ArtAujourdhui.Hebdo
N° 416 - du 28 janvier 2016 au 2 mars 2016
Joaquin Sorolla, Louis Comfort Tiffany, 1911, huile sur toile, 150 x 225.5 cm. Prêt de The Hispanic Society of America, New York, NY. Photo © Courtesy of The Hispanic Society of America, New York. Exposition coorganisée par la Royal Academy of Arts et le Cleveland Museum of Art.
L'AIR DU TEMPS
Les peintres au jardin
On ne célèbrera jamais assez l’importance de l’invention du tube de peinture au XIXe siècle : elle affranchit les artistes de la tyrannie de l’atelier et les dissémina dans les forêts et sur les plages. Comment imaginer l’impressionnisme voire le fauvisme sans cette liberté ? Les paysages, auparavant croqués au crayon puis fignolés à l’intérieur, acquirent une authenticité jamais connue – on trouve des grains de sable sur certaines toiles de Monet… Le pli étant pris, on fréquenta de plus en plus son jardin, croquant le passage des saisons, les effets de neige, les floraisons. L’exposition montre comment, de Renoir à Klee, les peintres sont quasiment devenus des horticulteurs, passant de la nature morte des Flamands et Espagnols à une nature vivante et vibrante. Environ 120 œuvres, dont certaines de première importance, d’autres moins connues (des Nolde et des Sorolla), sont réunies pour nous ancrer dans la conviction, en même temps que notre météo détraquée, que le printemps est devenu permanent…
• Painting the Modern Garden: Monet to Matisse à la Royal Academy of Arts, du 30 janvier au 20 avril 2016.
EXPOSITIONS
Anonyme, Les élèves de l’atelier Gustave Moreau à l’Ecole des beaux-arts de Paris en 1897, photographie, 17,9 x 23,8 cm, Paris, musée Gustave Moreau, Inv. 16003 © RMNGrand Palais/Tony Querrec.
Moreau-Rouault, jeux de miroir
PARIS - D’un côté, Gustave Moreau (1826-1898), symboliste dont les tableaux sont comme des camées ciselés ; de l’autre, Georges Rouault (1871-1958), qui arrivera à une étonnante simplification des formes, à une touche épaisse, presque sculptée. Quel rapport entre les deux ? Très étroit ! Moreau fut le maître adoré de Rouault (mais aussi de Camoin, Marquet et Matisse) aux Beaux-Arts, et ce dernier fut pendant trente ans le gardien du temple, le conservateur de l’émouvante maison-musée Gustave Moreau. Il y avait donc toutes raisons de rapprocher les deux hommes. Ce chemin parallèle suit de grandes thématiques : le paysage, la femme, le sacré. Il offre des découvertes – certaines œuvres de Rouault issues de collections privées comme cette Tête de saint Jean-Baptiste - et des analogies surprenantes, notamment dans la dernière partie (« l’amour de la matière ») où les « ébauches » tachistes de Moreau répondent aux quasi abstractions de Rouault.
• Gustave Moreau, Georges Rouault, souvenirs d’atelier au musée Gustave Moreau, du 27 janvier au 25 avril 2016. Catalogue Somogy (avec une intéressante sélection de lettres).
Jean Dubuffet, Le voyageur égaré, 1950. Huile sur toile, 130 x 195 cm, Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Collection Beyeler © 2015, ProLitteris, Zurich Photo: Cantz Medienmanagement, Ostfildern.
Du bon Dubuffet
BÂLE – Le gigantesque Coucou Bazar (montré aux Arts décoratifs à Paris en 2013), grouillante accumulation de personnages, est la star de cette rétrospective de Jean Dubuffet (1901-1985). Sans être strictement thématique, elle accorde une importance particulière aux rapports de l’artiste avec le paysage, qu’il sut rendre, en adepte des matériaux pauvres, avec du sable, des éponges, des cailloux, de la ficelle, du torchis…
• Jean Dubuffet - Métamorphoses du paysage à la fondation Beyeler, du 31 janvier au 8 mai 2016.
Le monde de Bischof
LAUSANNE – Il est mort la même année et le même mois que Robert Capa (mai 1954), et était, comme lui, membre de l’agence Magnum. Mais la postérité a été moins généreuse avec le photographe humaniste qu’a été Werner Bischof, dont la voiture tomba dans un ravin des Andes. De l’Allemagne détruite de 1945 au Pérou des hauts plateaux, du Cambodge rural à l’Amérique des banlieues, il a laissé une géographie personnelle et sensible d’un monde en mutation accélérée.
• Werner Bischof au musée de l’Elysée, du 27 janvier au 1er mai 2016. Catalogue Helvetica
Réouverture après la guerre de la cordonnerie de M. Vexelmans rue des Montiboeufs à Paris, XXe. France, 1946. Mémorial de la Shoah.
Revivre après la Shoah
PARIS – Comment se réinsérer, comment reprendre le cours de la vie après avoir connu les camps d’extermination et la mort de ses proches ? Reprendre son commerce de cordonnier ou partir loin, en Palestine, Australie ou Canada ? L’exposition se penche sur le parcours des survivants juifs à la Shoah en Pologne, France, Allemagne ou Ukraine et rappelle un fait peu connu : certains ont encore passé deux ans dans des camps, comme celui de Bergen-Belsen, réaménagé, avant de pouvoir prendre un nouveau départ.
• Après la Shoah au Mémorial de la Shoah, du 27 janvier au 30 octobre 2016.
Heimat chinois
PARIS – Les artistes chinois contemporains trustent le podium des plus « bankables ». Mais qui sont-ils, d’où viennent-ils, que peignent-ils ? Alors que le public occidental écorche leur nom et n’en retient qu’une poignée, ils sont une cohorte. La Fondation LVMH en réunit une dizaine, de Liu Xiaodong (52 ans) à Tao Hui (28 ans), sous l’appellation Bentu, qui signifie Terre natale.
• Bentu à la Fondation LVMH, du 27 janvier au 2 mai 2016.
LIVRES
Souvenirs de la maison des morts
« J’ai tenté, avec le peu de pouvoir qui est le mien, de donner une image de l’incarcération qui paraisse aussi éprouvante qu’elle l’est dans la réalité. » Paris tenu pour Danny Lyon lorsqu’il sortit ce livre pionnier en 1971. Il avait eu le privilège rare de pouvoir photographier librement, pendant quatorze mois, six pénitenciers du Texas. Cellules, vie quotidienne, réfectoires, douches et des légendes qui claquaient comme des manifestes « Quarante-cinq ans, vol à main armée » ou « Perpétuité, vol ». Pas difficile avec la « loi des trois coups » (ou grosse salope comme l’appellent les détenus) : avec trois crimes, même non sanglants, on écope automatiquement de la perpétuité. L’ouvrage mêle photos, facsimilés de sentences, lettres et dessins de quelques détenus emblématiques comme Billy McCune (1928-2007), condamné à la peine de mort en 1950 pour un viol jamais réellement prouvé. Véritable réquisitoire contre une violence d’Etat, le livre a fait date, a contribué à commuer la peine de McCune, mais n’a pas inversé la tendance. A l’époque, les Etats-Unis comptaient 250 000 prisonniers. Ils sont aujourd’hui plus de deux millions…
• Conversations avec les morts, par Danny Lyon, Phaidon, 2015, 214 p., 59,95 €.
BRÈVES
ANGOULÊME – Le 43e festival international de la bande dessinée se tient du 28 au 31 janvier 2016.
BERKELEY - Le Berkeley Art Museum and Pacific Film Archive inaugure le 31 janvier 2016 son nouveau siège, un bâtiment de 1939 (l'ancienne imprimerie de l'University of California) transformé par Diller Scofidio & Renfro.
BOLOGNE – Le salon d’art moderne et contemporain Arte Fiera tient sa 40e édition du 29 janvier au 1er février 2016.
GENÈVE – Le salon d’art moderne et contemporain artgenève se tient du 28 au 31 janvier 2016.
INNSBRUCK – Lae salon d’art moderne et contemporain Art Innsbruck se tient du 28 au 31 janvier 2016.
VENISE – Christine Macel, conservatrice en chef au Musée national d’art moderne, a été nommée commissaire de la 57e Biennale de Venise (2017).
LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE
HENRI SALESSE
28 janvier 2016 - GENTILLY - Maison de la photographie Robert Doisneau
Photographe employé au ministère de la Reconstruction, Henri Salesse (1914-2006) a chroniqué la France de l'après-guerre