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N° 550 - du 1 avril 2019 au 18 avril 2019


Henri II, huile sur panneau cintré vers le haut, postérieurement agrandi et mis au rectangle, vers 1555. Musée Crozatier, Le Puy-en-Velay.

L'AIR DU TEMPS

Henri II, mort en tournoi, père de 3 rois et de 2 reines

SAINT-GERMAIN-EN-LAYE - Alors que Léonard de Vinci s’éteignait, le 2 mai 1519, le roi François Ier n’était sans doute pas au Clos-Lucé, comme le veut la légende, prenant dans ses bras le génie italien. Il était plutôt à Saint-Germain-en-Laye pour assister au baptême de son fils Henri, né deux mois plus tôt. Celui-ci, le futur Henri II, méritait bien aussi son 500e anniversaire ! Il est fêté en sourdine, avec cette exposition en point d’orgue dans son château natal - car qui se souvient vraiment de lui aujourd’hui ? Il a pourtant joué un rôle au moins aussi important que Léonard dans la marche de la France et de l’Europe… Outre sa mort dramatique – dans un tournoi organisé dans Paris surchauffé, ce monarque athlétique est blessé à l’œil et agonise pendant dix jours malgré les soins prodigués par Ambroise Paré et André Vésale – son héritage familial est impressionnant. Descendent de lui trois rois au destin tout aussi funeste : François II, mort jeune, très abruptement ; Charles IX, lié au massacre de la Saint-Barthélemy ; Henri III, devenu roi de Pologne, puis de France, assassiné par le moine fanatique Jacques Clément. Sans compter sa sulfureuse fille Marguerite, future épouse d’Henri IV, qui passera à la postérité sous le nom de « Reine Margot », ou Elisabeth, épouse de Philippe II d'Espagne. Dans ce vrai Game of Thrones, avec sang, sexe et batailles, il faut évidemment ajouter l’ensorcelante Diane de Poitiers, sa maîtresse durable, bien qu’elle ait 20 ans de plus que lui. Pour faire revivre cette époque et cette incroyable comédie humaine, voici du métal – une superbe armure -, de la toile (avec des portraits en pied), du papier (des plans d’architecture), des émaux limousins mais aussi des objets de la vie quotidienne : sceaux, quittances de frais, écus, médailles, bouteille en verre bleu de sa célèbre épouse Catherine de Médicis. Ou encore une étonnante « boîte à chiffre », à l’attention des espions, utilisée pour la correspondance codée. Quelle époque…
Henri II. Renaissance à Saint-Germain-en-Laye au musée d’Archéologie nationale, du 31 mars au 4 juillet 2019.

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EXPOSITIONS


Oskar Kokoschka, Autoportrait en tant qu’artiste « dégénéré », 1937 © National Galleries of Scotland, Edinburgh. En prêt d’une collection privée © Fondation Oskar Kokoschka/ Bildrecht, Vienne, 2018.

Kokoschka, une certaine idée de la liberté

VIENNE – Le sous-titre de l’exposition est quasiment un manifeste. Oskar Kokoschka (1886-1980), à l’extraordinaire longévité, acteur des avant-gardes, témoin des bouleversements et des guerres qui ont déchiré le continent, est présenté comme un « Européen » et comme un « migrant », deux statuts qui traversent de concert une phase difficile. Personnalité complexe, polémique, il incarne la difficulté d’établir des catégories trop simplistes tant il apparaît comme un Janus dans ses rapports avec les femmes (on connaît l’histoire extraordinaire de la poupée qu’il se fit faire avec les traits d’Alma Mahler), son propre pays (l’Autriche) ou encore la peinture et le choix entre abstraction et figuration. Avec quelque 250 œuvres, le portrait de cet artiste ressemble donc à une mosaïque. Son existence agitée, romanesque – champion de l’expressionnisme, blessé à la tête pendant la Première Guerre mondiale, peintre « dégénéré » qui doit fuir Vienne pour Prague et Londres avant de s’établir en Suisse -, il s’est aussi bien exprimé en peinture qu’en gravure, poésie ou théâtre. Pacifiste, c’est un parfait Européen à la Zweig, une de ces vigies dont on n’écoute plus les annonces prémonitoires…
Kokoschka, Expressionist, Migrant, European au Leopold Museum, du 6 avril au 8 juillet 2019.

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L’Europe aux jeunes parapets

PARIS – Sont-ils ses héritiers ? Performances et installations l’auraient sans doute surpris mais Kokoschka aurait été ravi de la vitalité de la jeune scène européenne. Et du véritable sentiment d’appartenance à un même univers qui s’en dégage. Sous un titre à la Ovide, la sélection de 21 artistes de 16 pays, des îles Britanniques au Caucase, âgés de moins de 40 ans, est comme une radiographie des dernières tendances – brassant allègrement vidéo, art conceptuel ou résurrection de la bonne vieille peinture… Loin d’être dans une tour d’ivoire, l’artiste d’aujourd’hui, soumis à une actualité débordante, est en prise directe avec les questions d’identité, de migration, de désastre écologique. L’art n’a jamais été aussi politique…
Jeunes artistes en Europe. Les métamorphoses à la Fondation Cartier, du 4 avril au 16 juin 2019.

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C’était Weimar

BERLIN - A l’heure où tanguent certaines démocraties – ou du moins les principes qui les sous-tendent – le regard rétrospectif est nécessaire. Que faisait-on, que pensait-on à Weimar en 1919, alors que tous les espoirs étaient permis, et que l’on fonçait crânement vers de nouvelles libertés (le droit de vote aux femmes) ? Comment tous ces progrès et ces utopies se sont-ils fracassés sur le rocher du national-socialisme ? Des centaines de tableaux, collages, photos, réclames et couvertures de journaux font revivre cette époque charnière.
Weimar. The Essence and Value of Democracy au Deutsches Historisches Museum, du 4 avril au 22 septembre 2019.

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LIVRES

Fenêtre sur l’Océanie

En voyant certains objets, c’est l’expression « enchantement du monde » qui vient spontanément à l’esprit. Ainsi de ces « charmes pour navigateurs », porte-bonheur en épine de raie et corail, qui permettaient d’affronter les vagues et les tempêtes, ou de ces invraisemblables cartes de navigation, maquettes d’un mètre de long, composées de bois, fibres et coquilles d’escargot. La géographie n’a jamais atteint ce degré de poésie… Le catalogue de l’exposition au quai Branly (jusqu’au 7 juillet), déjà montrée à la Royal Academy, confirme l’incroyable richesse des musées européens en culture océanienne. A Brême, Bâle, Cambridge, Leyde, Copenhague, Paris ou Londres, reposent les objets rapportés par des missionnaires, administrateurs coloniaux, aventuriers ou commerçants. Colliers, poutres peintes, divinités, écorces tressées, brise-lames de pirogues, reliquaires… En sécurité, étudiés et restaurés avec soin, élevés au statut d’œuvre d’art, mais, on le sait, pas toujours acquis selon des procédures légales : chaque exposition de ce calibre fait immanquablement penser au processus de restitution. Qui a évidemment sa part de légitimité, mais qui, un siècle après ces apports, fait aussi penser à une fenêtre qui se ferme, à une lunette qui se voile…
Océanie, Fonds Mercator, 2019, 328 p., 54,95 €.

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