ArtAujourdhui.Hebdo
N° 415 - du 21 janvier 2016 au 27 janvier 2016
Adrien Dauzats, Troisième muraille des Portes-de-fer. Les Sapeurs du Génie indiquent par une inscription la date du passage des Portes-de-fer, 28 octobre 1839, 1841, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot
L'AIR DU TEMPS
Algeria, Algeria
MARSEILLE - Il est un film d’Elia Kazan - America America, qui retrace de façon saisissante le destin des émigrants en Amérique. Il fut un temps où l’Algérie apparut pour les Français une terre promise de même acabit. Conquise en 1830 sous Louis-Philippe, elle accueillit des pionniers, parfois très mal préparés (en fait foi un appel placardé en 1848, appelant les ouvriers parisiens à devenir agriculteurs !) Dans cette entreprise de déplacement des populations locales et d’effacement de mémoires, la cartographie joua un rôle primordial. Des noms nouveaux recouvrant des voiries anciennes donnèrent l’illusion d’une terre vierge, vide, ouverte. Tout comme les tableaux de peintres-topographes dépeignant des collines verdoyantes et inhabitées (notamment dans la Prise de Bône par Horace Vernet, en 1835). Parmi les centaines de cartes montrées dans l’exposition, certaines sont d’une qualité éblouissante, d’autres pittoresques – la carte vélocipédique pour se rendre dans le Sahara – d’autres aventureuses – comme celles tracées d’après les informations de l’espion Boutin en 1808. Des dessins et des peintures, une impressionnante maquette d’Alger mais aussi des vidéos et des installations d’art contemporain complètent ce panorama original : la cristallisation d’un territoire dans l’imaginaire occidental. Entre nostalgie, frustrations, ressentiment ou apaisement, il interroge sur la gestion malaisée d’une histoire commune.
• Made in Algeria, généalogie d’un territoire au MuCEM, du 20 janvier au 2 mai 2016. Catalogue Hazan, 35 €.
EXPOSITIONS
Zimbabwe, Chinamora, Massimbura, 8 000-2 000 av. J.-C., aquarelle par Elisabeth Mannsfeld, 1929, 65x202,5 cm © Frobenius-Institut Frankfurt am Main
Reflets de la préhistoire
BERLIN – En France, Henri Lhote (1903-1991) acquit une réelle célébrité avec ses copies de fresques préhistoriques du Tassili. Explorant les sites de Djanet ou de Jabbaren, il y emmena avec lui de jeunes diplômés des beaux-arts qui, dans un climat et des conditions difficiles, réussirent à restituer des œuvres millénaires et sans cesse menacées. Les expositions itinérantes attirèrent des centaines de milliers de visiteurs. On oublie parfois que Lhote eut un glorieux prédécesseur : l’ethnologue Leo Frobenius (1873-1938) envoya des équipes dans le Sahara mais aussi au Zimbabwe, en Espagne, en Scandinavie ou en Australie pour immortaliser de la même façon ces cycles du Paléolithique et du Néolithique. Avec le développement de la photographie, l’art des copistes est tombé en désuétude, et a même été vertement critiqué (pour quelques arrangements avec la vérité, des aspersions d’eau pour raviver les couleurs, etc.) Aujourd’hui, cette technique est vue comme une étape importante de la science préhistorique, presque comme une forme d’art en soi. L’Institut Frobenius, de l’université Goethe de Francfort, en est le plus important dépositaire au monde (5000 copies). Cette exposition en présente une série significative, faisant revivre les vieilles cultures du Fezzan, du Lesotho ou d’Altamira.
• Art of Prehistoric Times au Martin-Gropius Bau, du 21 janvier au 16 mai 2016. Catalogue Prestel, 25 € (en allemand).
Ulay, un demi-siècle de polaroids
ROTTERDAM – Il a récemment défrayé la chronique pour avoir tapé du poing sur la table contre son ancienne compagne Marina Abramovic, l’accusant de tirer à soi la couverture de leurs créations communes. Perpétuellement dans l’ombre depuis vingt ans, Ulay (né en 1943) méritait bien un one-man-show. Le célèbre performer présente un autre aspect de sa création, ses polaroids, qu’il expérimenta dès les années 1960, dans des formats parfois gigantesques, les utilisant aussi bien comme outil d’introspection que comme regard sur les peuples du monde.
• Ulay. Polaroids au Fotomuseum, du 23 janvier au 1er mai 2016. Catalogue Valiz, 19,90 €.
Pippal le Viennois
VIENNE - Il y a en lui du Dufy, du Utrillo, du Bernard Buffet, du Carzou. Peu connu à l’étranger, Hans Robert Pippal (1915-1998) fut un parfait interprète de la topographie viennoise, de ses palais et monuments, de ses parcs, de ses nuits d’hiver, de ses mondains et de ses jolies femmes. L’exposition se nourrit de la récente donation de sa fille au musée (aquarelles, pastels, dessins).
• Hans Robert Pippal à l’Albertina, du 22 janvier au 28 mars 2016.
Les univers parallèles de Taulé
PARIS – Son œuvre est pleine de perspectives, de portes et de dallages, d’ouvertures par où coule une lumière dure – souvenir de ses études d’architecture. Né en 1945, Taulé abandonne vite cette discipline pour se consacrer à la peinture, menant parallèlement une activité de photographe et de scénographe pour le théâtre. Trois expositions simultanées explorent son œuvre, habitée par des personnages énigmatiques, ombres fugitives, esprits en transit.
• Taulé, Interior à l’Institut Cervantès, du 21 janvier au 26 mars 2016. A voir également : les expositions aux galeries Photo12 et BOA
LIVRES
L’Arche de Spreck
La vraie vie est parfois plus romanesque que la fiction. C’est ce que prouve cet étonnant ouvrage au titre très explicite. Il retrace l’aventure de la Grande Arche de la Défense, un projet colossal attribué sous l’ère mitterrandienne à un architecte danois méconnu. Lorsque l’enveloppe portant le nom du vainqueur est décachetée, c’est la consternation. Qui est cet Otto von Spreckelsen, dont l’ambassade danoise à Paris ne connaît même pas l’existence ? Impossible de lui faire savoir qu’il a gagné, il est injoignable, en train de pêcher le merlan dans le Jutland ! Le livre, davantage enquête que roman malgré son intitulé, montre comment cet idéaliste au regard clair, à l’approche artisanale (qui fait un peu penser à son compatriote Jorn Utzon), travaillant en solitaire, sans agence, auteur de quelques églises dépouillées, va se faire écraser par les mécanismes bureaucratiques de l’administration française. Une fable sur la création et le pouvoir, regorgeant de noms connus (Robert Lion, Jacques Attali, l’architecte Paul Andreu, le critique François Chaslin, etc.) mais qui se lit comme un thriller…
• La Grande Arche, par Laurence Cossé, Gallimard, 2016, 368 p., 21 €.
EN BREF
BRUXELLES – Le salon d’antiquités BRAFA se tient du 21 au 31 janvier 2016.
FORT-DE-FRANCE (Martinique) - La Fondation Clément inaugure le 24 janvier 2016 ses nouveaux bâtiments, dessinés par les architectes Reichen & Robert, avec une exposition consacrée à Hervé Télémaque.
LONDRES – A partir de photographies et de souvenirs de ses proches, la galerie Mayoral recrée pendant quelques jours le studio que Miró ouvrit à Majorque il y a exactement 60 ans (6 Duke Street, du 21 janvier au 12 février 2016).
LOS ANGELES - Le salon Photo L.A. se tient du 21 au 24 janvier 2016.
MULHOUSE – Le musée EDF Electropolis rouvre le 27 janvier 2016.
PARIS - Les Journées internationales du film sur l'art se tiennent au musée du Louvre du 22 au 31 janvier 2016.
PARIS – Le plasticien Laurent Grasso inaugure le 25 janvier 2016 l’installation lumineuse Solar Wind, au 25 quai d’Ivry (75013 Paris).
LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE
François Glineur - LES METAMORPHOSES D'OVIDE
21 janvier 2016 - PARIS - Galerie Gilbert Dufois
Une interprétation contemporaine d'une œuvre majeure de l'Antiquité