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N° 483 - du 14 septembre 2017 au 20 septembre 2017


Paul Gauguin, Portrait d’une jeune fille, Vaïte (Jeanne) Goupil, 1896, huile sur toile, 75 × 65 cm. Coll. Ordrupgaard, Copenhague © Ordrupgaard, Copenhague/Photo Anders Sune Berg

L'AIR DU TEMPS

Une caverne d'Ali Baba impressionniste au Danemark

PARIS - Le musée Jacquemart-André a développé un savoir-faire particulier dans la présentation de collections privées étrangères. Il est en cela fidèle à l’esprit des lieux : le superbe hôtel particulier du boulevard Haussmann a été meublé et décoré avec passion par le couple Edouard André et Nélie Jacquemart, qui bourlinguaient à travers l’Europe pour y dénicher leurs trésors. Après la collection Roberto Longhi de Florence ou celle d’Alicia Koplowitz venue d’Espagne, voici un fonds tout aussi méconnu, consacré à la peinture française du XIXe siècle. Rassemblé par un magnat danois de l’assurance, Wilhelm Hansen, en un temps record (1916-1918), il compte quelques joyaux de l’impressionnisme : des Monet, Sisley, Pissarro, paysages humides d’Ile-de-France ou marines de Normandie, mais aussi un surprenant Courbet - une scène de chasse en Franche-Comté, où deux biches terrorisées fuient sur la neige scintillante. On pourra certes admirer les Baigneuses de Cézanne, mais le segment le plus impressionnant est celui consacré à Gauguin avec plusieurs toiles dont les Arbres bleus ou le perspicace portrait de Jeanne Goupil, une jeune Française de Papeete dont le père était un notable local. Outre la qualité des tableaux, l’exposition vaut pour l’histoire individuelle qu’elle raconte : Wilhelm Hansen (avec son épouse), après leur succès éclatant, ont été touchés de plein fouet par la faillite d’une grande banque danoise en 1923. Ils ont vendu pour éponger les dettes puis ont reconstitué un ensemble d’une qualité quasiment égale, qui fut plus tard légué à l’Etat avec le joli manoir d’Ordrupgaard qui l’abrite. Cette résistance face à l’adversité, cette ténacité, cette obsession sont la marque des vrais collectionneurs.
Le Jardin secret des Hansen au musée Jacquemart-André, du 15 septembre 2017 au 22 janvier 2018.

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IN MEMORIAM


© Philippe Castano

Jacques Dodeman, 1925-2017

Jacques Dodeman est décédé le dernier jour du mois d’août. Dans une carrière longue et bien remplie, il a notamment été le fondateur d’artaujourdhui.info. C’est en septembre 2001 qu'il se lançait avec une fougue et un enthousiasme juvéniles dans cette nouvelle aventure. Il avait 76 ans. A une époque où la politique numérique des musées était balbutiante, il faisait le pari d’un site quotidien d’information sur l’art, avec un agenda listant des milliers d’expositions à travers le monde, grâce à des bases de données alimentées par cinq archivistes à temps plein. Le goût de l’innovation et des nouvelles technologies était chez lui bien chevillé : il est à l’origine de l’actuelle base Electre de l’édition française, qui recense tous les livres disponibles et dont il développa la première version dans les années 70 sur les gros ordinateurs de l’Ecole des Mines. Il eut aussi une activité notable dans les microfiches, s’attelant à la miniaturisation et à la conservation des quatre cents dictionnaires de langue française ou de l’édition intégrale du journal Le Monde. Ce ne sont là que quelques moments choisis d’une vie à vrai dire romanesque (il aurait sans doute récusé le terme) qu’il a racontée en 2014 dans Mémoires de papier. Souvenirs d’un commis voyageur en culture française. Y trouvent place aussi bien ses longues responsabilités au sein d’Hachette (de 1950 à 1970) que la fondation du magazine Stratégies puis du Journal des Arts, ainsi que la production de films primés à Cannes (sur l’enseignement du français) ou une collaboration avec le fromager Androuet pour des fiches cuisine… Sur celui qui, encore adolescent, participa à des réseaux de résistance à Toulouse, fut l’un des premiers Français à remettre pied à Hanoï en 1955 après la guerre d’Indochine (pour y diffuser des manuels scolaires), ravit Philippe Soupault avec une bouteille de gros rouge ou croisa Nat King Cole lors d’un cyclone hawaïen, on pourrait multiplier les anecdotes, sérieuses ou moins. Pour ceux qui l’ont connu et qui regrettent sa disparition, dont nous sommes, il laisse le souvenir d’un homme de caractère et d’intuition, précurseur, curieux, inventif, cultivé. Le plaisir d’avoir partagé avec lui l’aventure d’artaujourdhui.info, où il est resté impliqué jusqu’à ses dernières années, se double d’une responsabilité : assurer la continuité d’un site désormais âgé de 16 ans. Un « sweet little sixteen » dont la nature exhaustive a disparu et qui entend plutôt, dans la déferlante actuelle de l’information, proposer un regard lucide, sélectif et ouvert sur le monde. Une vision un peu détachée et cosmopolite, qui pourrait être celle de « l’honnête homme » de notre temps. Que fut Jacques Dodeman, sans aucun doute.
• Jacques Dodeman, né le 5 février 1925 à Lamotte-Beuvron, est décédé le 31 août 2017 à Paris.

NOUS RECOMMANDONS CES EXPOSITIONS


Fibula en forme de disque, or et cloisonné, Parme, Borgo della Posta. Début VIIe siècle. Parme, Complesso Monumentale della Pilotta, Museo Archeologico Nazionale.

Féroces mais raffinés : les Lombards

PAVIE - Ils ont laissé leur nom à une région et à un parti politique volontiers xénophobe mais les Lombards ont avant tout été un peuple « barbare » arrivé en Italie sur les décombres de l’Empire romain, qui s’imposa par sa brutalité militaire. Pavie, que l’on connaît chez nous plutôt pour la monumentale défaite de François Ier, a été leur capitale, d’où le pouvoir des « hommes aux longues barbes » a essaimé pour dominer l’Italie pendant deux siècles. Leur culture est évoquée par un impressionnant rassemblement de 300 objets en provenance de 80 musées du monde entier. Stèles, orfèvrerie, émaux cloisonnés, travail de la corne et de l’ivoire, armes de bronze : les productions les plus raffinées des artisans lombards sont présentes. L’exposition rend compte des découvertes les plus récentes, notamment du contenu des tombes mises au jour dans la région de Cuneo (Coni).
I Longobardi au Castello Visconteo, du 1er septembre au 3 décembre 2017.

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Le Snark. Courtesy Centre de la Vieille Charité.

Jack London, ce que l’aventure veut dire

MARSEILLE - Prononcez le nom de Jack London et voici que surgissent des visions de pêcheurs de perles dans la baie de San Francisco, d’interminables voyages sur les rails ou d’étendues bleutées du Grand Nord. L’un des projets les plus ambitieux de ce vagabond perpétuel fut son voyage dans le Pacifique. Il l’effectua en 1907-1909, quand il avait atteint la quarantaine sur un voilier spécialement conçu (le Snark) et qui lui permit de toucher Hawaï, les Marquises, les Salomon. Ce besoin viscéral d’évasion et de découverte (qui rappelle celui de Gauguin quelques années plus tôt) est ici remis en scène avec une série de pièces (instruments de marine, photos, masques, coiffes et boucliers) provenant de collections européennes et surtout américaines.
Jack London, dans les mers du Sud, à la Vieille Charité, du 8 septembre 2017 au 7 janvier 2018.

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Bruegel l'Ancien, Le Peintre et l'Acheteur, vers 1565 © Musée de l'Albertina, Vienne.

Bruegel, la vie dans les détails

VIENNE - Le printemps et l’été en même temps ? Nous nous en réjouissons quand un mois de mai est anormalement chaud… Ici, à l’Albertina, cette conjonction concerne deux dessins de Bruegel rarement montrés en ensemble, qui comptent parmi ses plus beaux et ses derniers. Piochant dans sa très riche collection, l’agrémentant de quelques prêts, le musée montre la virtuosité de l’artiste en tant que dessinateur : il faut se plonger dans ses scènes de groupe - une kermesse, l’atelier d’un alchimiste, des écoliers dissipés - pour en explorer les détails truculents. Le grotesque, l’anormal, le tordu ont toujours plu à l’homme…
Bruegel. Drawing the World à l’Albertina, du 8 septembre au 3 décembre 2017.

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LIVRES

Que reste-t-il de la peinture ?

La rentrée est une période idéale de bilan, de remise à niveau. Face à l’agenda très chargé des nouvelles expositions, presque aussi riche que celui des nouveaux romans, on peut se poser la question de la nature de la peinture. Existe-t-elle encore alors qu’on a annoncé sa déchéance face aux nouveaux médias et aux performances ? Le figuratif moribond est-il en train de renaître ? Qu’en est-il de la technique matérielle et de la capacité d’imiter le réel, louées par les anciens ? Dans ce « best of » de la jeune peinture mondiale (ce qui n’empêche pas d’inclure des aînés comme Etel Adnan ou Peter Dreher), ce sont clairement les Chinois qui prennent le relais du réalisme. La minutie avec laquelle Yuan Yuan ressuscite des intérieurs regorgeant de reflets et de dorures évoque les raffinements évanouis du XVIIIe siècle. Les préoccupations politiques et sociales ne semblent pas omniprésentes mais leur traitement est assez élaboré, qu’il s’agisse d’une réflexion sur la situation postcoloniale chez Meleko Mokgosi (Botswana) ou des portraits d’Eder Oliveira sur les murs de villes amazoniennes, qui soulèvent la question du racisme de classe. La variété des sources d’inspiration, des supports (Donald Moffett utilise du coton, des tubes en acier, des seaux galvanisés), des manières (l’abstrait, le géométrique, l’introspection gardent évidemment leurs adeptes) est stimulante. On conclut sans hésitation : peinture pas morte ! Dommage que les notices soient écrites en caractères microscopiques, malcommodes pour les yeux des vieux amateurs…
Vitamine P3. Nouvelles perspectives en peinture, ouvrage collectif, Phaidon, 2017, 352 p., 59,95 €.

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LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE


COLLISIONS

19 septembre 2017 - PARIS - Galerie Catherine Putman

Hybridations dans l'art contemporain

Notre sélection de nouvelles expositions

BRÈVES

BERLIN - Le Berlin Art Week a lieu jusqu’au 17 September 2017.

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EUROPE - Les Journées du patrimoine ont lieu les 16 et 17 septembre 2017.

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PARIS - La Biennale des antiquaires a lieu au Grand Palais jusqu’au 17 septembre 2017.

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PARIS - La 2e Biennale des photographes du monde arabe contemporain a ouvert le 13 septembre 2017.

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PARIS - Le Parcours des mondes a lieu jusqu’au 17 septembre 2017.

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