ArtAujourdhui.Hebdo
N° 427 - du 14 avril 2016 au 20 avril 2016
Eugène Boudin, La Plage de Trouville, 1889, huile sur toile, 55,6 x 90 cm. Nicosie (Chypre), A.G. Leventis Gallery © A.G. Leventis Gallery, Nicosie (exposition au musée d'Art moderne André Malraux, Le Havre).
L'AIR DU TEMPS
Grand-messe impressionniste
Nous avions le Tour de France, le tournoi des Six Nations, le marathon de Paris. Il nous manquait la coupe du monde impressionniste. C’est chose faite ! Avec cette troisième édition (après celles de 2010 et 2013), le festival « Normandie impressionniste » semble s’imposer comme la référence en la matière. S’étendant sur un semestre, rassemblant 450 événements (dont certains, il faut le dire, n’ont qu’un rapport lointain avec le mouvement de Monet et consorts), il devrait animer l’été d’Avranches au Tréport et dépasser les 2 millions d’entrées. La thématique choisie, celle du portrait, permet de nombreuses incursions vers la création contemporaine. Sur les 153 expositions recensées, on s’initiera ainsi à la production récente d’Orlan et de John Batho. Mais l’on pourra évidemment entrer dans l’intimité de la famille Caillebotte (à Bayeux), retrouver le grand Boudin (au Havre), mais aussi redécouvrir des peintres moins médiatisés comme Frits Thaulow (à Caen), Jacques-Emile Blanche (à Deauville), Félix Buhot (à Cherbourg), Julien Féron (au Havre). L’impressionnisme, c’est un peu comme au football : derrière les stars, il y a tous les seconds couteaux, qui permettent de maintenir le niveau de jeu…
• Normandie impressionniste, du 16 avril au 26 septembre dans toute la Normandie.
EXPOSITIONS
Jean Puy, La Pétronille, 1902, huile sur carton, 68x52 cm, collection Pierre Troisgros © Tous droits réservés / ADAGP-Paris, 2016.
Jean Puy, un fauve redécouvert
MONTBÉLIARD - Dans la fameuse « cage aux fauves » du Salon d’automne de 1905, il y avait évidemment Matisse, Derain, Marquet et Camoin. Mais également des peintres retombés dans l’anonymat : exemplaire à cet égard est Jean Puy (1876-1960), qui était dans cette « salle stupéfiante » où le critique Marcel Nicolle du Journal de Rouen ne voyait que « bariolages informes », n’ayant « aucun rapport avec la peinture ». Bénéficiant de cet écho de scandale, la renommée de Puy fut cependant courte : acheté en bloc cette même année par Ambroise Vollard, il aurait pu être l’une des stars du XXe siècle. Mais comme le rappelle cette rétrospective, il quitta vite la barque fauve et, après la guerre, évolua d’abord vers une veine caricaturale puis vers des scènes intimistes – liseuses, natures mortes –, s’adonnant aussi aux paysages et à la céramique. La fin de sa vie, discrète et isolée, dans sa ville natale de Roanne, contribuera à son effacement. L’artiste est cependant à redécouvrir, notamment pour ses superbes nus pleins « d’une grâce spirituelle et voluptueuse » (Apollinaire).
• Jean Puy, plénitude d’un fauve, au musée du château des ducs de Wurtemberg, du 9 avril au 18 septembre 2016.
Paula Modersohn-Becker, Tête d’une jeune fille blonde coiffée d’un chapeau de paille, vers 1904, détrempe sur toile, 27x33,5 cm, Kunst- und Museumsverein, Wuppertal © Medienzentrum, Antje Zeis-Loi / Kunst-und Museumsverein, Wuppertal.
Modersohn-Becker, destin tragique
PARIS - Absolument contemporain de Jean Puy, Paula Modersohn-Becker (1876-1907) n’a pas connu la même longévité mais a certainement produit une influence plus durable. Fusionnant des influences très variées souvent puisées à Paris – de Cézanne aux nabis, de Gauguin au cubisme – cette native de Dresde a tout pour devenir une sorte de Frida Kahlo européenne. Même indépendance, même goût de l’expérimentation, mêmes amitiés bien choisies (Rilke), même destin tronqué (elle mourra des suites de son premier accouchement). L’exposition donne une vision panoramique d’une œuvre brève mais très riche (plusieurs centaines de toiles), passant sans difficulté des portraits aux paysages, des natures mortes aux allégories.
• Paula Modersohn-Becker, l’intensité d’un regard au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, du 8 avril au 21 août 2016.
Gauguin et les mondes primitifs
COPENHAGUE - Aller au Danemark pour voir Gauguin est tout naturel. Son épouse Mette était de ce pays (où elle retourna à leur séparation) et le brasseur Jacobsen, héritier de la dynastie Carslberg, fut un de ses précoces collectionneurs. Ce qui explique que la Glyptotek Ny Carlsberg possède la bagatelle de 47 œuvres (dessins, bois gravés mais aussi de belles toiles comme le Portrait de Jeanne Goupil ou Tahitienne avec une fleur). Ce fonds sert de socle à une rétrospective qui étudie la dimension « primitive » du peintre. Du 15 avril au 28 août 2016.
Mucha sur Tibre
ROME – Il symbolise l’Art nouveau dans sa féminité, ses efflorescences, son rapport avec le théâtre et la publicité naissante : Alphonse Mucha (1860-1939), qui tissa sa gloire à Paris, fut un temps le Tchèque le plus célèbre du monde. Le Vittoriano lui dédie une rétrospective mêlant affiches et tableaux. Du 15 avril au 11 septembre 2016.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Jacques Villeglé lors de la préparation de l'exposition au MAMC de Saint-Etienne © Jacques Villéglé. Crédit photo : Yves Bresson / MAMC
Villeglé, opus 90
« L’invitation au musée de Saint-Etienne, dans sa plus grande salle d’exposition, est intimidante », a-t-il dit. On pourrait penser qu’à 90 ans, l’un des derniers survivants du Nouveau Réalisme, Jacques Villeglé, n’est plus guère impressionnable. Mais le patriarche continue d’avoir des enthousiasmes et des inquiétudes de jeune homme… Comme Caton, à 80 ans passés, il s’est penché sur un nouvel alphabet, « socio-politique » (mêlant les symboles du dollar, de la svastika, de la livre sterling, de l’étoile de David, etc.), dans lequel il écrit maintenant ses phrases murales. A Saint-Etienne, elles sont tirées de Guy Debord et entourent l’installation centrale, un carré-stèle sur lequel trône une réplique de la Chaussée des corsaires, sa première sculpture, en fil de fer, dont l’original (1947) est au musée national d’Art moderne. Un moyen de relier 70 ans de création sous le titre parlant de Mémoires…
• Villeglé est exposé au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne jusqu’au 22 mai 2016.
• A voir aussi : la galerie Vallois inaugure un second espace rue de Seine (75006 Paris) avec une exposition pour le 90e anniversaire de Villeglé, du 8 avril au 13 mai 2016.
LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE
Thibault Laget-Ro, EXODE
14 avril 2016 - PARIS - Galerie Couteron
Une thématique très actuelle, celle des migrations, traitée en ligne claire
LIVRES
Elégie pour Cali
Il a habité à Versailles mais sans domestiques ni grandes eaux… En réalité, il s’agit de Versalles, traduction espagnole, désignant un bourg du sud-ouest de la Colombie. Mais le jeune Fernell Franco (1942-2006) et sa famille, face à la violence, doivent émigrer dans les années cinquante vers la métropole proche, Cali. Fasciné par l’ambiance urbaine qu’il parcourt en bicyclette (il est coursier), l’adolescent passe ses après-midi au cinéma (se nourrissant de néoréalisme italien) ou traîne dans les vieux immeubles que le boom immobilier s’apprête à condamner. Devenu photographe, Franco va passer sa vie à décrypter cet univers – un ensemble de signes architecturaux (patios, murs lépreux, escaliers en fer forgé), sociaux (clubs de billards et de salsa, bars à sodas, bordels). Agrandissant jusqu’à obtenir un fou impressionniste ou rehaussant de couleurs, il compose une véritable symphonie à la grande ville, dans un esprit comparable au Berlin de Walter Ruttmann. Ces images sont présentées à la Fondation Cartier jusqu’au 5 juin 2016.
• Fernell Franco, Cali clair-obscur, Fondation Cartier pour l’art contemporain, éditions Toluca, 2016, 296 p., 40 €.
EN BREF
BÂLE - Le Kunstmuseum inaugure le 17 avril 2016 son nouveau bâtiment dessiné par l'agence Christ & Gantenbein.
COLOGNE – Le salon d’art contemporain Art Cologne se tient du 14 au 17 avril 2016.
MONDE - Le 18 avril est la Journée internationale des monuments et des sites, centrée cette année sur le thème du sport.
PARIS - Après près d'un an et demi de travaux, la librairie du Louvre rouvre le 13 avril 2016 sur un espace de plus de 400 m2.
TOULOUSE – Un tableau découvert dans un château de Haute-Garonne, Judith décapitant Holopherne serait un Caravage, selon l’expert Eric Turquin.