ArtAujourdhui.Hebdo
N° 465 - du 16 mars 2017 au 22 mars 2017
Vincent van Gogh (1853-1890), Le Semeur, Arles, novembre 1888. Huile sur toile, 32,5 x 40,3 cm, Amsterdam, Van Gogh Museum © Van Gogh Museum, Amsterdam (Vincent van Gogh Foundation).
L'AIR DU TEMPS
Van Gogh et les paysages de l’esprit
PARIS - Pour sa dernière production avant de quitter le musée d’Orsay, son directeur, Guy Cogeval, grand amateur de musique et de synesthésie, s’est penché sur le thème du paysage. Pas tant le paysage concret et réaliste que le paysage mental, idéal, symbolique, que les peintres ont pu élaborer, parfois en situation de quasi transe… Des Nabis avec leurs grands arbres rouges à Georgia O’Keeffe et son Nouveau-Mexique réduit à l’essentiel, de Van Gogh et sa Nuit étoilée aux visions franciscaines de Dulac, pour finir avec les paysages martyrisés de Paul Nash ou Vallotton, ce voyage initiatique réserve des découvertes. Voici des images vigoureuses venues du Nord avec les Canadiens du Groupe des Sept ou le Danois Willumsen (et son étonnant tableau sculpté) aussi bien que du Sud, avec les lumières fortes des Italiens Morbelli, Casorati et Pellizza da Volpedo. Le finale nous porte en musique vers le cosmos, là où tournoient indéfiniment les âmes des morts…
• Au-delà des étoiles, le paysage mystique au musée d’Orsay, du 14 mars au 25 juin 2017.
EXPOSITIONS
Sebastiano del Piombo, The Raising of Lazarus, about 1517-19. Oil on canvas, transferred from wood, 381 x 289.6 cm. © The National Gallery, London
Michel-Ange et Sébastien
LONDRES - De quel Sébastien s’agit-il ? Pas du saint, mort dans les égouts après avoir survécu à la pluie de flèches, mais ce délicat peintre vénitien que les Anglais, qui lui sont affectionnés, continuent d’appeler par son prénom. Sebastiano del Piombo (1485-1547) fut un grand ami de Michel-Ange, avec qui il collabora sur plusieurs projets, dont la genèse est ici résumée. L’un d’eux fait partie depuis 1824 des chefs-d’œuvre de la National Gallery : la Résurrection de Lazare. Commandé par un Médicis, futur pape Clément VII, pour la cathédrale de Narbonne dont il était archevêque, il fut cédé en 1722 au régent, Philippe d’Orléans, quand celui-ci finança des travaux dans la cathédrale. Dans la tourmente révolutionnaire, quand la collection échoua à Londres, un puissant personnage né à Saint-Pétersbourg, John Julius Angerstein, l’un des patrons de la compagnie Lloyd’s, l’acquit. L’histoire de l’art rejoint ici l’histoire tout court : elle n’est souvent qu’un résumé des soubresauts de l’Europe…
• Michelangelo & Sebastiano à la National Gallery, du 15 mars au 25 juin 2017.
Miloslav Dvořák, Le Golem et Rabbi Loew près de Prague, 1951, huile sur toile, 244 x 202 cm, Prague, Židovské Muzeum © Jaroslav Horejc – heirs, 2017.
Increvable Golem
PARIS - Prenez un peu de terre, façonnez-la et mettez-lui dans la bouche le nom de Dieu. Alors, elle se mettra en mouvement et vous obéira aveuglément. Telle est la recette du Golem, un être déjà mentionné il y a plus de deux millénaires dans l’Ancien Testament et remis au goût du jour par des écrivains tel Gustav Meyrink, qui l’acclimata il y a cent ans dans la Prague hébraïque, si propice aux mystères ésotérique. L’exposition retrace la saga du préhistorique robot, qui ne cesse d’inspirer les créateurs d’images fixes ou mobiles - parmi lesquels des contemporains comme Garouste ou Amos Gitaï qui féminise le Golem en lui donnant les traits d’Annie Lennox. Digne héritière des essais expressionnistes de Paul Wegener, la compagnie britannique 1927 a produit un joyau de pièce - sobrement intitulé Golem avec un remarquable travail graphique, que l’on ne se lasse pas de revoir sur un écran, trop petit…
• Golem ! Avatars d’une légende d’argile au musée d’art et d’histoire du Judaïsme, du 8 mars au 16 juillet 2017.
L'ŒUVRE DE LA SEMAINE
Leopold et Rudolf Blaschka, Rudbeckia hirta Linn., 1900, verre, 8 x 50 x 25 cm, Cambridge (Massachusetts), États-Unis, Harvard Museum of Natural History, Harvard University, The Ware Collection of Blaschka Glass Models of Plants. Photo Natalja Kent © President and Fellows of Harvard College.
Une si fragile fleur de verre
PARIS - Le printemps, époque de floraison, est propice aux manifestations bucoliques. Sous un titre sobre - « Jardins » - le Grand Palais remonte le fil de la représentation de la nature depuis les admirables touffes d’herbe de Dürer jusqu’aux joyeuses aquarelles de Lionel Estève. Tableaux, herbiers, plans de parcs à la française, installations (dont une jolie Grotta Azzurra d’Othoniel) voisinent avec des objets étonnants. Les plus surprenants ? Une paire de fleurs des Blashka père et fils. Ces artisans verriers de Dresde - Leopold (1822-1895) et Rudolf (1857-1939) - avaient des doigts de fée et pouvaient tirer de leurs tubes de telles formes qu’elles en justifient l’adage : la nature imite l’art ! Même en collant l’œil à la vitrine qui l’abrite, on ne peut concevoir que cette Rudbeckia hirta (rudbeckie hérissée en français ou, plus joliment en anglais, « Black-eyed Susan », c’est-à-dire Suzanne aux yeux noirs) soit de verre. Le premier directeur du musée de Harvard, George Goodale, avait vu juste en commandant en 1886 aux Blashka une série colossale de plantes, algues et champignons pour servir à l’enseignement. A sa conclusion, en 1936, elle comptait 4300 modèles différents ! Les chanceux iront admirer ces 780 espèces différentes à Harvard dans leurs élégantes vitrines de bois ciré, restaurées en 2016. Pour les autres, en voici un avant-goût…
• Jardins au Grand Palais, du 15 mars au 24 juillet 2017.
VENTES
Lot 226, Willem Röntgen, radiographie de la main gauche à la bague et au bracelet Rontgenogramme, épreuve arystotype d'époque, vers 1895, 215 x 160 mm Estimation : 400-600 €
Jeux de mains
PARIS - Notre main et son pouce opposable, l’un des secrets de notre domination de l’univers qui nous entoure… Elle mérite bien qu’on se prenne de passion pour elle : c’est ce qu’a fait au plan professionnel le chirurgien Régis Lisfranc, l’un des fondateurs de l’Institut français de chirurgie de la main. L’intérêt s’est prolongé au temps libre puisque le docteur a accumulé en 35 ans une collection de mains dessinées, peintes, sculptées dans le bois ou la cire, provenant de sarcophages égyptiens ou de statues romaines. Ici une étonnante pince à toasts en bois fruitier, là une main de lecture pour la Torah, plus loin une encre de Léopold Survage, un crayon de Bellmer intitulé Caresse intime, un autoportrait aux mains difformes de Topor ou, encore plus étonnant, la radiographie d’une main baguée. C’est celle de l’épouse du Dr Röntgen, l’inventeur des rayons X, la seule qui osa poser sa belle main sur la plaque…
Collection du Dr Lisfranc à Drouot-Richelieu (Binoche & Giquello) le 20 mars 2017.
LIVRES
Rodin-Kiefer, passage de témoin
PARIS - Il peut être séduisant de rapprocher des artistes par-delà les époques ou les genres, voir les résonances que cela procure. On se souvient de Van Gogh-Artaud, convaincant, ou de . A l’approche du centenaire de la mort de Rodin, c’est à Anselm Kiefer, l’un des ténors de l’art contemporain qu’il a été demandé de se mesurer à celui qu’il appelle « promeneur entre les mondes ». Si l’exposition laisse une impression parfois mitigée puisque les œuvres de chaque artiste de sont pas mises en vis-à-vis mais exposées dans des espaces différents, le catalogue, en revanche, joue à fond l’effet d’écho, de résonance. Ainsi, lorsque Kiefer s’empare du thème a priori très nationaliste des cathédrales de France et choisit de le marier à cette autre architecture - érotique - celui de la femme, sous une forme qui les est familière, sur d’énormes livres de plâtre… La question de l’atelier, centrale pour les deux hommes, est également abordée avec des images impressionnantes des espaces de Croissy et de Bajarc, qui soulignent chez Kiefer le même rôle de laboratoire qu’il a pu avoir chez Rodin. Dans une époque aux tensions identitaires primaires, dans une Europe qui semble avoir le souhait suicidaire de se désagréger, les essais méritent d’être lus. Dans un dialogue, Kiefer a cette phrase lumineuse, à méditer : « C’est en France que je suis devenu allemand ». L’exposition est présentée au musée Rodin jusqu’au 22 octobre 2017. Elle ira ensuite à la Barnes Foundation de Philadelphie.
•Kiefer Rodin, Gallimard, 2017, 288 p., 35 €.
LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE
IZABELLA ORTIZ
21 mars 2017 - PARIS - Galerie Polysémie
Une peinture qui évoque les efflorescences des fonds marins
EN BREF
BRUXELLES - La foire Eurantica a lieu du 18 au 26 mars 2017.
LIÈGE - La Biennale de la Gravure a lieu du 17 mars au 14 mai 2017.
LYON - Le musée Jean Couty, consacré au peintre de l’école lyonnaise (1907-1991), est inauguré le 17 mars 2017.
NEW YORK - La Whitney Biennial a lieu du 17 mars au 11 juin 2017.
PARIS - Le peintre Henri Cueco, est décédé à l'âge de 87 ans le 13 mars 2017.