ArtAujourdhui.Hebdo
N° 72 - du 20 décembre 2007 au 9 janvier 2008
Ceci est le dernier numéro de 2007. Notre prochain numéro paraîtra l'an prochain, le 10 janvier 2008 JOYEUX NOËL ET BONNE ANNÉE !
L'AIR DU TEMPS
Extension du domaine de la jeunesse
Jusqu’à quel âge peut-on créer ? La question n’est pas neuve et l’on connaît quelques exemples célèbres. Michel-Ange a travaillé jusqu’à 89 ans. Titien n’a consenti à capituler un peu plus jeune (86 ans) que sous la pression d’une épidémie de peste. Et Harpignies (1819-1916), petit maître du XIXe siècle, a fêté son 97e anniversaire un pinceau à la main. Grâce à l’allongement de l’espérance de vie, les cas semblent se faire plus nombreux. Au cinéma, Mario Monicelli, le réalisateur, né en 1915, de l’inoubliable Pigeon, semble encore jeune à côté de Manoel de Oliveira, qui est en plein tournage à 99 ans (et ne parlons pas de Resnais qui, à 85 ans, est encore adolescent). La palme revient à l’architecte Oscar Niemeyer, qui a fêté son premier siècle le 15 décembre. Il a livré récemment des bâtiments significatifs, dont un musée à Curitiba l’an dernier. Mais l’homme, qui vient de se marier avec sa secrétaire, avertit que l’un de ses projets les plus ambitieux - le centre culturel d’Avilés, en Espagne - est encore à venir…
GRANDS TRAVAUX
Très chères dérives
PARIS – Le rapport thématique de la Cour des comptes sur les “grands chantiers culturels”, rendu public le 12 décembre, a rencontré un écho inattendu. En effet, bien qu’il reconnaisse la qualité architecturale des 61 projets lancés depuis 1998, il pointe le dépassement quasi systématique des délais et des budgets initiaux. Les dérapages les plus emblématiques sont ceux du Grand Palais (dont la rénovation n’est pas terminée) et du musée du Quai Branly. Pour ce dernier, le chantier, évalué à 204 millions €, a coûté quasiment 300 millions € , soit un accroissement de près de 50% de l’enveloppe de départ. La Cour souligne l’effet d’étranglement de ce lourd engagement pour les grands travaux (au total, un quart des dépenses d’investissement du ministère) : il met en péril l’entretien des monuments historiques et les projets en province, qui sont les parents pauvres d’une politique trop parisienne. A la page 51 de son rapport, la Cour fustige notamment une promesse non tenue : les 100 millions € reçus en 2006 de la privatisation des autoroutes, que le ministre de l’époque, Donnedieu de Vabres, avait promis au patrimoine monumental, ont été réorientés vers les chantiers franciliens.
EXPOSITIONS
Musées de demain
LISBONNE – En fin d’année, la prospective est un exercice obligé. La voici appliquée, dans une exposition didactique, à l’actuel vaisseau-amiral de la culture, le musée. La fondation Culturgest présente 27 projets de musées qui ont (ou auront, à leur achèvement) marqué la première décennie du XXIe siècle. Héritiers du Guggenheim Bilbao, ces nouvelles cathédrales sont pour l’instant plutôt ancrées en Amérique et en Europe, du Denver Art Museum tout en pointes (Libeskind) au futur Centre Pompidou de Metz (Shigeru Ban et Jean de Gastines, 2008), en passant par le musée de la Civilisation hellénique à Athènes (Morphosis, 2011) ou celui d’Archéologie (Gigon et Guyer, 2005) à Osnabrück en Allemagne. Mais les développements en cours à Abu Dhabi, les projets en Chine, en Thaïlande ou au Mexique (où le milliardaire Carlos Slim fait construire un immense foc de verre pour abriter sa collection) devraient entraîner un rééquilibrage géographique.
Chavaz, entre aquarelle et stylo bille
MARTIGNY – Le Valais, terre de Suisse ensoleillée, ses coteaux, ses vignobles, sa lumière… Le lieu a inspiré nombre d’artistes mais on les connaît bien mal en dehors de la Confédération. Albert Chavaz, qui vivait à Savièse, est l’un d’eux. Mort en 1990, il était né en 1907 et c’est donc son centenaire que célèbre la fondation Gianadda en réunissant 160 œuvres. Talent varié, Chavaz a produit des nus, des paysages, des natures mortes, des portraits dans une grande variété de techniques, de l’huile à l’aquarelle, de l’estampe à la fresque. Comme cela semble être la mode (on l’a fait pour Giacometti à Beaubourg), on a reconstitué une paroi de son atelier. Ses carnets de croquis et ses lettres sont présentés. Et pour rendre justice à ses milliers de dessins au stylo bille, ils ont été numérisés et passent en boucle sur un écran.
Au pied de la lettre
TRENTE - La sculpture Love de Robert Indiana - quatre grosses lettres colorées - est l’une des œuvres les plus connues du courant pop. Joseph Kosuth, représentant de l’art conceptuel, a multiplié les phrases en néon, tout comme Ben a légué d’innombrables ardoises avec des formules définitives tracées à la craie. Cela fait longtemps que la lettre et le mot ont acquis leur indépendance, se sont affranchis de l’image pour être considérés comme œuvres d’art à part entière. Le MART, musée d’art de Trente et Rovereto, fête le 5e anniversaire de son nouveau bâtiment (dû à Mario Botta), par une exposition qui fait le tour de la question, des surréalistes à la poésie visuelle brésilienne, de Dada à Sophie Calle. Collages, dessins, tableaux ou vidéos : plus de 800 œuvres sont présentées avec un fort contingent italien, notamment futuriste.
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
A is for Umbrella, acrylique sur aluminium, 200 x 200 cm © Michael Craig-Martin. Courtesy of Gagosian Gallery.
Michael Craig-Martin ou l’esprit des objets
De simples objets de la vie quotidienne : cafetières, baskets, appareils photo, lunettes de soleil, gants en caoutchouc, bombes aérosols, ceintures, pipes, fauteuils de bureau, écouteurs, téléphones portables… Michael Craig-Martin le prouve, notre environnement fournit amplement matière à création artistique. Né en 1941 en Irlande (comme Bacon), formé en Amérique, actif dans le monde entier (il vient de signer l’une des œuvres sur le parcours du tramway niçois), Craig-Martin est souvent invoqué par Damien Hirst et les YBAs (Young British Artists) comme l’une de leurs influences prépondérantes. Sur toile, au mur avec des trompe-l’œil ou en installation dans des salles de musées : l’artiste aime varier la présentation des ustensiles, toujours très colorés, de son univers. La dernière mouture est montrée à la galerie Gagosian de Londres.
LIVRES
Ecrivez, il en restera quelque chose
L’irruption de l’e-mail et du traitement de texte ayant à peu près intégralement éliminé l’écriture à la plume, les manuscrits des grands écrivains, outre leur évident intérêt documentaire, tendent à acquérir une valeur esthétique. Cet ouvrage, dans la lignée des florilèges en vogue à Noël, montre qu’il existe en la matière une infinie variété, des feuilles volantes de Camus au livre d’or utilisé par Musset, des griffonnages sur papier quadrillé ou ligné (Proust, Sartre) aux pages libres et pleines de dessins de Saint-Exupéry ou René Char. On reste traumatisé devant les pages intensément raturées de Flaubert (on peut voir le manuscrit de l’Education sentimentale dans l’exposition consacrée par la Cinémathèque à Sacha Guitry, qui en était l’heureux propriétaire) ou, à l’opposé, devant les lignes minuscules et impeccables de Vladimir Jankélévitch.
BRÈVES
BAGDAD – Le Musée de Bagdad a présenté le 16 décembre à un groupe de journalistes deux de ses seize galeries. Une réouverture partielle au public est envisagée dans les prochains moins, cinq ans après l’offensive américaine.
Un diaporama des trésors du musée (dont les 2/3 ont été pillés)
LONDRES – Nicholas Penny est le nouveau directeur de la National Gallery. Provenant du musée homonyme de Washington, il remplace Charles Saumarez-Smith, parti à la Royal Academy, et prendra ses fonctions au printemps 2008.
NEW YORK – L’exemplaire de la Magna Carta - le texte constitutionnel anglais de 1297 dont nous avions parlé dans notre lettre du 3 décembre - mis en vente chez Sotheby’s le 19 décembre a été adjugé 21,3 millions $ à David Rubinstein, conseiller de l'ancien président américain Jimmy Carter. La charte sera déposée aux archives nationales à Washington.
PARIS – Quelques œuvres significatives de l’ancienne collectiion Marcel Lefèvre passent en vente chez l’étude Aguttes le 21 décembre, dont Blue Star de Miró, estimé 5 à 7 millions €.
PARIS – L’exposition “Trésors du delta du Gange”, présentant les collections des musées du Bangladesh, plusieurs fois retardée, ouvre ses portes le 27 décembre au musée Guimet.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
LES NOUVELLES ACQUISITIONS DU MUSÉE RÉATTU
ARLES - Le musée Réattu poursuit depuis quelques années une active politique d'acquisition d'œuvres contemporaines. De Georges Rousse à Dieter Appel, d'Albert Ayme aux photographes Clergue ou Plossu, qui constituent un pan essentiel de toute collection à Arles, le musée expose en 250 pièces les moments forts de cette politique.
LA CHINE SOUS TOIT
BRUXELLES - Les tombes du Henan, l'un des berceaux de la Chine impériale, ont livré une extraordinaire moisson archéologique : des modèles réduits de maisons, fermes, pavillons sur l'eau ou simples latrines, que les dignitaires faisaient enterrer avec eux. La riche sélection présentée aux Musées royaux d'art et d'histoire jette un éclairage unique sur l'architecture chinoise d'il y a deux millénaires.