kati n’y perd pas la vie mais y connaît son mari, l’anarchiste andalou José Horna, avec qui elle choisit de s’installer au Mexique en 1941. Commençant une nouvelle vie, elle y fréquente la société des intellectuels ayant fui l’Europe en guerre – Benjamin Péret, Leonora Carrington, Remedios Varo – tout en continuant son travail de photographe, devenant notamment la portraitiste attitrée de l’intelligentsia mexicaine. Les 20 000 négatifs qu’elle laisse à sa mort en 2000 sont peu à peu mis en valeur, révélant un regard tous azimuts, capable d’osciller entre natures mortes surréalistes et reportages sociaux.
Kati Horna au Jeu de paume, du 3 juin au 21 septembre 2014.

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L’art du « populo »

LONDRES - L’art brut, désormais adoubé par les institutions, est fils de l’art populaire. Ce dernier est encore regardé avec suspicion par les musées, en dehors de ceux qui sont spécialisés dans le domaine (comme feu le musée des Arts et Traditions populaires). La Tate fait un grand pas en avant en dédiant une ambitieuse rétrospective à ces créations étranges – sculptures en os, tableaux de paille tressée ou peintures sous verre.
British Folk Art à la Tate Britain, du 10 juin au 31 août 2014.

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Blasons du sexe féminin

ORNANS - Quelques jours après qu’une jeune artiste a fait une performance originale et clandestine au musée d’Orsay en dévoilant son anatomie intime devant l’Origine du monde de Courbet, le célèbre tableau de Courbet est au centre d’une exposition audacieuse. Celle-ci montre comment le sexe féminin a fait l’objet depuis des siècles d’une représentation en peinture, parfois cachée et symbolique, parfois crue, de Carrache à Louise Bourgeois, en passant par Dürer et Rodin.
Cet obscur objet de désirs, autour de l’Origine du monde au musée Courbet du 7 juin au 1er septembre

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Ballets suédois, avant-garde stakhanoviste

PARIS - On divinise les Ballets russes de Diaghilev en oubliant que d’autres compagnies ont, à l’époque, eu une influence aussi radicale et moderniste. C’est le cas des Ballets suédois créés par Rolf de Maré à Paris en 1920. Ils donnèrent en cinq ans le chiffre insensé de 2700 représentations et firent intervenir des talents aussi variés que Cocteau, les frères Martel, Picabia ou le cinéaste René Clair.
Les Ballets suédois, une compagnie d’avant-garde, 1920-1925 à la Bibliothèque-musée de l’Opéra, du 11 juin au 28 septembre 2014.

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BIENNALE DE VENISE


Modèles d'escaliers au Friedrich Mielke Institute of Scalology. Courtesy Biennale di Venezia.

Le Mondial de l’architecture

VENISE - La personnalité du commissaire laisse augurer une biennale d’architecture stimulante. Rem Koolhaas, Pritzker Prize en 2000, ancien scénographe et journaliste, n’aime pas les catégories préformatées. S’il crée des bâtiments avec son agence OMA, il a aussi fondé AMO pour prolonger ses recherches hors du domaine de l’architecture. L’hybridation, la contamination sont des vertus qui lui sont chères… La section Elements of Architecture montre l’évolution de modules de base – fenêtre, porte, escalier. Une mise en bouche théorique avant des questions plus graves : Monditalia propose une quarantaine de réflexions sur l’état de l’architecture en Italie. On s’y interroge aussi bien sur les paysages de l’après-séisme à L’Aquila que sur l’évolution des discothèques depuis 1960 ou la typologie des résidences mafieuses. Dans la troisième section, Absorbing Modernity 1914-2014, le propos est clair mais la démonstration moins facile : comment la modernité a-t-elle pénétré les différentes architectures nationales ? Pour mener à bien cette tâche herculéenne, le commissaire a demandé, une fois n’est pas coutume, la pleine collaboration des pavillons nationaux. De l’Albanie avec ses « monuments potentiels des futurs non réalisés » à l’Uruguay et ses « épisodes de modernisation », on peut donc fêter en 2014 un autre centenaire que celui de la guerre…
Fundamentals, 14e Biennale d’architecture de Venise, du 7 juin au 23 novembre 2014.

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LES ARTISTES DE LA SEMAINE

Le désir est dans l’assiette

Une exposition collective dans l’ancien musée du Montparnasse (repris par le musée de la Poste) porte sur les rapports entre art et nourriture sous le titre amusant « L’art fait ventre ». A côté du vétéran Daniel Spoerri et ses festins sous verre, on voit quelques plasticiens plus récents comme Laurent Duthion qui fait manger un scaphandrier sous l’eau ou Stéphane Soulié qui filme le pourrissement d’une table de victuailles aussi belle (au départ) qu’une nature morte hollandaise. Le tour de force a consisté à prendre 3765 photos en 119 jours et à faire un habile fondu. La nourriture alimente nos rêves mais pas toujours de la même façon comme le montre la photographe plasticienne Olga Kisseleva. Etalés sur une belle nappe rouge, les butins qu’elle exhibe sont des portraits psychologiques cachés. Celui-ci aime le beurre de baratte et la farine Francine, cet autre le camembert d’Isigny, le lait bio et les farfalle, ce dernier l’ail blanc, les coquilles saint-jacques et le bourgogne aligoté. Tous ont été pris sur le fait dans un hypermarché de la région parisienne et forcés de rendre leur larcin, qui devient une version pauvre du Journal du voleur
L’art fait ventre au Chemin du Montparnasse, du 2 juin au 20 septembre 2014. Un dîner érotique et paléolithique est ouvert sur souscription (100 €). Mené par un quintette où apparaissent la plasticienne Brigitte de Malau et le chef Alexandre Gauthier, il se tiendra le 15 septembre dans un lieu tenu secret…

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LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE

LIVRES

Artisans d’exception

Face à la mondialisation déferlante, comment protéger des savoir-faire ancestraux ? L’auteur, qui connaît son affaire puisqu’elle fut, pendant des années, responsable du dispositif des maîtres d’art au ministère de la Culture, montre que l’extrême spécialisation protège bien plus que la baisse forcenée des prix de revient… Ainsi, dans le domaine de la mode, les métiers rares semblent florissants. Sur un ton qui n’économise pas l’emphase, elle montre le succès des dernières maisons françaises de broderie, de maroquinerie, de passementerie. Cette survie intervient, certes, après une terrible hémorragie : on comptait quelque 800 plumassiers (artisans de la plume) en France en 1900, une cinquantaine il y a un demi-siècle, ils ne sont plus que quatre… D’autres métiers nous semblent d’incroyables survivances, à l’image du parurier floral ou, mieux encore, du plisseur. La maison Gérard Lognon, qui employait 60 ouvrières au milieu du XXe siècle, a conservé les milliers de moules en carton qui permettent d’obtenir les plissés « paon », « accordéon », « Watteau », en forme de fleurs, de chevrons ou d’écailles. Un patrimoine unique, un véritable monument historique.
Métiers d’art de la mode par Hélène Farnault, Le Chêne, 2014, 282 p., 45 €.

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