ArtAujourdhui.Hebdo
N° 447 - du 27 octobre 2016 au 2 novembre 2016
L'AIR DU TEMPS
De la Russie avec amour : la charge des Matisse
PARIS - C’est ce que l’on appelle un « coup » : le rassemblement de l’ancienne collection Chtchoukine dans le vaisseau spatial de Frank Gehry, avec son habillage automnal par Daniel Buren, est un rêve qu’auraient voulu s’offrir de nombreux musées. C’est la fondation Louis Vuitton qui a emporté la mise, pour un investissement non divulgué… Avec son compère Morozov, l’industriel russe du textile Serguei Chtchoukine fut l’un des plus grands collectionneurs du début du XXe siècle. Audacieux, ouvert sur l’Occident, il tomba d’abord amoureux du maître, Cézanne, puis élargit son répertoire, accumulant des œuvres de Gauguin, Derain, Picasso et… Matisse. Le lien avec ce dernier fut d’une étonnante fécondité. Une vidéo très didactique de Peter Greenaway de Saskia Boddeke, avec acteurs en costume, rappelle que la fameuse Danse (dont la première version est aujourd’hui au MoMA, la seconde à l’Ermitage) fut commandée par Chtchoukine, qui avait été séduit par un groupe de danseurs apparaissant dans La Joie de vivre, le tableau que Picasso admirait par dessus tout. Au total, Chtchoukine posséda jusqu’à 37 toiles de Matisse ! Saisie à la Révolution, sa collection fut partagée entre l’Ermitage et le musée Pouchkine à Moscou, puis interdite d’exposition par Staline car considérée décadente. Le mécène vint finir sa vie à Paris où il mourut en 1936. Les réclamations des héritiers - prêts à faire saisir ce qu’ils considéraient comme leur patrimoine spolié - ont longtemps rendu hypothétique un tel rassemblement. Un modus vivendi semble avoir été trouvé pour que la contemplation des 168 chefs-d’œuvre (dont des Russes comme Malévitch et Tatline) ne soit pas troublée par des blitz judiciaires. Mais l’apothéose diplomatique dont rêvait Poutine (vernissage de l’exposition et inauguration de la nouvelle cathédrale russe) a fait les frais des tensions diplomatiques récentes…
• Icônes de l’art moderne, la collection Chtchoukine à la Fondation Louis Vuitton, du 22 octobre 2016 au 20 février 2017.
L’ABÉCÉDAIRE DES NOUVELLES EXPOSITIONS
BALLA (futuriste)
ALBA - Il fut l’un des maîtres du futurisme : c’est à la Fondation Ferrero qu’il faut se rendre pour cette rétrospective dédiée à Giacomo Balla (1871-1958). Du 29 octobre 2016 au 27 février 2017.
BESNARD (académique)
PARIS - L’ancienne gloire Albert Besnard (1849-1934) arrive au Petit Palais depuis Evian (Portrait de Francis Magnard, 1884 © Carole Rabourdin/Petit Palais/Roger-Viollet). Du 25 octobre 2016 au 15 janvier 2017.
BOURDELLE (monumental)
PARIS - En 1902, le monument aux morts de Montauban est inauguré. Cette œuvre phare de la carrière de Bourdelle est décryptée dans son musée. Du 27 octobre 2016 au 29 janvier 2017.
CAFÉ (à travers les âges)
MARSEILLE - La longue histoire du café est retracée au Mucem. Le sponsor s’y connaît (Malongo)… et la course des garçons de café a lieu le 29 octobre. Du 26 octobre 2016 au 23 janvier 2017.
GIACOMETTI (en plâtre)
ZURICH - Il a fait bien plus que des bronzes : c’est ce que rappelle le Kunsthaus dans cette exposition consacrée à Giacometti. Du 28 octobre 2016 au 15 janvier 2017.
KANDINSKY (parisien)
GRENOBLE - Le musée de Grenoble présente la dernière décennie de Wassily Kandinsky, ses années parisiennes (1933-1944). Du 29 octobre 2016 au 29 janvier 2017.
MÉROVINGIENS (pas tous fainéants)
PARIS - Le musée de Cluny se penche sur une période fort lointaine, celle des premiers rois de France, Clovis, Dagobert et les soi-disant rois fainéants. Du 26 octobre 2016 au 13 février 2017.
PEETERS (oubliée)
MADRID - Maître de la nature morte, la Flamande Clara Peeters (1594-1657) bénéficie d’une petite rétrospective (on ne lui connaît que 40 tableaux) au Prado. Du 25 octobre 2016 au 19 février 2017.
PICASSO (sculpteur)
BRUXELLES - La rétrospective des sculptures du maître andalou, d’abord présentée au musée Picasso, se poursuit à Bozar. Du 26 octobre 2016 au 5 mars 2017.
YANTCHEVSKY (et Paris nocturne)
PARIS - Un photographe au regard d’humaniste se penche sur le Paris de la nuit : grâce à une donation, la BNF ressuscite Nicolas Yantchevsky (1924-1972). Du 25 octobre au 4 décembre 2016.
LIVRES
Condé, forcément grand
A sa mort, le rapport de l’embaumeur décrivit « les deux reins à demi pourris » mais « le plus beau cerveau du monde, soit dans la couleur soit dans la consistance », puis Bossuet fit son éloge funèbre… Représentant de la branche cadette des Bourbons, grand militaire (on lui doit la victoire de Rocroi, en 1643, qui empêcha les Espagnols de s’ouvrir le chemin de Paris), Louis II, prince de Condé (1621-1686), est un personnage central du règne de Louis XIV. Sans être son seul rival potentiel (on pense en premier lieu à Fouquet), il le fut par son attitude frondeuse - une expression à prendre au sens propre, au moment de la Fronde - mais aussi par sa magnificence. Il se bâtit une demeure qui éblouit Mme de La Fayette (« De tous les lieux que le soleil éclaire, il n’y en a point un pareil à celui-là ») et la remplit d’une remarquable collection d’art. Le lieu existe toujours : il s’agit évidemment du château de Chantilly. C’est là que se tient l’exposition (jusqu’au 2 janvier 2017) qui est accompagnée de ce catalogue et qui détaille les différentes facettes d’un grand homme du Grand Siècle…
• Le Grand Condé, le rival du Roi-Soleil ?, sous la direction de Mathieu Deldicque, Snoeck, 2016, 232 p., 29 €.
LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE
KATSUJI KISHIDA
27 octobre 2016 - PARIS - Galerie Akié Arichi
Les œuvres d'un sculpteur japonais (né en 1937) fasciné depuis un demi-siècle par le métal