ArtAujourdhui.Hebdo
N° 462 - du 23 février 2017 au 1 mars 2017
Johannes Vermeer, La Laitière, vers 1658-1659, huile sur toile, 45,5 x 41 cm, Amsterdam, Rijksmuseum © Amsterdam, The Rijksmuseum.
L'AIR DU TEMPS
Vermeer, le peintre le plus rare du monde
PARIS - Certaines rétrospectives sont des raz-de-marée. Pour Matisse au Grand Palais, en avril 1970, on montra 210 tableaux. Pour Picasso, en 1966, entre Petit et Grand Palais, les œuvres - dont peintures, dessins, céramiques - furent presque mille. Pur Vermeer, le Louvre se borne à… douze tableaux. Paresse, timidité ? Pas du tout. On ne connaît en effet que 36 œuvres de Vermeer - et encore, certains spécialistes s’arrêtent-ils à 35 ! Réunir le tiers du corpus est une épreuve de force tant ces chefs-d’œuvre sont dispersés et jalousement gardés par leurs possesseurs. L’exploit du Mauritshuis de La Haye, qui fit presque carton plein en 1996 avec 23 tableaux, semble difficile à rééditer. D’ailleurs, au Louvre, Vermeer est bien entouré puisque l’objectif de l’exposition est de montrer qu’il ne fut non pas un génie solitaire mais un peintre attentif à l’esprit de son temps et au travail de ses collègues. Les toiles, classées par thématiques - femmes à la lettre, femmes au miroir, femmes musiciennes, etc. - mêlent les siennes à celles de Metsu, Dou, Van Mieris, etc. Le « sphinx de Delft » (expression passée à la postérité qu’employa son « redécouvreur » Thoré-Burger à la fin du XIXe siècle) s’inscrit dans un courant dont il n’est qu’un interprète - évidemment exceptionnel.
• Vermeer et les maîtres de la peinture de genre au musée du Louvre, du 22 février au 22 mai 2017.
EXPOSITIONS
Bellini and co, une paix intérieure
CONEGLIANO - L’Italie regorge de trésors cachés. Qui a jamais entendu parler de l’Accademia dei Concordi à Rovigo, ville anonyme du delta du Pô (si ce n’est les fanatiques de la soprano Katia Ricciarelli, qui en est originaire) ? Sa proximité à Venise en a fait un réceptacle inattendu du grand art de la Renaissance. La collection de l’Accademia fournit un bon point de départ pour un panorama de la production de Giovanni Bellini (1430-1516), dont on vient de fêter le 500e anniversaire de la mort. Comment lui et ses élèves, ici présents en nombre (Marco Previtali, Marco Bello, Jacopo da Valenza, etc.) ont-ils donné au paysage, aux figures saintes et même aux portraits cette espèce de grâce philosophique, de « temps suspendu » ? Dans notre quotidien perpétuellement « speedé », cette « altérité » leur donne une saveur incomparable.
• Bellini e i belliniani, au Palazzo Sarcinelli, du 25 février au 18 juin 2017.
Egon Schiele, Autoportrait tirant sur la paupière, 1910, craie, pinceau, aquarelle sur papier brun d’emballage, Albertina, Vienne.
Schiele, le centenaire
VIENNE - L’argumentaire de l’exposition le présente comme le plus grand dessinateur du XXe siècle. Même si Picasso ou Dalí peuvent trouver à redire, c’est une prétention qui n’est pas entièrement infondée. Mort jeune, à 28 ans, de la grippe espagnole, Egon Schiele a eu le temps de laisser une trace indélébile sur l’art viennois et européen. Ses dessins d’une étonnante variété - nus parfois très érotiques, portraits, paysages composés comme des marqueteries, mais aussi bouquets de fleurs ou bateaux à l’ancre - constituent les 90% de sa production. Mêlant un trait à l’acide et des zones de sfumato, une monochromie relevée de touches de couleur éclatantes, son style est immédiatement reconnaissable. C’est pour le centenaire de sa disparition que l’Albertina présente quelque 150 œuvres sur papier, essentiellement tirées de sa collection.
• Egon Schiele à l’Albertina, du 22 février au 18 juin 2017.
50 ans de Rancillac
PARIS - Esprit indépendant de la Nouvelle Figuration, Bernard Rancillac (né en 1931) décortique depuis les années soixante l’avalanche d’images que déversent les médias. A l’heure où le vrai et le faux se mélangent plus que jamais dans ce grand tourbillon, son regard décalé - ici présenté en une centaine d’œuvres - a une vertu corrosive.
• Bernard Rancillac à l’Espace Niemeyer, du 21 février au 7 juin 2017.
Koudelka, ce qu’exil veut dire
PARIS - Jamais le monde n’a connu autant d’exilés, jamais ils n’ont été aussi mal reçus. Le titre - et le contenu - de la série donnée au Centre Pompidou par le photographe nomade Joseph Koudelka (né en 1938), d’origine tchèque, un temps apatride, aujourd’hui Français, ne peut que faire réfléchir.
• Josef Koudelka, la fabrique d’exils, du 22 février au 22 mai 2017.
Bury, tout bouge
BRUXELLES - Pol Bury (1922-2005) est l’un des exposants de l’art cinétique. Il faut parfois se mettre à l’affût pour voir un imperceptible mouvement agiter ses grands tableaux de bois. Ce globe-trotter (Paris et New York où Yul Brynner laissa des photographies mémorables de son œuvres), il revient près de chez lui - il était originaire de La Louvière, entre Mons et Charleroi).
• Pol Bury, Time in Motion à Bozar, du 24 février au 4 juin 2017.
VENTES
Lot 76 : Carte manuscrite de Jules Verne réalisée en 1874 pour L'Île mystérieuse et représentant l'île Lincoln. Estimation : 100 000 - 150 000 €. Courtesy SVV Boisgirard-Antonini.
Jules Verne dans son île
PARIS - Des éditions Hetzel avec leurs reliures incomparables, des affiches de cinéma avec la star russe Ivan Mosjoukine (que Romain Gary retenait pour son père) en Michel Strogoff, une traduction en pachtoun, un globe en papier ciré : toute vente Jules Verne fait évidemment voyager. Celle-ci propose des curiosités comme le compte-rendu de l’étonnant procès intenté en 1896 par Turpin, l’inventeur de la mélinite, un explosif, contre le romancier qui l’aurait décrit en savant fou dans un ouvrage. Le clou de la vente est une carte manuscrite de l’Île mystérieuse, dessiné par Jules Verne lui-même en 1874, dans une version initiale entièrement anglaise, avec sa Washington Bay, son Franklin Mount, son Shark Gulf et sa Serpentine Peninsula… Au contraire de Victor Hugo, on connaît très peu de dessins de la main de Jules Verne et celui-ci, estimé 100 000 €, pourrait donc atteindre un prix remarquable.
• Jules Verne, le musée Weissenberg, à Drouot-Richelieu (Boisgirard-
Record pour Magritte ?
LONDRES - Alors que Rotterdam s’est donnée à Dalí, Masson et Brauner (voir notre lettre du 9 février) et que Magritte, après le Centre Pompidou, rempile au Schirn de Francfort, les commissaires-priseurs de Christie’s proposent une intéressante sélection surréaliste, avec de beaux pedigrees. Ainsi, le Max Ernst (Portrait érotique voilé) a-t-il été en possession du galeriste new-yorkais Julien Levy avant de passer entre les mains du poète Gilbert Lely, auteur d’une biographie de référence sur le marquis de Sade. Magritte lui-même devrait établir un nouveau record avec La Corde sensible, une grande huile de 1960, estimée 14 millions £.
• The Art of the Surreal chez Christie’s, le 28 février 2017.
LIVRES
Verre éternel
On l’utilise tous les jours de notre vie mais, comme pour beaucoup des choses qui nous entourent, on ne sait guère comment il est fabriqué. Sans lui, que ferait-on pour voir, avoir des maisons où entre la lumière, ou simplement trinquer ? Le verre accompagne la vie des hommes depuis l’Antiquité, comme le montre le cahier photographique qui part des Phéniciens et aboutit aux expérimentations contemporaines en passant par Murano, la Bohême, les flacons pastillés d’Iran, les gobelets allemands du XVIe siècle. Le lexique lui-même, sur une centaine de pages denses, détaille tous les mots du métier, qui pourront servir aux cruciverbistes et aux amateurs de scrabble (cive, core, cornard, cotyle…) Il montre la variété des techniques au cours des siècles (les verres assyriens de Nimroud, il y a deux mille ans, contenaient 71,5% de silice alors que les maîtres rémois ès vitraux du XIIIe siècle se contenteront de 54%). Les grandes dates (Galilée signe sa première lunette en 1605, Saint-Louis produit ses premières opalines de cristal en 1844) s’arrêtent en 1976. Au-delà, la sophistication devient incompréhensible au grand public… L’index des musées spécialisés à travers le monde oublie de mentionner l’un des plus beaux, celui de Zadar en Croatie.
• Dictionnaire du verre, par Jean-Paul van Lith, Editions Vial, 2016, 216 p., 55 €
LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE
ODY SABAN & FRANÇOIS JAUVION
23 février 2017 - PARIS - Galerie Hervé Courtaigne
Deux univers oniriques et colorés