ArtAujourdhui.Hebdo
N° 59 - du 20 septembre 2007 au 26 septembre 2007
L'AIR DU TEMPS
Jurassic skilift
On connaît les marronniers : les pharaons, les Incas, les dinosaures, l’empereur de Chine… Il est rare qu’une exposition sur ce thème soit un échec commercial. On l’a dit la semaine dernière, le British Museum fait une belle affaire avec ses soldats de terre cuite chinois. Plus de 150 000 billets ont été vendus à l’avance, un record pour la vénérable institution. Le show annoncé pour cet hiver, également à Londres, dans l’ancien Millennium Dome aurait fait encore mieux en prévendant 190 000 entrées. La thématique ? L’Egypte ancienne, bien sûr. A Andorre, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire et que l’on pouvait attirer les visiteurs autrement que par l’absinthe ou les Ipod hors taxe. Voici que l’on vient donc d’installer à Encamp, au sommet des pistes de ski de Grandvalira, des hôtes particuliers : un ursus spelaus, un rhinoceros tichorinus – autrement dit un ours des cavernes et un rhinocéros laineux – mais aussi un mammouth et trois dinosaures. Ces grands – et authentiques - squelettes vous fixent depuis la gare vitrée du téléphérique. Excellente initiative de démocratisation de la paléontologie… Il se murmure que les musées, inquiets devant ce nouveau type de concurrence, étudieraient une riposte appropriée : installer des pistes de skate ou des mini-golf dans leurs murs.
EXPOSITIONS
Lee Miller, l’égérie faite photographe
LONDRES – La new-yorkaise Lee Miller (1907-1977) a été célèbre devant et derrière l’appareil. Remarquée par Condé Nast, le fondateur de Vogue, elle mène une première carrière de mannequin. En 1929, elle arrive à Paris, où elle fait une rencontre capitale, celle de Man Ray. Elle devient son modèle puis son assistante, prenant au passage la place de sa compagne du moment, Kiki de Montparnasse. Commence alors la seconde partie de sa carrière : initiée aux secrets techniques, notamment à ceux de la solarisation, elle devient elle-même photographe. Pour le centenaire de sa naissance, le Victoria & Albert Museum aborde les deux aspects de sa personnalité avec quelque 140 images, des nus aux portraits (Picasso ou Alfred Barr, le patron du MoMA), des paysages (elle fut un temps basée au Caire, épouse d’un homme d’affaires égyptien) à la guerre (l’une des seules femmes photographes autorisées à suivre l’avancée des Alliés en Allemagne, elle réalisa un reportage célèbre sur le bunker de Hitler). Précoce dans ses débuts mais aussi dans sa retraite, elle abandonna la photographie à la quarantaine et connut une fin de vie amère, marquée par l’alcoolisme et la dépression.
Picasso, cubiste ou pas ?
PARIS – On l’associe si intimement à la naissance du cubisme, aux côtés de Braque, que l’on est toujours surpris de savoir que Picasso a longtemps cherché à relativiser son engagement dans cette nouvelle forme de peinture. Ce n’est que dans les années vingt qu’il le revendiquera pleinement. Avec de nombreux prêts provenant d’Amérique (Guitare et clarinette sur une cheminée du Metropolitan, La Table de l’architecte du MoMA) ou d’Europe (Guéridon du Kunstmuseum de Bâle), complétant la collection propre du musée, ce sont tous les éléments de la genèse cubiste qui sont mis en perspective. On y trouve les influences bien connues de l’art nègre mais aussi les sources ibériques, océaniennes ou encore byzantines. L’exposition s’inscrit dans les célébrations du centenaire des Demoiselles d’Avignon (1907, aujourd’hui au MoMA), considéré comme l’une des œuvres-symboles du mouvement.
Le mystère Rosso
VENISE – Son nom n’évoque plus grand chose. Medardo Rosso (1858-1928) fut pourtant un sculpteur en avance sur son temps, modelant des personnages qui anticipaient ceux de Giacometti (comme son Yvette Gilbert de 1895 ou sa Madame X de 1896). Une anecdote suffira à le resituer dans les avant-gardes : lorsque Rodin présenta sa statue de Balzac en 1898, il s’ensuivit une brouille définitive entre les deux amis. Non pas que Rosso fût, comme presque tout le milieu artistique parisien, scandalisé par le monument. Mais simplement parce qu’il accusait Rodin de s’être inspiré de trop près de ses propres œuvres ! L’exposition présente évidemment des sculptures de ce virtuose de la cire mais aussi une centaine de photographies. Esprit bizarre et torturé, Rosso cessa, à l’âge de 50 ans, de créer de nouvelles formes, se contentant de reproduire celles qu’il avait déjà modelées. Pour compliquer l’analyse de son œuvre, il brûla toute sa correspondance avant sa mort.
FESTIVAL
Coup de jeune à Toulouse
TOULOUSE – Le Printemps de Toulouse (autrefois à Cahors) se donne pour intitulé : « Festival de création contemporaine ». Une façon de souligner qu’il n’est pas une simple accumulation d’expositions mais un rendez-vous qui mêle arts plastiques et arts de la scène (avec les Soirées nomades), qui investit les lieux consacrés (les Jacobins, les Abattoirs, le Château d’Eau) aussi bien que les auditoriums, les librairies ou les galeries. L’édition 2007, qui souhaitera sans doute égaler le succès de fréquentation de l’an dernier (160 000 visiteurs), a pour foyers « Hamsterwheel », une exposition européenne, coordonnée par des artistes comme Frans West et Urs Fischer et déjà présentée à la Biennale de Venise, et « Wheeeeel », qui se veut un panorama de la jeune création française avec des artistes comme Dewar & Gicquel, les frères Chapuisat, qui empaquettent de grands espaces, Emmanuel Lagarrigue, qui crée des réseaux de fils, ou Armand Jalut, qui reste fidèle à un « vieux » medium, la peinture à l’huile sur toile.
LIVRES
Images du Far West
Une exposition à Rouen va nous présenter à partir du 26 septembre la vision de l’Ouest léguée par les peintres. Dans la construction d’un mythe commun, fait de caravanes, de grands espaces, d’Indiens farouches et de paysages à couper le souffle (le Grand Canyon, les geysers de Yellowstone), les photographes ont évidemment joué un rôle majeur. D’autant qu’au lendemain de la Guerre de Sécession, ils ont été systématiquement envoyés par l’administration fédérale en accompagnement des expéditions à visée topographique ou géologique. Timothy O’Sullivan, William Bell ou William Jackson sont quelques-uns des praticiens qui ont laissé ces grands tirages sur papier albuminé que le livre égrène d’Est en Ouest, le long d’Etats tout neufs (le Texas et la Californie sont entrés dans l’Union en 1845 et 1848). La France s’étant toujours intéressée de près à l’Amérique – et pas seulement pour La Fayette – beaucoup de ces images ont abouti dans des collections françaises. C’est le cas pour toutes celles du livre, qui proviennent de la BNF, de la Société de Géographie ou du musée Niépce de Chalon, et qui sont exposées au musée d’Art américain de Giverny jusqu’au 31 octobre.
En savoir plus sur l’exposition au musée d’Art américain de Giverny
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Kees Visser : les tubes de l'automne
PARIS - L'artiste néerlandais, né en 1948, installé entre Paris, Haarlem et l’Islande, poursuit rigoureusement un travail sur la couleur. Ses œuvres minimalistes se réduisent à des surfaces monochromatiques, souvent sous la forme rectangulaire. Il prend grand soin de préparer lui-même les pigments, comme les artistes d’autrefois. C'est aussi un habitué des installations monumentales. Celle qu’il avait réalisée l’an dernier pour la chapelle Jeanne-d’Arc, à Thouars, est réadaptée à l’église Saint-Eustache, la plus vaste de la capitale. Il s’agit de 320 piliers de métal, de 6 mètres de haut, mis en regard avec ceux des grandes orgues. Occupant 500 m2, ils sont peints sur trois de leurs faces, définissant des formes géométriques précises selon l’angle sous lequel on les regarde.
BRÈVES
BASSANO DEL GRAPPA (ITALIE) – La ville de la dynastie Remondini – qui compta parmi les plus importants éditeurs de gravures européens à l’âge baroque – leur consacre un nouveau musée. Il a ouvert au public le 15 septembre.
BOLOGNE – La 4e foire Artelibro, consacrée au livre d’art, se tient dans la capitale d’Emilie-Romagne du 21 au 24 septembre.
LE HAVRE – Le Museum d’histoire naturelle, qui est notamment riche de la collection d’aquarelles de Charles-Alexandre Lesueur, rouvre après une campagne de travaux.
LINCOLN (GRANDE-BRETAGNE) – La cabine de plage, mobilier essentiel des stations balnéaires anglaises du XIXe siècle, connaît un renouveau. Un concours international a permis de produire de nouveaux modèles, dont les plus réussis sont présentés les 22 et 23 septembre sur les plages du Lincolnshire.
LONDRES – La collection Rostropovitch-Vichnevskaïa, qui devait passer aux enchères les 18 et 19 septembre, a été rachetée en bloc par l’homme d’affaires russe Alisher Usmanov. Elle est exposée jusqu’au 19 septembre dans les locaux de Sotheby’s.
NEW YORK – La collection d’art indien de l’antiquaire parisienne Ariane Dandois est vendue chez Christie’s le 21 septembre.
PALMA DE MAJORQUE – A l’image d’Art Basel qui s’était « délocalisé » à Miami, la foire allemande Art Cologne ouvre une antenne aux Baléares, du 19 au 23 septembre.
PARIS – Le théâtre Mogador, monument historique de 1919, rouvre ses portes le 24 septembre après une année de travaux.
PARIS – L’étude Fraysse disperse à Drouot-Richelieu le 26 septembre un important fonds (collection Schrimpf) de statuaire himalayenne.
REIMS – Le sculpteur tchèque Tomas Medek est le lauréat du prix « Art is Steel », organisé par Arcelor Mittal Distribution. L’œuvre est exposée sur le site du futur siège européen de l’entreprise.
SAINT-LOUIS (Etats-Unis) – Le St Louis Art Museum vient d’acquérir un tableau de Degas, Les Modistes (1898), auprès de Blondeau Fine Arts à Genève pour une somme estimée à 10 millions $.
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SON ET VISION
PARIS - Pour Son et vision : l’image photographique et vidéographique dans l’art contemporain au Canada trois grandes institutions canadiennes se sont associées pour la première fois afin de proposer une lecture percutante de l’art contemporain canadien, sous l’angle de la transformation et du développement des pratiques photographiques.
LA MYTHOLOGIE DE L'OUEST DANS L'ART AMÉRICAIN
ROUEN - La conquête de l'Ouest est un des mythes fondateurs de la civilisation nord-américaine. Pourtant, les peintres qui ont narré cette épopée sont injustement sous-évalués. De Bierstadt à Moran et de Catlin à Remington, le musée des Beaux-Arts de Rouen nous en fait découvrir les principaux protagonistes.
A LA QUÊTE DE L'OR BLANC - PORCELAINES DE ZURICH ET NYON
PRANGINS - Seules deux manufactures de porcelaine ont été créées au XVIIIe siècle en Suisse. La production néo-classique de Nyon et, surtout, les figurines et les paysages de Zurich sont examinés dans cette exposition au château de Prangins.