ArtAujourdhui.Hebdo
N° 149 - du 29 octobre 2009 au 4 novembre 2009
L'AIR DU TEMPS
César en France
On fait des découvertes spectaculaires dans le désert d’Egypte, sur les plateaux de Turquie ou dans les baies du Mexique. Est-il besoin d’aller si loin pour voir l’archéologie livrer des témoignages saisissants ? Pas forcément, comme le prouvent les fouilles réalisées depuis vingt ans dans le lit du Rhône, près d’Arles. Dans des conditions difficiles, avec une visibilité inexistante, les plongeurs y ont exhumé des pièces exceptionnelles. En 2007, on tira ainsi de la boue du fleuve un portrait de Jules César (le fondateur de la ville, en 46 av. J.-C.), que nombre de spécialistes placent parmi les plus fidèles jamais mis au jour. Mais également des statues en marbre de Neptune ou de Vénus, une Victoire recouverte d’or, des lampes à huile aux décorations raffinées… Au point que certains émettent l’hypothèse qu’une autre Arles – grandiose ode à l’empire romain – aurait disparu corps et biens sous les coups des Barbares. La même qui referait aujourd’hui surface grâce aux exploits des scaphandriers. Si Astérix savait…
EXPOSITIONS
Delvaux pompéien
BRUXELLES – Il est mort il y a 15 ans et a fait l’objet d’une rétrospective il y a 12 ans. Deuxième grande star de l’art surréaliste belge après Magritte, Delvaux est connu pour ses personnages énigmatiques, souvent nus, flottant dans des ambiances urbaines. Même si l’on distingue quelques frontons et colonnades en arrière-plan, on n’imagine pas spontanément que Delvaux ait été aussi profondément influencé par l’art de l’Antiquité. L’exposition du musée des Beaux-Arts explore cette piste. Elle rappelle les séjours de Delvaux en Italie dans les années trente (notamment à Pompéi) puis à Athènes. Une soixantaine d’œuvres - tableaux, dessins mais aussi des productions plus immédiates comme les carnets de croquis – rendent compte de cette passion pour la statuaire grecque et les héros de la mythologie.
Le siècle de Bacon
DUBLIN – C’est sans nul doute l’un des peintres les plus célébrés de la seconde moitié du XXe siècle (en tout cas l’un des plus chers – 50 millions d’euros pour un Triptych en mai 2008). Le riche programme pour son centenaire le prouve également, qui est passé par New York, Londres et Milan, et s’achève maintenant sur les lieux de sa naissance, à Dublin. La Hugh Lane Gallery qui, en 2001, a remonté de façon exemplaire son atelier, fruit des dons de John Edwards, dernier compagnon de l’artiste, lui consacre une rétrospective. Elle est composée de quelque soixante œuvres rarement vues – tableaux, dessins, photographies et aussi toiles détruites, l’une de ses « marques de fabrique ». Un inventaire modeste à côté des 7000 objets répertoriés dans l’atelier, mais ces derniers ne sont visibles qu’à travers une vitre…
Le meilleur Delpire
PARIS – C’est l’une des éminences grises de la photographie de la seconde moitié du XXe siècle en France. Un parcours tellement rempli qu’il est impossible à résumer. Créateur d’une revue des l’âge de 23 ans (« Neuf » en 1950), éditeur du brûlot que fut Les Américains de Robert Frank, Robert Delpire fut aussi directeur artistique du magazine L’Œil (dont il semble avoir trouvé le nom). Suivirent des centaines d’expositions et de livres (comprenant notamment la création de la collection Photo Poche), une période à la tête du Centre national de la photographie et même une courte carrière de producteur de cinéma (Polly Maggoo de William Klein). La Maison européenne de la photographie tente de faire le tour de ce continent en plus de 600 photos et documents variés. Une tentative osée et forcément incomplète : à 83 ans, l’époux de Sarah Moon reste sur la brèche et continue d’enrichir son CV…
Artaujourdhui vous conseille aussi...
VENTES
Durand-Ruel, la fraîcheur de l‘ancien
NEW YORK - Sur le marché de l’art, mettre la main sur un tableau qui n’a pas quitté des cimaises familiales depuis plus d’un siècle et qui a été rarement vu en public constitue un « bonus » remarquable. C’est ce qui attend les acheteurs d’une série de sept tableaux impressionnistes proposés chez Sotheby’s le 4 novembre : ils appartiennent à la même famille depuis la fin du XIXe siècle. Et il ne s’agit pas de n’importe quelle famille mais des Durand-Ruel dont le patriarche, Paul, fut le principal promoteur de la peinture impressionniste. Il noua des liens étroits avec Renoir, Sisley et Pissarro, ouvrit des galeries à Paris, Londres et même New York, d’où il put approvisionner les capitaines d’industrie américains dont le roi du sucre Havemeyer. Les legs de ce dernier devaient constituer l’ossature de la collection impressionniste du Metropolitan Museum. Les estimations des sept œuvres sont loin de la frénésie des années passées : il ne devrait en coûter que 2 ou 3 millions d’euros pour la Femme au chapeau blanc de Renoir ou la Vue de Rouen de Pissarro. Si l’« effet provenance » ne change pas la donne…
L'ARTISTE DE LA SEMAINE
Saadane Afif, Tête de mort (détail), 2008, installation au FRAC de Carquefou, courtesy galerie Michel Rein, Paris
Saâdane Afif, l’esthétique du carrefour
Du son, de la lumière, des mots, des choses : le plasticien Saâdane Afif (né en 1970), qui vient de recevoir à la FIAC le prix Marcel-Duchamp 2009, aime à combiner les disciplines. La « contamination » des arts prend chez lui des proportions particulières. Ces différentes mécaniques combinatoires doivent beaucoup à un artiste culte, André Cadere, qui a marqué les années 70 en s’invitant dans des expositions à travers le monde. Il s’y rendait avec des barres de bois striées de couleurs (selon des règles mathématiques précises)
qu’il y abandonnait, comme pour marquer son territoire. Afif collabore avec des auteurs, auxquels il demande d’écrire des chansons sur ses œuvres. Les paroles de ces chansons sont ensuite réutilisées sur les murs, dans les écouteurs ou soumises à des altérations aléatoires, intégrées dans des installations. Afif peut même n’exposer que les chansons sans les œuvres qui les ont inspirées… tout comme il peut reproduire sous forme de modèles réduits ses sculptures déjà exposées.
LIVRES
Architecture républicaine
L’école de la Troisième République, en brique, à deux corps - l’un pour les garçons, l’autres pour les filles - avec sa cour symétrique et son préau ? C’est l’édifice le plus emblématique de l’architecture publique du XIXe siècle. Ce que montre l’auteur, dans cet ouvrage très documenté, c’est que d’autres bâtiments ont fait l’objet de typologies plus ou moins standardisées, de la préfecture à la mairie, jusqu’au palais de justice. Et que cet élan bâtisseur ne s’est pas éteint avec la Grande Guerre. Il a même connu de nouveaux développements grâce aux théories hygiénistes de l’entre-deux-guerres - qui se sont notamment incarnées dans les écoles de Marcel Lods ou de Marcel Lurçat - et grâce aux besoins de la reconstruction. De l’hôtel de ville de Clamart à celui de Boulogne-Billancourt, du lycée Camille-Sée (à Paris) au centre administratif de Pantin, certains programmes emblématiques sont mis en exergue. Jusqu’à la date-butoir de 1981, lorsque la théorie des grands travaux fait basculer la commande républicaine dans une démesure princière…
BRÈVES
BERLIN – La réouverture du Neues Museum, le 17 octobre dernier, s’accompagne d’une demande persistante des autorités égyptiennes pour récupérer le célèbre buste de Nefertiti.
LONDRES – La manifestation Asian Art rassemble une quarantaine d’événements (expositions, ventes) autour de l’art asiatique, du 29 octobre au 7 novembre 2009.
PARIS – Le 1er Festival du Centre Pompidou, manifestation pluridisciplinaire de la création contemporaine, se tient jusqu’au 23 novembre 2009.
PARIS – La 4e édition d’Art en capital, manifestation qui réunit plusieurs salons d’artistes indépendants, se tient au Grand Palais du 3 au novembre 2009.
PHILADELPHIE – La maison Freeman’s organise la vente de la collection d’art de la banque Lehman Brothers en trois vacations, dont la première se tient le 1er novembre 2009.
PORTO ALEGRE – La 7e biennale du Mercosul se tient jusqu’au 29 novembre 2009 et réunit plus de 300 artistes sous l’intitulé « Crie et écoute ».
VILNIUS – La Xe Triennale d’art contemporain de la Baltique se tient à Vilnius jusqu’au 22 novembre 2009.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
MARKUS LÜPERTZ. TOURS ET DÉTOURS
BONN - Le Centre national d'art et d'exposition de l'ancienne RFA accueille une rétrospective complète de l'enfant terrible de l'art allemand. Retraçant en 150 tableaux son parcours depuis le début des années soixante, elle inclut les célèbres Dithyrambes, les œuvres proches du Pop Art et ses plus récents paysages.
ATSING DANS LA CITÉ
DIJON - Le Musée archéologique, fidèle à sa tradition de rapprocher la création contemporaine des objets anciens, a invité le peintre d'origine chinoise Atsing. Celui-ci expose de grands personnages, composés d'après les pages de magazines de mode. Reflets de notre société médiatique, ils gagnent à être confrontés à la production des ymagiers d'autrefois.