ArtAujourdhui.Hebdo
N° 421 - du 3 mars 2016 au 9 mars 2016
David LaChapelle, Renaissance de Vénus, 2009. Creative Exchange Agency, New York, Steven Pranica / Studio LaChapelle. © David LaChapelle
L'AIR DU TEMPS
Bienvenue au club Botticelli
LONDRES – Il fait partie du gotha des artistes universels et sa Vénus figure sur l’avers de la pièce italienne de 10 centimes d’euros. Sandro Botticelli (1445-1510) est une superstar. Pourtant, il y a deux siècles, rien ne le laissait présager. Il était enfoui dans la mémoire des siècles comme un peintre au destin curieux, passé des nudités antiques au soutien aveugle du moine Savonarole, pour lequel il accepta de renier ses œuvres de jeunesse. Il fallut l’intervention des préraphaélites anglais – qui révéraient tout ce qui précédait Raphaël - pour l’extirper de son purgatoire. Rossetti et Millais seraient en droit de demander des droits d’auteur : leur protégé est devenu une valeur sûre… C’est ce phénomène qu’explore l’exposition, déjà présentée à la Gemäldegalerie de Berlin à l’automne dernier. A côté de quelques chefs-d’œuvre du Florentin, elle montre tout ce qu’il a pu inspirer, des peintures de Degas, Cabanel et Walter Crane à la mode de Schiaparelli, des lithos de Warhol aux photos de Pierre & Gilles, en passant par les objets qui se sont emparés de son nom – jantes d’automobiles, chaussures de femme, parfums, stylos-plumes. Comme le synonyme d’une beauté éthérée, évanescente, indémodable.
• Botticelli Reimagined au Victoria & Albert Museum, du 5 mars au 3 juillet 2016.
EXPOSITIONS
Hilma af Klint, Group X, No. 1. Altarpiece, 1915, huile et feuille de métal sur toile, 237.5 x 179.5 cm; Courtesy of Stiftelsen Hilma af Klints Verk; Photo: Moderna Museet / Stockholm.
Hilma af Klint, univers de symboles
LONDRES – Son nom compliqué, son assonance avec Klimt compliquent les choses… Hilma af Klint (1862-1944) est une artiste suédoise qui a été une pionnière oubliée de l’abstraction. Son souhait testamentaire d’attendre plusieurs décennies avant de dévoiler ses peintures a fait patienter jusqu’en… 1986 pour découvrir son œuvre (au LACMA de Los Angeles) avec un succès de public qui n’a fait que s’amplifier (on peut en voir quelques œuvres à « Cosa mentale », ouvert jusqu’au 28 mars au Centre Pompidou Metz, qui souligne ses rapports avec l’anthroposophie de Rudolf Steiner). La rétrospective londonienne s’organise autour des « Peintures du temple », un ensemble de 193 toiles pétri de signes cabalistiques et conçu comme un dialogue avec les esprits. Il a été réalisé entre 1906 et 1915, alors que les surréalistes n’avaient pas encore commencé leurs exercices d’écriture automatique.
• Hilma af Klint à la Serpentine Gallery, du 3 mars au 15 mai 2016.
Andrew Wyeth, Christina Olson, 1947, tempera sur panneau, 83,8 x 63,5 cm. Myron Kunin Collection of American Art. © Andrew Wyeth
Les Wyeth, une dynastie américaine
MADRID – Andrew Wyeth (1917-2009) a laissé une icône de la peinture américaine du XXe siècle, Christina’s World, avec sa jeune femme tapie dans les hautes herbes des plaines américaines. Entrée au MoMA en 1949, elle en devenu est l’une des toiles les plus célèbres avec les Demoiselles d’Avignon. Son fils Jamie (né en 1946), également peintre, spécialisé en portraits (Kennedy, Warhol, Noureev) et images de l’Amérique rurale, a suivi le même chemin : les deux artistes sont ici mis en parallèle. Ils avaient de quoi tenir : le grand-père N.C. Wyeth (1882-1945) fut un grand illustrateur de sagas, légendes et romans d’aventure.
• Wyeth : Andrew y Jamie en el estudio au musée Thyssen-Bornemisza, du 1er mars au 19 juin 2016.
Crâne Asmat, Irian Jaya, Indonésie, XIXe-XXe siècle, plumes, vannerie, coquillages, 27 x 20 x 25 cm.
Paris, collection Liliane et Michel Durand-Dessert, anciennement collection Jean-Édouard Carlier.
© Photo François Doury
Le goût de la carambole
PARIS – Comment accrocher les peintures ? Par ordre chronologique, par artiste, par style ? La question ne sera jamais définitivement résolue et cette exposition conçue par Jean-Hubert Martin (celui des « Magiciens de la Terre » à Beaubourg en 1989) rassemble des œuvres de toutes époques et artistes selon des affinités électives, largement subjectives. Sarcophage de musaraigne contre statuette de Giacometti, reliefs de repas de Spoerri contre emblème d’une tribu africaine : le commissaire qui dit vouloir « chahuter les neurones » n’hésite devant aucun rapprochement. On est dans l’esprit de Lautréamont, des cadavres exquis surréalistes, du musée idéal de Malraux ou du Baudelaire des Correspondances : un filon déjà riche qui mérite d’être cultivé.
• Carambolages au Grand Palais. Du 2 mars au 4 juillet 2016.
ET AUSSI
Mort sur le Nil
CAMBRIDGE – Le Fitzwilliam Museum (fondé en 1816) lance les célébrations de son bicentenaire avec une exposition sur les sarcophages égyptiens, sous un titre évident (Death on the Nile) qui renvoie aux frissons distillés par Agatha Christie. Comment étaient-ils fabriqués, peints, recouverts d’or et d’hiéroglyphes ? L’enquête a pour socle le cercueil de Nes-Amun, entré dans les collections dès 1822 et est renforcé par des prêts du British Museum et du Louvre. Du 23 février au 22 mai 2016.
Paul End, Sans titre, 1948, mine de plomb et crayon de couleur sur papier d’emballage enduit de peinture à l’huile, 36 × 59 cm. Photo : Claudine Garcia, AN. Collection de l’Art Brut, Lausanne
Dubuffet brut
LAUSANNE – Jean Dubuffet (1901-1985) a beaucoup créé mais a aussi beaucoup défendu l’art « marginal » ou autodidacte, qu’il a abondamment collectionné. Pour marquer les quarante ans de l’acte de donation qui a permis sa naissance en 1976, la Collection de l’art brut remet en scène un ensemble particulier : les 150 œuvres présentées en 1949, à l’exposition pionnière de la galerie René Drouin à Paris. Du 5 mars au 28 août 2016.
Sorolla, lumière d’Espagne
MUNICH – Généralement catalogué comme un impressionniste espagnol, le Valencien Joaquín Sorolla (1863-1923), est plutôt de la génération de Signac et des post-impressionnistes. Sa palette chargée en lumière, qui a un faible pour les ambiances de bord de mer, est évoquée en 120 œuvres à la Kunsthalle. Du 4 mars au 3 juillet 2016.
VENTES
D'après Winterhalter, L’Impératrice Eugénie en buste de ¾., huile sur toile (réentoilée, petits coups et griffes). Cadre doré, sculpté à jours, avec cartouche, 78 x 62,5 cm. Estimation : 3 000 - 4 000 €.
Un Napoléon sinon l’autre
FONTAINEBLEAU – Le nom évoque le classement des plus grandes fortunes mondiales mais les Forbes, et notamment Christopher, l’un des fils du magnat Malcolm (mort en 1990), ont d’autres passions. Prenant la suite de son père, celui-ci a accumulé une collection napoléonienne considérée comme l’une des plus riches au monde. Fait rare, elle est consacrée à Napoléon III et non à son oncle… Comprenant malgré tout quelques reliques du Premier Empire (un autographe du cardinal Fesch, estimé 30 000 €, ou une feuille sous verre, provenant d’un arbre ombrageant la tombe de l’empereur, à 100 €), elle rend surtout hommage à Louis-Napoléon. Lettres (avec Mérimée, par exemple), photographies, tableaux, bustes, bonbonnières ou dessins de sa main (comme ce Paysage napolitain, estimé 600 €) s’accompagnent d’une belle série de caricatures : avec Louis-Philippe, Napoléon III a été l’un des dirigeants français les plus brocardés par la satire politique.
Vente Forbes, les 5 et 6 mars 2016 à Fontainebleau (Osenat).
LIVRES
Prost, leçons d’un architecte
Les leçons de Chaillot sont devenues une sorte de tradition. Dans ce département formation de la Cité de l’architecture et du patrimoine, des praticiens renommés se sont déjà exprimés, dont Jean Nouvel et Pierre-Louis Faloci. Pour la 11e édition, en 2015, l’honneur en est pour la première fois retombé sur un ancien élève : Philippe Prost (né en 1959). Celui-ci développe le concept d’une création indissociable de la mémoire, en puisant sur sa riche expérience personnelle. Le Mémorial international de Notre-Dame de Lorette, avec ses 600 000 noms de soldats morts à la guerre, est sa création la plus récente (2014). Mais ses interventions sur la Monnaie de Paris, sur la Briqueterie de Gournay ou sur des ZAC parisiennes l’avaient déjà sensibilisé au travail sur les strates du temps. Il faut parfois un coup de pouce du destin pour lancer une carrière : pour Philippe Prost, à peine diplômé, ce fut l’incroyable proposition de restaurer la citadelle de Belle-Ile-en-Mer, site majeur de l’architecture militaire, dû à Vauban. Le pli du patrimoine, de l’interrogation passionnée des archives et d’une création consciente de la présence du passé, était définitivement pris…
• Philippe Prost, leçon inaugurale de l’école de Chaillot, 128 p., 2016, 19 €
EN BREF
GENÈVE – Le projet d’extension du musée d’Art et d’Histoire dessiné par Jean Nouvel a été rejeté lors d’un votation populaire le 28 février 2016.
LA HAYE – Le premier procès pour destruction du patrimoine culturel s’est ouvert le 1er mars 2016 à la Cour pénale internationale contre Ahmad al-Faqi al-Mahdi, un djihadiste malien suspecté d’avoir ordonné la destruction de mausolées à Tombouctou.
NEW YORK – L’Armory Show, foire d’art contemporain, se tient du 3 au 6 mars 2016.
LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE
CERAMIX
9 March 2016 - SÈVRES - Cité de la céramique
Une série d'expositions sur la céramique dans l'art contemporain (Photo: Thomas Schütte)