ArtAujourdhui.Hebdo
N° 488 - du 19 octobre 2017 au 25 octobre 2017
Pablo Picasso, Le Rêve, 1932, huile sur toile. Collection privée de Steven Cohen © Christie’s Images / Bridgeman Images © Succession Picasso 2017
L'AIR DU TEMPS
1932, une année érotique dans la vie de Picasso
PARIS - Serge Gainsbourg avait choisi un autre millésime… Pour Picasso, selon les commissaires de l’exposition actuellement présentée à son musée parisien, c’est 1932 qui fut année érotique entre toutes. Leur démonstration ne manque pas d’arguments. Dans la production du maître qui vient de dépasser le demi-siècle - mais qui se sent combien jeune et vigoureux ! - abondent les images cachée, subliminales, comme ce phallus qui apparaît au-dessus du visage lisse de Marie-Thérèse (le Rêve). Sa jeune égérie, rencontrée en 1927, lui inspire des œuvres sensuelles. Mais l’année 1932 fut un tournant pour d’autres raisons. Si Picasso a marqué le monde de l’art depuis les années 1900, c’est en 1932 qu’il accède réellement au statut de maître incontournable. Christian Zervos commence la publication de son monumental catalogue raisonné et - consécration encore plus symbolique - Picasso entre dans le Petit Larousse. Deux institutions de premier ordre, les galeries Georges Petit à Paris (à partir du 16 juin 1932) et le Kunsthaus à Zurich (à partir du 11 septembre), lui consacrent une rétrospective en près de 200 œuvres. Aujourd’hui encore, les statistiques montrent que deux des quatre tableaux les plus chers de Picasso datent de cette même année 1932, qui est celle du Rêve, de la Lecture mais aussi de Femme au fauteuil rouge et d’une longue série de Crucifixions. Le déroulé de l’accrochage mois par mois permet de suivre Picasso dans une vie qui mêle concerts de Poulenc, projection de films (Les Cyclades de Vitrac), galas de boxe (le 29 février !), visites au salon de l’Automobile ou nuitées dans les palaces suisses…
• Picasso 1932. Année érotique au musée Picasso, du 10 octobre 2017 au 11 février 2018.
D'AUTRES EXPOS PICASSO
Michel Cot, Profils de Pablo Picasso et de Maya près de la sculpture “Tête de femme (Dora Maar)” sur le tournage du "Mystère Picasso” par Henri-Georges Clouzot, studios de la Victorine, Nice, juin 1955. © Succession Picasso 2017 © Photo © RMN-Grand Palais (musée national Picasso - Paris) / image RMN-GP
Dans la famille Picasso… Maya
PARIS - L’amour de Picasso pour Marie-Thérèse, parallèle au désamour croissant pour son épouse Olga, débouche le 5 septembre 1935 sur la naissance de María de la Concepción, renommée Maya en raison de la difficulté de la petite à prononcer son nom… Des quatre enfants de Picasso, c’est probablement celui avec lequel l’artiste nouera le lien le plus fort et le plus durable. L’exposition montre les nombreux dessins que cette fillette vivace lui inspire pendant ses premières années. Lorsque la fascination pour le sujet faiblit - à l’approche de l’adolescence - c’est une autre forme de complicité qui s’établit. Maya accompagne son père aux corridas et dans ses voyages (par exemple à Perpignan), mais joue également un rôle pacificateur dans les tensions avec sa compagne Françoise Gilot, mère de deux autres enfants. Son rôle déborde la seule sphère familiale : Maya lui sert véritablement d’assistante lors du tournage éprouvant du Mystère Picasso par Clouzot, aux studios de la Victorine à Nice, à l’été 1955, ou gère les allées et venues du photographe Edward Quinn, qui laissera certaines des plus belles images du peintre. Bon sang ne saurait mentir : c’est Diana Widmaier-Picasso, elle-même fille de Maya et petite-fille de Picasso, qui assure le commissariat de l’exposition. Si elle n’a pas connu son grand-père, mort un an avant sa naissance, elle a évidemment puisé aux meilleures sources.
• Picasso et Maya, à la galerie Gagosian, du 19 octobre 2017 au 22 décembre 2017.
A gauche : Henri de Toulouse-Lautrec, En cabinet particulier (au Rat Mort), vers 1899, huile sur toile, 55,1 x 46 cm, The Courtauld Gallery, Londres A droite : Pablo Picasso, L’Attente (Margot), 1901, huile sur carton, 68,5 x 56 cm, Museu Picasso, Barcelone. Succession Pablo Picasso/VEGAP, Madrid, 2017
Picasso tendance Lautrec
MADRID - Lorsque Picasso arrive à Paris, en octobre 1900, il est fasciné par Toulouse-Lautrec, qui n’a plus qu’un an à vivre de sa courte vie (il meurt à 37 ans, Picasso lui survivra 72 ans). Les deux hommes, voisins à Montmartre, ne se sont pas rencontrés, mais l’influence du champion du Moulin-Rouge perdurera longtemps dans les portraits, les nus, les scènes de prostitution de Picasso. La centaine d’œuvres présentées montre que la communauté d’intérêt ne se limite pas à quelques thématiques partagées mais qu’elle a des racines plus profondes. On la note dans le goût obsessionnel pour le dessin, dans l’empathie pour les bas-fonds, dans la construction de quelques archétypes - la buveuse, l’acrobate, l’arlequin. Elle est éclairée par d’intéressants mano a mano, qui montrent comment leurs œuvres se répondent à quelques mois d’intervalle comme dans En cabinet particulier (au Rat mort) de Toulouse-Lautrec (1899) et L’Attente (Margot) de Picasso (1901), deux portraits de femmes libres.
• Picasso-Lautrec au musée Thyssen-Bornemisza, du 17 octobre 2017 au 21 janvier 2018.
LIVRES
Millet, star déchue
En 1889, une tournée attire les foules aux Etats-Unis. Dans chaque ville où elle passe, des dizaines de milliers de personnes suivent le convoi. Buffalo Bill ? Une star du music-hall ? Le dernier chef indien ou le vainqueur de la guerre de Sécession ? Non, un seul tableau, le plus célèbre du monde à l’époque : l’Angélus de Millet, qu’une réunion d’amateurs américains venait d’arracher à la France pour la somme mirifique de 553 000 francs. Quelques années plus tard, Chauchard, le propriétaire des magasins du Louvre, le rachète pour 800 000 francs, l’équivalent de plusieurs millions d’euros actuels - une acquisition alors saluée comme un geste patriotique. Aujourd’hui, Jean-François Millet (1814-1875) est bien négligé (sa dernière grande rétrospective en France remonte à 1973). Seul ce tableau est resté une icône mais une nouvelle exposition à Lille (au Palais des Beaux-Arts, jusqu’au 22 janvier 2018) se propose de gratter la croûte de l’oubli pour rappeler l’extraordinaire accueil qu’eut ce peintre de la vie paysanne. C’est un original catalogue qui s’en charge, au format carré, composé de deux volumes accolés sous une même couverture. Le premier parcourt la carrière du peintre du Cotentin - ses autoportraits, ses quelques nus mais surtout ses Glaneuses, ses Scieurs, ses Bergères, ses Gardeuses d’oies et ses Vanneurs, éparpillés à travers le monde, de Cincinnati à Cardiff, de Tokyo à Williamstown. Le second rappelle son étonnante postérité en Amérique, qui n’est pas révolue, son influence sur la peinture (Edward Hopper), la photographie documentaire (Lewis Hine, Dorothea Lange, Walker Evans) et, surtout, sur le cinéma : Roman Polanski, Gus van San et Terence Malick en sont amateurs et s’en inspirent ouvertement. Un artiste français contemporain de Millet, Jules Breton, donna une explication lumineuse à son aura : « Il peut avec un champ rugueux où repose une charrue, où se hérissent quelques grêles chardons, avec deux ou trois tons et une facture maladroite et laineuse, il peut remuer le fin fond de l’âme et chanter l’infini. » Un bémol à cette utile mise à jour : l’événement fondateur de 1889 est à peine esquissé…
• Millet, Réunion des musées nationaux, 2017, 256 p., 35 €.
EN BREF
BRUXELLES et Belgique - Le festival biennal Europalia, dédié à l'Indonésie, a lieu du 10 octobre 2017 au 21 janvier 2018.
PARIS - La FIAC a lieu au Grand Palais du 19 au 22 octobre 2017.
PARIS - L’Outsider Art Fair a lieu à l’hôtel du Duc du 19 au 22 octobre 2017.
PARIS - Le salon Art Elysées a lieu sur les Champs-Elysées du 19 au 23 octobre 2017.
PARIS - Le salon YIA a lieu au Carreau du Temple du 19 au 22 octobre 2017.
PARIS - L’Institut suédois rouvre le 21 octobre 2017.
ST IVES - La Tate St Ives rouvre le 14 octobre 2017 après quatre de travaux d'extension.
LES VERNISSAGES DE LA SEMAINE
De la collection des amis
21 octobre 2017 - GAND - S.M.A.K.
Le S.M.A.K. fête le 60e anniversaire de l'assocation des amis du musée (Piano d'Andreas Slominski, photo Dirk Pauwels)