ArtAujourdhui.Hebdo
N° 53 - du 21 juin 2007 au 27 juin 2007
L'AIR DU TEMPS
Retour à Versailles
C’est ce qui s’appelle un planning respecté ! Vinci, l’un des premiers groupes de BTP au monde, a probablement l’habitude de clients qui ne tergiversent pas sur les délais de livraison. Malgré les récentes turbulences à sa tête (avec le départ du président Antoine Zacharias, qui avait signé le contrat de mécénat avec l’Etat), il a respecté ses engagements. La galerie des Glaces, remise à neuf, est inaugurée à la fin du printemps 2007, après trois ans de travaux et un engagement financier de 12 millions d’euros (apporté en grande partie en prestations en nature par les sociétés spécialisées du groupe). L’un des plus réjouis à la réouverture, le 25 juin, de ce lieu symbolique de la « grandeur » française, aux 357 glaces, sera certainement Jean-Jacques Aillagon. C’est sous son autorité en tant que ministre de la Culture que l’opération avait été lancée. Et c’est lui, après un bref exil vénitien, qui est là pour couper le ruban, en tant que nouveau président de l’Etablissement public de Versailles. Le jeu des chaises musicales ne concerne pas que le ministère de l’Ecologie et du Développement durable…
Le site de Vinci consacré à la restauration de la galerie des Glaces
MUSÉES
Berardo, un Pinault du Portugal
LISBONNE – En matière de beaux-arts, la capitale portugaise avait pour l’instant un navire-amiral : la fondation Gulbenkian. L’an dernier, une nouvelle institution privée s’est ouverte à Cascais, la fondation Ellipse, qui présente de l’art contemporain dans le décor minimaliste d’un ancien hangar. L’offre culturelle s’étoffe davantage avec l’ouverture, le 25 juin, du musée Berardo. Installé dans le Centre culturel de Belem, dessiné par l’architecte Vittorio Gregotti, à deux pas de la tour de Belem, il va accueillir une partie des œuvres modernes et contemporaines du collectionneur José Berardo. Marqué par un éclectisme certain, ce fonds de près de mille pièces (dont toutes ne seront pas exposées) comprend aussi bien les avant-gardes du XXe siècle (Picasso ou Mondrian), des mouvements d’après-guerre (le Pop Art et les Nouveaux Réalistes) que des artistes portugais (notamment deux Helena : Vieira da Silva et Almeida). Le directeur du musée Berardo est Jean-François Chougnet, qui présidait auparavant aux destinées du Parc de la Villette.
EXPOSITIONS
Weegee, le fameux
PARIS – « Weegee the Famous » : c’est ainsi qu’il signait ses clichés au moment de sa splendeur, qui fut maximale lors de la parution de The Naked City, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les 220 photographies exposées au musée Maillol, provenant de la collection Berinson, pourraient toutes porter cette mention puisqu’il s’agit uniquement de « vintages », c’est-à-dire de tirages faits pendant l’existence de Weegee, alias Arthur Fellig. Né en 1899 en Autriche-Hongrie, mort en 1968 à New York, où il rencontra la gloire, il est la parfaite illustration du self made man, passant des soupentes des quartiers populaires du Lower East Side à la fréquentation des célébrités – acteurs, musiciens ou… assassins. Avant ses portraits de stars, Weegee s’était en effet fait une spécialité du New York violent, des crimes, de la pègre mais aussi des petites gens des bas-fonds qu’il avait cotoyées pendant sa jeunesse. Maître de l’éclairage (le flash omniprésent) et du recadrage (pour mettre en avant un détail significatif), toujours au bon endroit au bon moment, Weegee est un des représentants emblématiques du photoreportage moderne.
L’art du portrait hollandais
LONDRES – Deux noms suffisent à symboliser la grandeur de la peinture hollandaise du XVIIe siècle : Rembrandt et Frans Hals. Ils sont forcément présents dans l’exposition que la National Gallery (en collaboration avec le Mauritshuis où elle se rend ensuite) consacre aux portraits hollandais. Soixante œuvres d’une trentaine d’artistes montrent comment l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie d’affaires, au lendemain de l’indépendance obtenue de l’Espagne, s’est accompagnée de nouvelles expressions artistiques. Fiers de leur réussite, soucieux de laisser une trace à la postérité ou de s’afficher devant leurs administrés, ces bourgeois éclairés ont passé commande de nombreux portraits : en pose, en pleine activité (la célèbre Leçon d’anatomie du docteur Tulp par Rembrandt, qui sera présente), avec leur famille(Les Jumeaux Clara et Aelbert par Salomon de Bray), avec leurs pairs. Dans l’arc de temps choisi, de 1599 (milieu du règne de Maurice d’Orange, trois ans avant la fondation de la Compagnie des Indes) à 1683, de nombreux autres peintres, moins connus, ont officié. Ce sera l’occasion d’en découvrir certains.
Pierre et Gilles, créer à deux
PARIS – Ils ont contribué à la remise au goût du jour de l’esthétique kitsch, de la tendance guimauve : des portraits surchargés de paillettes et de petites perles, aux couleurs pimpantes, retravaillés comme des photos du Studio Harcourt, dans des cadres baroques. Le Jeu de paume leur consacre une rétrospective complète, incluant les création les plus récentes et l’ensemble de leurs autoportraits. Trente ans ont passé depuis que le Vendéen Pierre et le Havrais Gilles se sont rencontrés à une fête chez Kenzo et qu’ils ont mis en commun leurs talents, la photographie pour le premier, la peinture pour le second. Au cours de leur carrière (qui a connu un autre pic international au printemps avec la grande rétrospective au Manège à Moscou), ils ont planché sur les vedettes du cinéma et de la chanson (Mireille Mathieu, Nina Hagen) mais ont aussi travaillé par séries sur les saints ou les figures de la mythologie grecque. Si la division des rôles n’a pas connu de changement, les évolutions techniques ont en revanche été intégrées : les retouches d’images se font désormais avec des logiciels sur écran plutôt qu’avec un pinceau…
LIVRES
Des goûts et des couleurs
Voici un livre inclassable. Au premier abord, son propos peut sembler très étroit - les pigments issus de pierres précieuses - et e s’adresser qu’aux spécialistes. Les pages finales sur la « prise d’huile » (le volume d’huile qu’il faut ajouter à la masse de pigment pour avoir des couleurs utilisables en peinture) renforcent la crainte. Derrière le propos sérieux, se cache cependant un petit bijou de style, où les mots sont eux-mêmes précieux (ressouvenir, ce nonobstant) et les phrases travaillées comme des gemmes antiques (le rendu de la « pruine dessus chaque grain de raisin » exige l’usage du rubis). Sans que cela pèse, s’élabore ce bref traité de maître pigmentier qui nous démontre que nous sommes très-incapables de distinguer les couleurs (en tout cas, leurs degrés avec cette dizaine de bleus, du « minore » au « sopra maggiore » utilisé par Mignard), que nous ne savons aucunement comment elles sont faites, et que tout cette ignorance nuit fortement à notre appréciation de l’art. Du lapis-lazuli intégral, qui coûte dix fois le prix de l’or, au mystère du recul de l’azurite, si en vogue au XVIIIe siècle, et aux propriétés de la malachite, dont Rosalba Carriera fut une utilisatrice virtuose, on creuse des chemins de traverse dans l’histoire de l’art. Au passage, l’auteur, le mystérieux G. Bodenstein, l’affirme bien fort : le seul peintre français vraiment divin, c’est Le Sueur. On se pose davantage de questions à l’issue de la lecture qu’à son commencement, et c’est très bien.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Eric Duykaerts : assauts d'humour
Il aurait plu à Lautréamont tant il opère des croisements inattendus et cocasses. Comme pour un certain nombre d’artistes contemporains, l’œuvre d’Eric Duyckaerts (né en 1953 à Liège, installé à Nice), fille de la performance, de l’art conceptuel et de la sémantique, est totalement impossible à résumer. On y trouve aussi bien des radiographies de murs de musées, des variations sur la marelle des cours d’école, des dessins de ciseaux ou des croquis d’anatomie que des carrousels d’objets suspendus (mappemondes, chiffres en caoutchouc, équerres, serpentins) ou des gravures de figures géométriques (nœud de Salomon, anneau de Soury).
Duyckaerts s’amuse à recréer des analogies entre les objets et les concepts, entre les mots et les choses, à filer une définition, à creuser un sens jusqu’à l’absurde. Né en 1953 à Liège, Eric Duyckaerts vit et travaille à Nice.
BRÈVES
BALE – Samuel Keller, le directeur d’Art Basel, qui quitte la manifestation à la fin de l’année pour la fondation Beyeler, sera remplacé par un triumvirat : Marc Spiegler pour la stratégie et le développement, Cay Sophie Rabinowitz pour la direction artistique, Annette Schönholzer pour l’organisation et les finances.
CLEVELAND – La destruction de la Cleveland Trust Tower, le seul gratte-ciel dessiné par Marcel Breuer, célèbre architecte du Bauhaus et auteur du Whitney Museum à New York, serait envisagée par la municipalité de Cleveland.
FLORENCE – La Villa Bardini, au sud de la ville, négligée depuis un demi-siècle, a été entièrement restaurée pour un coût de 13 millions €, grâce au mécénat de la Caisse d’Epargne de Florence. Les lieux accueillent désormais plusieurs institutions culturelles (musée Capucci, musée Annigoni, fondation Bardini, Société toscane d’horticulture) et un restaurant.
LONDRES – Lors des enchères des 18 et 19 juin, Nymphéas (1904) de Monet a été adjugé 27,3 millions € chez Sotheby’s. Du même artiste et de la même année, Waterloo Bridge, temps couvert, a été vendu 26,5 millions € chez Christie’s.
PARIS – La vente d’arts asiatiques du 13 juin chez Christie’s a rapporté 17 millions € avec un record pour un objet en émaux cloisonnés (personnages impériaux de la dynastie Qiang, période Qianlong) parti à 6,5 millions €.
PARIS – Le premier prix littéraire Drouot sera décerné en septembre. Il récompensera un roman évoquant le monde de l’art. Neuf ouvrages ont été sélectionnés dont Le plus grand peintre vivant est mort de Pierre-Jean Remy, Carré noir de Harry Bellet et Intrigue à l’anglaise d’Adrien Goetz.
SUR ARTAUJOURDHUI INFO
Cette semaine ne manquez pas
À LA RECHERCHE D'UN PATRIMOINE DISPARU
DIJON - Le Château de Dijon n'est plus : ce monument honni par les locauxs car construit à la demande de Louis XI et signifiant la fin de la grandeur ducale, a été rasé à la fin du XIXe siècle. Ses cinq siècles d'histoire revivent ici avec l'évocation de ses habitants, de sa vie quotidienne et de sa dimension architecturale.
LES ANNEES 1950 L'ALTERNATIVE FIGURATIVE
CLERMONT-FERRAND - Le musée Roger-Quilliot s'est enrichi de plusieurs donations provenant de la collection de Bernard Combe, galeriste de l'après-guerre. Dans un climat favorable à l'abstraction, il a privilégié les peintres figuratifs : Buffet, Lorjou, Rebeyrolle, etc. L'exposition rend hommage à ses choix et à ces écoles.
LES ANNEES MARTINE images d'enfance 1954-1965
EPINAL - Le musée de l'Image décrypte la France à partir des albums de la série "Martine", publiés par Casterman. Objets ménagers, vacances, sports d'hiver : la naissance de la société de consommation est aussi documentée par des affiches de Savignac, des photos d'Izis, des images scolaires Rossignol…
DU NAÏF AUX SINGULIERS, le spectacle des corps
LAVAL - La Biennale internationale d'art naïf, qui se tient depuis 1997 dans la cité natale du Douanier Rousseau, ouvre sa 6e édition le 23 juin. Des "stars" comme Gaston Chaissac aux créateurs les plus récents, toutes les tendances y sont représentées au musée du Vieux Château et au musée-école de La Perrine.