ArtAujourdhui.Hebdo
N° 477 - du 8 juin 2017 au 14 juin 2017
Piet Mondrian, Victory Boogie Woogie, 1942-1944, huile sur toile, ruban, papier, charbon de bois et crayon sur toile, 127,5 x 127,5 cm. Prêt de la fondation du patrimoine culturel des Pays-Bas/Ministère de la Culture, de l’Education et des Sciences.
L'AIR DU TEMPS
Mondrian, l’expo du siècle
LA HAYE - A première vue, le musée (l’imprononçable Gemeentemuseum, ou musée municipal) n’a pas grand mérite : il a simplement fait un peu de place dans ses superbes salles Art déco pour présenter sa collection de Mondrian. Il se trouve que celle-ci, grâce aux rapports noués dans les années 1960 par le directeur Louis Wijsenbeek avec Salomon Slijper, grand ami et collectionneur de l’artiste, est la plus importante au monde. Elle compte quelque 300 œuvres - soit un quart du corpus de Mondrian (1872-1944), de ses paysages des années 1890 jusqu’à 1944 et sa toute dernière œuvre, le mythique Victory Boogie Woogie, acheté par l’Etat néerlandais en 1998). En réalité, la rétrospective n’a pas juste consisté en un accrochage colossal pour fêter le centenaire du mouvement De Stijl. Elle s’est accompagnée d’un véritable chantier des collections de près d’une décennie (2008-2015). Chaque pièce a été examinée, nettoyée, parfois restaurée de manière approfondie. Ces chiffres impressionnants ne seraient rien s’ils ne faisaient avancer la recherche. On a vu apparaître des motifs disparus, par exemple tout un corps de ferme sur une vue de la campagne en 1906. Surtout, les spécialistes ont pu modifier l’image d’un artiste rationnel et, froid, une sorte de Batave calculateur qui aurait peint comme on fait des équations. En fait, Mondrian, qui aimait picoler et danser le jazz, était plein de doutes. Les restaurateurs ont noté d’infinis repentirs sur les tableaux abstraits, qui ont fait sa réputation à partir de 1911 - des lignes sans cesse retravaillées et modifiées. En s’approchant du Boogie Woogie, on visualise cette valse-hésitation permanente. La surface est couverte de petits bouts de scotch de couleur (jusqu’à quatorze épaisseurs !) que Mondrian déplaçait sans cesse pour trouver la bonne formule. Après deux ans de travail, au moment de sa mort, il n’était toujours pas arrivé au but : la toile est restée inachevée…
• The Discovery of Mondrian au Gemeentemuseum en Haag, du 3 juin au 24 septembre 2017.
EXPOSITIONS
Henri Laurens, Le Drapeau, 1939-1967, bronze, collection du Centre Pompidou, MNAM/CCI, Paris, donation Claude Laurens, 1967.
Laurens-Braque, une amitié
SAINT-TROPEZ - On a beaucoup glosé sur l’amitié entre Braque et Picasso, qui ne fut pas exempte de jalousie (l’anecdote du gigot brûlé chez les Braque, que rapporte Françoise Gilot, est emblématique). On a beaucoup moins parlé de l’amitié entre Braque et Henri Laurens, moins médiatique car ce dernier ne bénéficie pas de la même cote que l’illustre Andalou… Elle pourtant a duré presque aussi longtemps, de 1911 jusqu’à la mort de Laurens en 1954 et a été un continuel dialogue entre Braque et le « sculpteur silencieux », passé des papiers collés aux rondes-bosses cubistes jusqu’à une figuration tout en courbes. La discrétion légendaire de Laurens n’a pas permis à son talent d’obtenir la reconnaissance que lui accordaient ses pairs : en 1950, Matisse, scandalisé qu’il ne reçoive pas le prix de sculpture à la biennale de Venise, partagea avec lui son propre prix de peinture…
• Braque-Laurens, quarante années d’amitié au musée de l’Annonciade, du 10 juin au 8 octobre 2017.
Alfred Sisley, Sous le pont de Hampton Court, 1874, huile sur toile, 50 x 76 cm. Kunstmuseum Winterthur. Don du Dr Herbert et Charlotte Wolfer-de Armas, 1973 © Schweizerisches Institut für Kunstwissenschaft, Zürich, Lutz Hartmann
Sisley, paysagiste en chef
AIX-EN-PROVENCE - Après Pissarro, qui a été gratifié de plusieurs expositions cet hiver, c’est un autre impressionniste majeur - bien qu’un ton en-dessous des célébrissimes Renoir et Monet - qui est célébré. Alfred Sisley (1839-1899) en est venu à symboliser la peinture impressionniste la plus pure, la plus fidèle, celle qui ne s’est jamais écartée du thème majeur, le paysage, rendu avec une savante division des tons. Un paysage qui s’est presque exclusivement incarné dans la vallée de la Seine - à Louveciennes, à Bougival, à Port-Marly, à Moret-sur-Loing, à Saint-Mammès. Et pourtant Sisley était anglais ! Fils d’un négociant qui aurait aimé le voir suivre le même chemin, il ne fut jamais naturalisé français, pas même dans ses derniers mois lorsque, connu, célébré, il se mourait d’un cancer de la gorge…
• Sisley l’impressionniste à l’hôtel de Caumont, du 10 juin au 15 octobre 2017
Tout Frank Lloyd Wright
NEW YORK - Un architecte dure par son œuvre bâti mais aussi par tout ce qui l’entoure : maquettes, dessins, photos, films, meubles, textiles… Dans le cas de Frank Lloyd Wright (1867-1959), ce matériau est colossal et fait l’objet d’une exposition en 12 sections, qui couvrent six décennies de sa carrière, des années 1890 (époque de la Charnley House) aux années 1950 (décennie du Guggenheim Museum).
• Frank Lloyd Wright at 150: Unpacking the Archive au MoMA, du 12 juin au 1er octobre 2017.
VENTES
Lot 430 : Lanvin. Robes de soirées noires et blanches, trois dessins. Ici, Araignée du soir, mine de plomb, encre de Chine, gouache titrée sur papier coloré orangé, datée Hiver 1927-28. Haut. 48, Larg. 31,9 cm. Estimation : 1 000 € - 1 500 €
Entre Micral-N et Camille Claudel
ARTIGNY - Les Garden Parties de la maison Rouillac en sont à la 29e édition. On a vu autrefois des rockstars y arriver en hélicoptère ou des musées américains se battre pour des portraits historiques de Washington, le père de la patrie. L’esprit de mixité, de cabinet de curiosités y est porté à son paroxysme. Cette année, y sont ainsi présentés côté à côte le Micral-N, machine française pionnière de 1974, considérée par Steve Wozniak, le cofondateur d’Apple, comme le premier ordinateur à base de microprocesseurs, et des gouaches des années 1920 de la maison Jeanne Lanvin. Mais aussi une Vierge sculptée du XVIIe siècle, provenant de l’abbaye normande du Breuil-Benoît, un pastel de Rosalba Carriera, un parchemin d’Anne de Bretagne avec son grand sceau de deuil, un « traîneau de glace » du prince de Mérode, des aquarelles des ports de France par Signac, ou - un des clous de la vente -, une épreuve de la Valse de Camille Claudel récemment retrouvée.
• Vente Garden Party les 11 et 12 juin 2017 au château d’Artigny (Indre-et-Loire) par Rouillac.
Baldus, faux-monnayeur ?
PARIS - Son nom est lié à la Mission héliographique, entreprise pionnière de photographie collective qui laissa une image de la France monumentale des années 1850. A côté de Le Gray, Bayard et Le Secq, Edouard Baldus (1813-1889) en fut l’un des acteurs, notamment en Bourgogne. Plus tard, il produisit des séries mémorables sur le Louvre ou sur la reconstruction de l’Hôtel de Ville de Paris, après son incendie sous la Commune. La redécouverte récente de 84 plaques de photogravure jusque-là inconnues (estimations à partir de 200 €) confirme l’intérêt de Baldus pour cette technique et sa virtuosité, notamment dans l’obtention des demi-teintes. Elle semble corroborer un épisode mystérieux de sa jeunesse. Lui qui gardait le secret sur ses origines allemandes et prétendait avoir été photographe itinérant en Amérique aurait en réalité fait l’objet d’un avis de recherche à Cologne en 1835 pour fabrication de fausse monnaie (passible de la peine de mort) et aurait fui précipitamment son pays. Une destinée romanesque pas incompatible avec sa maîtrise admirable de la technique de la gravure…
• Vente Baldus, à Drouot-Richelieu le 16 juin 2017 (Copages Auctions)
LIVRES
Rostand, passion basque
La gloire à 29 ans avec Cyrano de Bergerac. L’Académie française à 33 ans. Puis, soudain, rien, le quasi silence pendant six ans (1904-1910). Que se passe-t-il ? Une panne d’inspiration ? Non, Edmond Rostand (1868-1918) est toujours aussi occupé mais il travaille au chef-d’œuvre de sa vie : la villa Arnaga, à Cambo-les-Bains, au Pays basque. Il la concevra ainsi que ses magnifiques jardins, supervisant son organisation intérieure ainsi que les plus minimes détails mobiliers. Ces souvenirs, écrits par un admirateur devenu ami, racontent sur un ton spirituel la vie de l’auteur de théâtre le plus joué en France, ses liens avec Sarah Bernhard, Constant Coquelin ou son propre fils, le futur biologiste Jean Rostand. Mais ils sont particulièrement justes dans la description de cette œuvre totale que fut sa maison basque posée au milieu d’un étonnant parc à la française. Le biographe en savait quelque chose : Paul Faure en deviendra lui-même, bien plus tard - en 1962, à 86 ans ! - conservateur lorsque la Villa Arnaga sera rachetée par la ville et deviendra musée municipal.
• Vingt ans d’intimité avec Edmond Rostand, par Paul Faure, Atlantica, 2016, 240 p., 17 €.
EN BREF
KASSEL - La 14e documenta, qui a débuté à Athènes le 8 avril, se poursuit à Kassel, son berceau historique, du 10 juin au 17 septembre 2017.
LYON - La Biennale d’architecture de Lyon a lieu du 8 juin au 9 juillet 2017.
MÜNSTER - Le Skulptur Projekte, une manifestation de sculpture qui a lieu tous les 10 ans depuis 1987, tient sa 4e édition du 10 juin au 1er octobre 2017.
PARIS - Le musée Dapper, consacré à l'art africain, ferme définitivement ses portes le 18 juin 2017.
VILNIUS - La foire d'art contemporain Art Vilnius a lieu du 8 au 11 juin 2017.
LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE
FRED STEIN, PARIS-NEW YORK
10 juin 2010 - GENTILLY - Maison de la photographie Robert Doisneau
Un photographe trop peu connu (1909-1967), excellent portraitiste, né à Berlin et qui échappa deux fois au nazisme