ArtAujourdhui.Hebdo

N° 426 - du 7 avril 2016 au 13 avril 2016

Paul Klee, Schauspieler=Maske [Masque=comédien], 1924, huile sur toile sur carton cloué sur bois, 36,7 x 33,8 cm The Museum of Modern Art, New York The Sidney and Harriet Janis Collection © 2016. Digital Image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence.

L'AIR DU TEMPS

Klee, le peintre à l'humour froid

PARIS – S’il est une qualité que l’on ne attribuerait pas spontanément à Paul Klee (1879-1940), c’est l’ironie. La poésie, le lyrisme, voire la tragédie (avec sa maladie invalidante, la sclérodermie, et la montée des totalitarismes qui accompagnent la fin de sa vie) lui sont plus souvent associés. C’est pourtant le fil conducteur qu’a choisi le Centre Pompidou. Il montre comment Klee joue aussi sur différents registres : la parodie (des alphabets hiéroglyphiques aux idéaux du Bauhaus où Klee enseignait et qui voulait remettre à l’honneur la peinture murale), la caricature, la déformation (de la statuaire antique ou du corps humain, dans un duel à distance avec Picasso), la dérision de l’omniprésence de la machine, l’utilisation de techniques enfantines (élastiques, ciseaux) dans ses peintures. Au total, 250 œuvres qui permettent de renouveler le regard sur l’un des maîtres du XXe siècle, fauteur d’une étrange fusion entre figuratif et abstrait.
• Paul Klee, l’ironie à l’œuvre au Centre Pompidou, du 6 avril au 1er août 2016.

EXPOSITIONS

Josef Albers, Park, vers 1923/24. The Josef and Anni Albers Foundation © The Josef and Anni Albers Foundation / VG Bild-Kunst, Bonn 2016.

Le Bauhaus, hier et aujourd’hui

BONN – En 1919, le Bauhaus est fondé à Weimar avec l’ambition de renouveler l’approche de la production manufacturée de masse, en inventant une nouvelle génération d’objets de tous les jours, beaux et pratiques à la fois. C’est le début véritable du design moderne. L’école ne survivra pas à la montée du nazisme mais la liste de ses collaborateurs n’en entrera pas moins dans l’histoire du XXe siècle : Gropius, Breuer, Albers, Itten, Mies van der Rohe mais aussi Moholy-Nagy, Klee, Kandinsky… L’exposition rappelle cet idéal humaniste de fusion de tous les arts, qui a touché l’architecture, les arts ménagers, le mobilier et la mode, et montre que son influence a perduré jusqu’à nos jours chez des créateurs aussi divers que Norman Foster ou Enzo Mari.
• It’s All Design au Bundeskunsthalle, du 1er avril au 14 août 2016.

Léger en grand

COLOGNE – L’art de Fernand Léger (1881-1955) a une dimension architecturale indéniable. A partir d’un tableau de 1943, Les Plongeurs, entré dans sa collection en 1986, le musée Ludwig explore le travail de Léger dans la peinture murale. Du 9 avril au 3 juillet 2016.

Apollinaire en critique

PARIS – On le connaît comme poète, moins comme promoteur avisé de l’art moderne. Ami de Chirico, Derain et Picasso, Guillaume Apollinaire (1880-1918) a été un critique influent jusqu’à sa mort. L’exposition qui étudie ses rapports avec les avant-gardes se tient à l’Orangerie, avec raison : les trésors du musée proviennent de Paul Guillaume, qui fut incité à collectionner par Apollinaire… Du 6 avril au 18 juillet 2016.

LES ARTISTES DE LA SEMAINE

Allora & Calzadilla, Raptor's Rapture, Photo : Patrizia Pic De Donno.

Allora et Calzadilla dans l’épaisseur du temps

La fondation de Royaumont, haut lieu de la culture (elle a accueilli nombre de concerts et colloques) accompagne sa campagne de restauration d’une série d’installations du duo américain Allora et Calzadilla. Elles établissent des parallèles intéressants entre notre temps et l’histoire la plus ancienne, ce qui sied à une abbaye dont les origines remontent à saint Louis. Dans la pénombre des vieilles pierres, voici la vidéo d’un étrange concert : sous l’œil sceptique d’un vautour, l’interprète tente de tirer des sons d’un bout d’os. Il s’agit en réalité de la plus ancienne flûte du monde, remontant à 35 000 ans, mise au jour sur un site préhistorique allemand et tirée du corps d’un vautour… Plus loin, une violoncelliste joue une étrange mélodie devant la Vénus de Lespugue, la star du musée de l’Homme, appliquant une étonnante théorie : les courbes généreuses de l’idole seraient la mise en volume d’une immémoriale gamme musicale. Autant de contrepieds déroutants en une époque qui a fait de l’instantané sa religion dominante !
• Split the Lark : Jennifer Allora & Guillermo Calzadilla à l’abbaye de Royaumont, du 2 avril au 10 juin 2016.

LIVRES

Petite vertu

Les catalogues peuvent avoir une deuxième vie… lorsque les expositions sont itinérantes. C’est le cas avec « Splendeurs et misères », montré au musée d’Orsay et qui rebondit au musée Van Gogh d’Amsterdam (jusqu'au 19 juin 2016) sous un nom tout aussi transparent, « Easy Virtue ». Cette plongée dans l’iconographie de la prostitution au XIXe siècle mêle des icônes du genre (Toulouse-Lautrec, Degas et Félicien-Rops), quelques images des bordels à la mode comme le Chabanais, des photos salaces de Pierre Louys en action, d’amusants photomontages érotiques, un petit cabinet pornographique. Mais il vaut aussi par des images moins allusives tels ces jeux de miroir et de regards dans des boutiques de mode admirablement dépeintes (Tissot ou Béraud), par ces puissantes scènes fauves de Chabaud ou Rippl-Ronai et par cet interminable cortège de demi-mondaines de salons, de fiacres ou de brasseries qui prenaient grand soin de leur élégance vestimentaire et ne sortaient jamais sans chapeau, voilette et chaîne en or…
• Splendeurs & misères, Images de la prostitution, 1850-1910, Flammarion, 2015, 304 p., 45 €.

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