ArtAujourdhui.Hebdo
N° 412 - du 17 décembre 2015 au 6 janvier 2016
Relief circulaire en marbre à tête de Méduse, Leptis Magna, époque des Sévères (début du IIIe s. ap. J.-C.), H 80 cm. © Mission archéologique en Libye de l’Università Roma Tre / Fabian Baroni, Courtesy of ICOM Red List
L'AIR DU TEMPS
SOS Libye
Les images des temples de Palmyre réduits en poussière se sont imprimées dans notre mémoire – comme il y a quinze ans les niches vides de Bamiyan. L’implantation croissante de Daech en Libye cause de nouvelles spéculations. Le patrimoine de ce pays en proie au chaos politique va-t-il subir le même sort que celui de Syrie et d’Irak ? La Libye compte une série de sites majeurs – Leptis Magna, Cyrène, Sabratha sont la trilogie la plus connue – un maillon essentiel de la civilisation méditerranéenne. Pour l’instant, les dommages les plus sérieux ont été causés par la destruction de mosquées soufies, l’urbanisation sauvage et le vol. Comment combattre les fouilles illégales et le trafic ? Le plus efficace, selon les experts et le rapport récemment remis par Jean-Luc Martinez, président du Louvre, est d’agir sur la demande : mieux contrôler la provenance et la traçabilité des objets anciens, favoriser la coopération des musées, donner des outils accrus aux douanes, instituer un « droit d’asile » pour les œuvres de pays en conflit. C’est dans cet esprit que l’ICOM (Conseil international des musées) vient de publier une liste rouge des biens culturels libyens en péril. Ces 39 exemples majeurs montrent la variété et la beauté des objets susceptibles d’être victimes du trafic international : stèles et bustes en marbre, mosaïques, amphores, sarcophages, monnaies et perles de verre. De quoi remplir plusieurs musées ou collections indélicates. Et de quoi contribuer à éveiller les consciences…
MUSÉES
L’Aquila, un nouveau départ
L’AQUILA – Pas toujours besoin de l’homme pour mener à bien des destructions de grande ampleur, la capitale des Abruzzes peut en témoigner. Depuis le tremblement de terre du 6 avril 2009, la ville est immobilisée dans ses décombres. Bien peu a été fait pour reconstruire le centre ville déserté même si le maire, Massimo Cialente, s’est montré confiant sur le chantier d’envergure qui devrait bientôt débuter. En attendant, une étape symbolique est franchie ce 19 décembre 2015 avec l’inauguration du MUNDA. Derrière cet acronyme opaque (un goût des sigles qui ne montre pas de signe d’essoufflement) se cache le Museo Nazionale d’Abruzzo. Son précédent siège, le château du XVIe siècle, ayant été largement endommagé, il est désormais installé dans l’ancien abattoir municipal, face à la fameuse fontaine de 99 cannelles. Une centaine d’œuvres y sont exposées, notamment des Madones du XIIe et XIIIe siècle et le Christ et la femme adultère de Mattia Preti.
• Le Museo Nazionale d’Abruzzo rouvre le 19 décembre 2015.
EXPOSITIONS
Romaine Brooks, Le Printemps, ca. 1911-1913, 209 x 185 cm, Huile sur toile . Collection Lucile Audouy.
Romaine Brooks, Américaine des Années folles
VENISE – Son nom est tombé dans les oubliettes de l’histoire. Le peintre Romaine Brooks (1874-1970) a pourtant fréquenté tout le gratin de l’Europe intellectuelle de l’entre-deux-guerres : D’Annunzio (avec qui elle eut une liaison intense), Cocteau, Man Ray, Paul Morand, Ida Rubinstein et l’équipe des Ballets russes, la marquise Casati et la duchesse de Gramont. Disciple de Whistler, marquée par les efflorescences Art nouveau, cette riche héritière américaine ne produira guère plus de 70 tableaux dans sa vie – essentiellement des portraits à la psychologie très sûre. L’exposition en présente une sélection ainsi que ses dessins, étonnamment synthétiques et parlants (souvent des souvenirs autobiographiques), et ses photographies (Ida Rubinstein nue) quasiment jamais montrées. Naviguant entre Capri, Rome et Paris, compagne de Natalie Clifford Barney, autre égérie américaine de Saint-Germain-des-Prés de même longévité (1876-1972), Brooks symbolise un cosmopolitisme cultivé, la nostalgie d’une Europe libre, créative, sans frontières et excentrique. Une Europe trop oubliée…
• Romaine Brooks au Palazzo Fortuny, du 19 décembre 2015 au 13 mars 2016.
Anselm Kiefer, Resurrexit, 1973, huile, acrylique et fusain sur toile de jute, 290 x 180 cm, Sanders Collection, Amsterdam © Atelier Anselm Kiefer.
Kiefer et les plaies de l’histoire
PARIS - Il n’est pas facile de naître en Allemagne en 1945, sur les décombres du nazisme. Anselm Kiefer, venu au monde deux mois avant la fin de la guerre, conduira une bonne partie de sa carrière artistique sur le thème de la culpabilité, du deuil, de l’absence. L’exposition présente un demi-siècle de peintures, d’installations, de livres d’artiste. L’image des ruines, omniprésente dans l’enfance, reparaît dans ses tours, dans ses livres brûlés, dans ses villes et tombes effacées. Nourri de son amour de la nature et de la poésie (notamment Celan, à qui il a rendu hommage à Monumenta en 2007), Kiefer continue jusqu’à ce jour de se pencher sur l’histoire – par exemple, en 1991, le plan Lion de mer (invasion sous-marine de l’Angleterre) et, en 2012, l’invraisemblable plan Morgenthau (transformation de l’Allemagne en pays agricole).
• Anselm Kiefer au Centre Pompidou, du 16 décembre 2015 au 18 avril 2016.
Volume suspendu, 1968 (Soto, Atelier rue des Blancs Manteaux, Paris, 1968, Photo de Michel Desjardins).
Soto mobile
RODEZ – Jesús Rafael Soto (1923-2005) était inséparable de son camarade et exact contemporain Carlos Cruz-Diez (toujours vivant). Ensemble, ils passaient des soirées endiablées de musique : Soto n’a-t-il pas été guitariste dans le groupe de Hugues Aufray ? Mais l’artiste vénézuélien est davantage connu comme l’un des papes de l’art cinétique, qu’il a travaillés sous différentes formes, des spirales duchampiennes aux cubes aériens, en passant par les pénétrables, ces forêts de long spaghetti de plastique, dont le Centre Pompidou exposait autrefois un exemplaire qui faisait la joie des jeunes et moins jeunes… Une quarantaine d’œuvres établissent un panorama fourni, avec une contribution importante du Centre Pompidou et de la famille.
• Jesús Rafael Soto au musée Soulages, du 12 décembre 2015 au 30 avril 2016.
LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE
ETHAN MURROW
17 décembre 2015 - PARIS - La Galerie Particulière
Un virtuose du dessin à la mine de graphite dans des compositions souvent énigmatiques (image : Cent Ans de solitude)
LIVRES
Survie miraculeuse de l’herbier Vilmorin
Dix mètres cubes, deux siècles de collecte, 56 000 planches botaniques : un patrimoine invraisemblable, qui faillit partir à la benne lorsque le laboratoire de botanique de l’université d’Orsay a fermé en 1999… Il a fallu un concours de circonstance, l’engagement de bénévoles passionnés et l’appui des édiles pour que ce monumental herbier Vilmorin soit acquis par la ville de Verrières-le-Buisson, où était autrefois basée la société, et pour qu’il soit classé monument historique. Louise de Vilmorin, l’une des descendantes de la dynastie, n’était-elle pas la compagne de Malraux, qui établit l’inventaire du patrimoine ? C’est un des clins d’œil historiques dans cette saga de l’herbier, qui se lit comme un roman, de la Révolution française à nos jours, faisant apparaître en seconds rôles Buffon, Lamarck, Parmentier ou le paysagiste Edouard André. Elle se lit aussi comme un résumé des questions qui nous tracassent aujourd’hui – la sélection génétique, les prairies naturelles, les variétés sauvages… On notera que Belin, qui publie ce livre, a été créé en 1777, deux ans avant que Philippe-Victoire de Vilmorin devienne seul propriétaire de la firme Andrieux-Vilmorin. Un autre clin d’œil de l’histoire…
• L’herbier Vilmorin, par Christine Laurent, éditions Belin, 2015, 192 p., 29,90 €.
EN BREF
COLMAR – The musée Unterlinden, which holds among other works the Altarpiece of Issenheim by Matthias Grünewald, reopened on 12 December 2015 after three years of renovations.
MADRID - Following an agreement between the two entities, the Prado museum will continue to exhibit four major work s that belong to the National Heritage (Patrimonio Nacional), of which the Jardin des délices by Jérôme Bosch.
PARIS – The Rosa Parks "mur-forum/forum-wall", the largest fresco of street art in the capital, will be inaugurated on 19 December 2015 at 164, rue d’Aubervilliers (75019).