ArtAujourdhui.Hebdo
N° 376 - du 12 février 2015 au 18 février 2015
Gerrit von Honthorst, Repas avec joueur de luth, huile sur toile, musée des Offices, Florence.
L'AIR DU TEMPS
Honthorst, poète de la nuit
FLORENCE – Voilà une belle énigme de l’histoire de l’art. Le Hollandais Honthorst fut un favori de l’élite florentine : l’ambassadeur à Rome, Piero Guicciardini, et le grand-duc Côme II de Médicis lui même collectionnèrent ses œuvres. Malgré les études poussées sur ce caravagesque d’Utrecht, qui passa plus de dix ans à Rome, on n’a jamais réussi à répondre à la question essentielle : a-t-il jamais séjourné à Florence ? Il est à espérer que ce rassemblement unique d’œuvres d’un peintre plutôt rare (à peine 40 tableaux répertoriés durant son séjour romain) fournisse de nouveaux indices… On y verra bien sûr les tableaux « italiens » - partagés entre tableaux d’autel et scènes de genre, tous baignés de cette lumière nocturne qui finit par lui valoir le qualificatif de « Gérard des Nuits » -, mais aussi ses premiers tableaux à Utrecht et ceux qu’il composa à son retour. Sa palette s’éclaircit alors mais pas la truculence du propos, comme le prouve son Violoniste joyeux.
• Gherardo delle Notti, quadri bizzarrissimi e cene allegre aux Offices, du 10 février au 24 mai 2015.
EXPOSITIONS
Aloïse, brut de Suisse
VILLENEUVE-D’ASCQ - Elle aurait pu s’abîmer dans les fastes de la cour et les mirages d’une brillante vie mondaine : à 25 ans, elle était gouvernante chez le chapelain de l’empereur d’Allemagne, Guillaume II. Mais Aloïse Corbaz (1886-1964) imprima un tout autre tournant à sa vie, plongeant dans le monde des images. Pas tout à fait de manière conventionnelle : à la demande de sa famille, qui décela chez elle des signes d’égarement mental lors de son retour à Lausanne au début de la Première Guerre mondiale, elle fut internée dans un asile psychiatrique. Elle y passa un demi-siècle, se consacrant à écrire puis dessiner sur des papiers de récupération, élaborant un univers personnel peuplé de personnages comme Sissi ou Napoléon, inspiré de visions de David ou d’Ingres. Le Cloisonné de théâtre, l’une de ses pièces maîtresses, mesure 14 mètres de long. Pour des raisons de conservation, il ne peut être déroulé que par sections de 3 mètres. A l’occasion de cette rétrospective de quelque deux cents œuvres, il sera enfin présenté dans sa totalité.
• Aloïse Corbaz en constellations au LaM, du 14 février au 10 mai 2015.
Lavez-vous !
PARIS - Les Gaulois ont inventé le savon mais les Français ne se lavent pas les dents… Les clichés – véridiques ou pas – sur l’intime peuvent s’attacher longtemps à un peuple. Les pratiques de la toilette, qui ont tant varié au cours des siècles – que l’on pense à la révolution que signifia en Europe l’arrivée de l’eau courante et la fin de ces scènes de tub qui plaisaient tant à Degas ou Bonnard – ont toujours inspiré les peintres. Ce panorama étudie ce regard, en remontant jusqu’aux tentures de le Renaissance et à l’école de Fontainebleau, en passant par Boucher et Toulouse-Lautrec, jusqu’à d’inattendus Léger et Kupka.Sans hésiter à finir, même si le registre semble différent, par des photographies d’Erwin Blumenfeld ou de Betttina Rheims montrant le modèle Karen Mulder en soutien-gorge Chanel, le visage couvert de crème réparatrice…
• La toilette, naissance de l’intime au musée Marmottan Monet, du 12 février au 5 juillet 2015.
ET AUSSI…
Les amis de Sargent
LONDRES - Peintre mondain formé à Paris et recherché par toute la belle société de son temps, John Singer Sargent (1856-1925) a laissé des portraits mémorables de ses contemporains. Environ 70 sont réunis - acteurs, aristocrates mais aussi un gynécologue, le Dr Pozzi, dans une étonnante robe de chambre rouge.
Sargent, Portraits of Artists and Friends à la National Portrait Gallery, du 12 février au 25 mai 2015.
Les couleurs de Dufy
MADRID - En bon fauve, Dufy est un coloriste de premier ordre. L'exposition, qui réunit une belle sélection issue des grands musées du monde, essaie pourtant de mettre en avant la dimension intime de son œuvre. On y verra donc des paysages plus tempérés et une série de gravures, notamment centrées sur le Bestiaire mondain d'Apollinaire.
Raoul Dufy au musée Thyssen-Bornemisza, du 17 février au 17 mai 2015.
Les ors de Klimt
PARIS - C'est l'un des peintres les plus aimés du monde. Le voyage de la collection du musée viennois du Belvédère à Paris est donc un événement, avec la frise Beethoven ou la Judith I, qui fut exposée à la Biennale de Venise en 1910. Mais l'artiste est replacé dans le contexte plus large du mouvement de la Sécession, qui laissa une marque importante sur les arts décoratifs de son temps.
Au temps de Klimt, la Sécession à Vienne à la Pinacothèque, du 12 février au 21 juin 2015.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Bitran, un été 51
Un parcours d’expositions ininterrompu depuis 1951, voilà qui n’est pas commun : c’est le cas d’Albert Bitran, Stambouliote de 1931, arrivé à Paris pour étudier l’architecture mais qui obliqua vite vers la peinture, tout en gardant dans ses compositions des lignes droites, des orthogonalités qui trahissent sa formation initiale. Après sa première exposition personnelle chez Arnaud en 1951, il entre en 1954 chez la prêtresse de l’abstraction, Denise René, avec une préface d’Henri-Pierre Roché, le mondain érudit, polyglotte et jouisseur, ami de Duchamp et auteur de Jules et Jim. Travaillant par cycles (les « Doubles », les « Arcades »), Bitran est resté fidèle à une abstraction « tempérée », qui s’est éloignée de la géométrie rationnelle de ses débuts. Amoureux du gris et du noir, il glisse aussi dans ses compositions des éruptions brutales de rouge, bleu, jaune, comme de petits brasiers dans un quotidien uniforme.
• La galerie Convergences (2, rue des Coutures Saint-Gervais, 75003 Paris) présente des huiles sur papier d’Albert Bitran, du 5 février au 5 mars 2015.
LIVRES
Loti à la maison
En cette année de centenaire, on va sans doute reparler de Pierre Loti (1850-1923). Mais pas pour les bonnes raisons : l’écrivain a en effet cautionné la politique turque lors du génocide arménien de 1915. S’il la mentionne en épilogue, l’auteur ne voudrait pas que cette tache oblitère l’œuvre de Loti, notamment sa plus personnelle, sa maison…Grand voyageur, grand amant, Loti, de son vrai nom Julien Viaud a installé chez lui, dans la demeure familiale de Rochefort, le reflet idéal de son existence aventureuse et de ses passions. La belle Aziyadé, qui l’ensorcela à Salonique en 1878 ? Elle est la muse du salon oriental, avec ses tissus, ses tapis et même sa mosquée… La jeune fille de Nagasaki, fille d’un gardien de temple ? Elle patronne la pagode japonaise. Et ainsi de suite pour le salon Renaissance, avec son plafond à caissons et ses tapisseries, le salon bleu, la salle à manger gothique ou encore la salle chinoise, dont une partie du contenu fut vendue aux enchères par le fils de Loti en 1928. Plus que dans la topographie de la maison, il s’agit d’une balade très personnelle dans l’imaginaire de Loti…
• Pierre Loti à Rochefort, par Olivier Delahaye, Belin, 2014, 112 p., 12 €
LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE
Bernard Piffaretti
14 février 2015 - Besançon - FRAC Franche-Comté
Une rétrospective consacrée au "peintre de la répétition"
BRÈVES
BÂLE - En même temps que s'ouvre la rétrospective Gauguin à la fondation Beyeler, des sources concordantes ont confirmé la vente d'un tableau de l'artiste de 1892, Nafea Faa Ipoipo, exposé depuis 1946 au Kunstumuseum, par ses propriétaires. L'acheteur serait le musée de Doha au Qatar, pour une somme approchant les 300 millions $.
BRÊME - La Kunsthalle, qui présente depuis le 7 février une rétrospective Emile Bernard a annoncé avoir trouvé dans ses fonds un portrait inédit de Van Gogh, réalisé par Emile Bernard. Il sera présenté le 31 mars 2015, jour de l'anniversaire du peintre hollandais.
LILLE - La 8e édition d'Art Up !, foire d'art moderne et contemporain, se tient du 12 au 15 février 2015.
MONS - Suite au démontage pour raisons de sécurité de la structure d'Arne Quinze, le conseil d'administration de Mons 2015 a annoncé qu'une nouvelle version serait édifiée à l'été 2015.