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N° 369 - du 11 décembre 2014 au 17 décembre 2014


Gustave Courbet, Chasse aux cerfs en Franche-Comté, 1866, huile sur toile, 97x130 cm © Ordrupgaard Museum, Copenhague (exposition à la fondation Beyeler, Bâle, jusqu’au 18 janvier 2015).

L'AIR DU TEMPS

10 expositions à ne pas manquer en Europe

C’est Noël, il faut se dépêcher ! A raison de trois ou quatre dans chaque lettre hebdomadaire, nous avons traité près de soixante expositions depuis la rentrée de septembre. A ce rythme pourtant serré, nous n’avons pas eu le temps de citer les dix, majeures, qui suivent. Et même avec cette séance de rattrapage, nous serons encore loin du compte, à l’heure où beaucoup s’apprêtent à fermer. Nous aurions aussi aimé parler de l’excentrique marquise Casati, égérie des Années folles, que met en avant le palais Fortuny, à Venise. Du mystérieux pharaon Sésostris III, dévoilé à Lille, ou des plus célèbres Courbet et Degas, respectivement en force à Bâle et à Karlsruhe. Ou encore de l’incisif Memling, célébré à Rome, dans cette Italie d’où provenaient à l’époque tant de ses clients. Découvrir et savourer les expositions est plus que jamais une occupation à plein temps. En voici une nouvelle illustration - avec autant de pistes pour réveillonner en esthètes !

À LONDRES


Giovanni Battista Moroni, Le Tailleur, 1565-70, huile sur toile, 99.5 x 77 cm. The National Gallery, London. Photo © The National Gallery, London.

La comédie humaine de Moroni

Il n’a guère quitté sa Lombardie natale ni la belle Bergame où se trouvaient ses meilleurs clients. Tout juste s’est-il propulsé jusqu’à Trente, au temps du concile, pour y engranger des commandes religieuses. Sa vie effacée et la concurrence impitoyable de ses concurrents plus aguerris (Titien, Tintoret, Véronèse) ont nui à la notoriété de Giovanni Battista Moroni (1520-1578), qui reste à peu près inconnu du grand public. A tort car c’est un des pionniers du portrait réaliste. Sa galerie de personnages, mêlant vieux érudits, femmes aux robes étincelantes, aristocrates et petits métiers, est unique, préfigurant à la fois le naturalisme de Caravage et le portrait bourgeois du XIXe siècle.
Moroni à la Royal Academy of Arts, du 25 octobre 2014 au 25 janvier 2015.

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Joseph Mallord William Turner, Pêcheurs sur la lagune, clair de lune, 1840, aquarelle sur papier, 192 x 280 mm. Accepté par la nation comme partie du Legs Turner 1856.

Au bout de Turner

Par sa popularité, il fait partie des maîtres que l’on peut indéfiniment proposer au public, en changeant simplement l’angle. Après « Turner et la mer » l’an dernier à Greenwich, voici « le dernier Turner ». Comme Hokusai, qui prétendait n’avoir rien produit de valable avant l’âge de 70 ans, Turner se bonifie avec le temps. C’est lorsqu’il a amplement passé le demi-siècle de vie, voire passé les 60 ans, que sa touche devient la plus révolutionnaire, effaçant les éléments trop descriptifs dans un fondu, une vibration, qui surprendront (pas toujours en bien) ses adeptes. Qu’il s’agisse de paysages italiens réinventés, d’un navire au mouillage, d’un train trouant une brume, il réinvente la notion même d’atmosphère. A-t-il été pré-impressionniste ? Ou plutôt pré-abstrait ? Pour ces questions délicates, et sans véritable réponse, chaque visiteur tranchera en son for intérieur…
Late Turner à la Tate Britain, du 10 septembre 2014 au 25 janvier 2015.

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John Constable, La Charrette de foin, 1821, huile sur toile. © The National Gallery, London 2014

Constable, champion d’Angleterre

Pour les commissaires, il n’y a pas l’ombre d’un doute : John Constable (1776-1837) est « Britain’s best-loved artist ». C’est lui qui a défini pour toujours l’image iconique du paysage anglais vert et humide, avec ses grands arbres qui se reflètent dans un ruisseau gris. Des vaches paissent derrière les enclos et une charrette de foin avance sur le chemin creux. Comment cet exact contemporain de Turner a-t-il élaboré ses chefs-d’œuvre de précision naturaliste ? En combinant une fréquentation assidue des maîtres anciens, qu’il recopie inlassablement, avec une pratique révolutionnaire de l’esquisse à l’huile en plein air. L’exposition détaille le réseau de maîtres (comme Joshua Reynolds, etc.) et de collectionneurs (comme George Beaumont), centré sur la Royal Academy, qui encourage le peintre, l’oriente, le conseille, achète ses œuvres. Pour une conclusion universelle : il n’existe pas de bonne peinture sans bons amateurs…
Constable, The Making of a Master au Victoria & Albert Museum, du 20 septembre 2014 au 11 janvier 2015.

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À MADRID


Hubert de Givenchy, Robe de soirée en satin noir, effet semi-boléro, brodé avec paillettes noires et dorées, pierres multicolores et corail Rosalind, hiver 1991. Photo Luc Castel avec la collaboration de Philippe Caron.

Givenchy, monstre sacré

Il fait partie de la génération des Courrèges, Cardin et, comme eux, porte beau son âge (87 ans). Talent précoce (il ouvre sa maison à 25 ans), il donnera un nouvel élan au noir et nouera un lien privilégié avec le cinéma. Le binôme qu’il forme avec la ravissante Audrey Hepburn (il l’habille dans Sabrina, Drôle de frimousse et Petit déjeuner chez Tiffany) lui donne une stature mondiale (son nom figure au générique des films). L’exposition rassemble ses modèles emblématiques comme la blouse Bettina mais établit aussi un dialogue sensé avec des œuvres d’art – Zurbarán, Delaunay, O’Keeffe, Ernst ou Fontana. Givenchy est en effet un éminent collectionneur (une partie de sa collection a créé l’événement chez Christie’s à Monaco en 1993), n’hésitant pas à juxtaposer un Rothko avec une armoire Boulle…
Givenchy au musée Thyssen-Bornemisza, du 22 octobre au 18 janvier 2015.

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À MILAN


Giovanni Segantini, Costume des Grisons (portrait de Barbara Huffer), huile sur toile , 54 x 79 cm, Museo Segantini, St-Moritz, dépôt de la Fondation Otto Fischbacher-Giovanni Segantini.

Segantini, de Milan aux Alpes

On peut lui trouver des parentés avec Moreau, Millet, Courbet. A l’un, il emprunte une vision symboliste du monde, à l’autre un amour profond pour la vie rurale, au dernier une restitution de la force sauvage de la nature. Décédé à peine quadragénaire après une jeunesse difficile (il passe par une maison de correction), l’Italien Segantini (1858-1899) trouvera sa terre promise dans les montagnes de l’Engadine, en Suisse. Il en transcrira la vie rude avec une poésie et une luminosité particulières. Originaire du Trentin, Segantini perce à Milan où il étudie à l’Académie des beaux-arts de Brera. L’exposition, qui se place en avant-première de l’Exposition universelle de 2015, entend montrer le rôle de carrefour de la capitale lombarde. Elle en profite évidemment pour montrer ses œuvres moins connues - portraits, natures mortes, intérieurs d’église-, de cette première période milanaise.
Segantini au Palazzo Reale, du 18 septembre 2014 au 18 janvier 2015.

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La vigne verte, 1888, 73,5 x 92,5 cm, Kröller Müller Museum, Otterlo.

Van Gogh, homme de la terre

Van Gogh, encore ! Mais cette fois avec une thématique plus ardue que la sempiternelle Méditerranée scintillante des tournesols et des oliviers. Voici l’homme et la terre, surtout celle, sombre et mate, qu’il connut dans le Borinage avec ses mangeurs de patates s’escrimant sur des sols ingrats. Les compositions du peintre épousent alors la couleur du labeur, en noir et brun… Il fallait peut-être cette antichambre pour que, par contraste, le choc solaire, lui fasse perdre la tête. Ce que veut démontrer l’exposition, c’est ce fil conducteur entre deux périodes que tout semble opposer. Même en Provence, le cycle des saisons, le travail agraire, la vie rurale restent une source d’inspiration fondamentale
Van Gogh, l’uomo e la terra au Palazzo Reale, du 18 octobre 2014 au 8 mars 2015.

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À MUNICH


Bernardo Bellotto, Dresde depuis le pont de la Nouvelle Ville, 1765, huile sur toile, 99.5 x 134 cm. © Staatliche Kunsthalle Karlsruhe 2013 Photo by A. A. Fischer/H.Kohler

Bellotto, Canaletto bis

Ayant le même goût que son oncle pour la peinture de canaux, il s’arrogea le même nom. D’où il ressort que Bernardo Bellotto fut Canaletto comme son oncle, le célèbre Antonio Canal. Une situation embrouillée, que les Allemands maîtrisent mieux. Bellotto (1722-1780) fut en effet très actif chez eux, vivant plus d’une décennie à Dresde et voyageant à travers le pays. Il passa notamment à Munich en 1761, produisant à cette occasion trois grandes vues qui viennent d’être restaurées. C’est évidemment le point de départ de l’exposition, qui montre l’extraordinaire talent de topographe de ce peintre voyageur, qui fut invité à Saint-Pétersbourg et finit sa vie à Varsovie. Ses vedute ne sont pas que des tours de force. Leur exactitude les a fait utiliser comme documents de premier ordre lorsqu’il s’est agi de reconstruire les villes détruites pendant la Seconde Guerre mondiale…
Bellotto à l’Alte Pinakothek, du 17 octobre 2014 au 18 janvier 2015.

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À PARIS


Sonia Delaunay, Composition pour jazz, 2e série, No F 344", Paris 1952 © Pracusa 2013057 © Courtesy Galerie Zlotowski, Paris.

Sonia Delaunay, femme orchestre

Elle a un temps été éclipsé par son homonyme, qui n’était autre que son mari. Sonia Delaunay revient en force avec une rétrospective complète. Toutes les étapes de son long parcours y sont étudiées, de sa jeunesse ukrainienne (elle est née à Odessa en 1885), jusqu’à sa mort à Paris en 1979, dans son dernier appartement, rue Saint-Simon. Une vie marquée du sceau de l’abstraction mais point monotone tant elle s’est exprimée sur un grand nombre de supports – tissus, vêtement, mobilier, édition, et même automobiles, sans oublier le papier ou la toile. Amie de Blaise Cendrars, de Tristan Tzara, de Mallet-Stevens, elle a aussi approché le théâtre, le cinéma, la décoration monumentale (pour l’Exposition de Paris en 1937). Un universalisme qui rappelle les maîtres de la Renaissance et qui s’est incarné dans l’appartement du boulevard Malesherbes, plaque tournante de l’intelligentsia parisienne dans l’entre-deux-guerres.
Sonia Delaunay, les couleurs de l’abstraction au musée d’Art moderne, du 17 octobre 2014 au 22 février 2015.

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A TOULOUSE


Benjamin-Constant, Le soir sur les terrasses (Maroc), 1879, Musée des beaux-arts de Montréal, don de Lord Strathcona et de la famille. Photo MBAM, Brian Merrett

Benjamin-Constant, impeccable académisme

Il porte le nom d’un écrivain célèbre (quoique plus très pratiqué) du XIXe siècle, un tiret en plus. Benjamin-Constant (1845-1902) est largement passé de mode et ne symbolise plus pour ses rares connaisseurs que l’apogée de la peinture académique. Dans les années 1880, il compte parmi ses clients le pape ou la reine Victoria. Dans les décennies précédentes, il s’était frotté à la mode de l’orientalisme, croquant, sur les traces de Delacroix, oueds, souks et gynécées rêvés. Cette rétrospective très complète montre ce que son art a de convenu, voire de mièvre – mais démontre en même temps l’excellence de son métier. Ses images, même quand elles affichent un sentimentalisme de bazar, ont toujours une valeur documentaire par l’abondance des détails et la précision des coloris.
Benjamin-Constant, Merveilles et mirages de l’orientalisme au musée des Augustins, du 4 octobre 2014 au 4 janvier 2015.

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À VIENNE


Henri de Toulouse-Lautrec, Etude de nu, 1882/83, © Musée Toulouse-Lautrec, Albi

Toulouse-Lautrec, 150 ans

Peut-on dire du nouveau de Toulouse-Lautrec ? Pas facile. Mais le seul fait de ne pas se limiter à la vie de Montmartre, aux danseuses et femmes faciles, est déjà presque une audace. Toulouse-Lautrec aurait 150 ans aujourd’hui, ce qui signifie qu’il est à peine plus vieux que Picasso (qui en aurait 133). Il nous semble pourtant relever d’une tout autre époque. Il est vrai qu’il meurt dans la première année du XXe siècle et qu’il ne lui appartiendra pas d’en connaître toutes les affres – d’où peut-être cette éternelle image de jeunesse, de légèreté, de badinerie, vertus qui ne survivront pas aux misères des temps. Réunissant des études de nus et d’animaux, des portraits mondains mais aussi la Goulue, c’est la plus importante rétrospective jamais organisée en Autriche. Il était temps : en 1900, Vienne était peut-être, par l’esprit, la ville d’Europe la plus proche de Paris.
Toulouse-Lautrec au Bank Austria Kunstforum, du 16 octobre 2014 au 25 janvier 2015.

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LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE


ANIMA - ZINKPE

13 décembre 2014 - PARIS - In Situ

L'artiste béninois autodidacte Zinkpé crée un monde coloré, peuplé d'étranges créatures

Notre sélection de nouvelles expositions en galeries

EN BREF

KIEV - Le prix d'art contemporain Future Generation a été décerné le 6 décembre 2014 par la Victor Pinchuk Foundation à Nastio Mosquito (Angola) et Carlos Motta (Colombia)

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LONDRES – Un tableau de Turner, Rome depuis l’Aventin, a été vendu 30,3 millions £ chez Sotheby’s le 3 décembre 2014, établissant le deuxième prix le plus élevé pour un maître ancien depuis le Massacre des Innocents de Rubens en 2002.

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MARSEILLE – Le MUCEM (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) a obtenu le prix 2014 du musée du Conseil de l’Europe.

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