ArtAujourdhui.Hebdo
N° 1 - du 20 avril 2006 au 26 avril 2006
L'AIR DU TEMPS
Une autre bataille de Guernica
On parle beaucoup des restitutions d'œuvres d'art exigées par des pays traditionnellement émetteurs comme la Grèce, la Turquie ou la Chine. L'Italie a récemment fait plier de façon spectaculaire les grands musées américains, dont le Metropolitan, pour des objets sortis illégalement de son territoire. Une autre ligne de front menace-t-elle de s'ouvrir à l'intérieur même des frontières nationales ? L'Espagne semble en donner le premier exemple significatif. Les provinces basques demandent le rapatriement du Guernica de Picasso, conservé au Reina Sofía de Madrid, à l'occasion du 70e anniversaire du massacre de sinistre mémoire (26 avril 2007). Paradoxalement, le gouvernement socialiste, qui a beaucoup fait en matière d'autonomie (discussion d'un nouveau statut de la Catalogne, restitution des archives de la Guerre civile aux régions) fait la sourde oreille devant ces revendications. Il est vrai qu'elles pourraient facilement faire boule de neige tant, en ces temps de globalisation galopante, le régionalisme est une valeur en hausse...
MARCHÉ
Art Brussels : bientôt un quart de siècle
BRUXELLES - La foire belge d'art contemporain tient sa 24e édition avec 141 galeries provenant d'une vingtaine de pays. Les propositions les plus avant-gardistes sont réunies dans les sections First Call et Young, où, significativement, on observe la plus forte proportion d'exposants anglo-saxons. Car, pour le reste, Art Brussels demeure un rendez-vous fondamentalement franco-belge (67 galeries) avec une inflexion rhénane (29 galeries allemandes). Sa force tient à la densité et à la fidélité du réseau de collectionneurs locaux. L'inclusion d'un département design correspond à une tendance généralisée dans les grandes foires.
VENTES
Une collection marseillaise
PARIS - Avec sa galerie (ouverte en 1986) et ses initiatives comme la mini-foire Art Dealers, Roger Pailhas incarnait l'originale présence marseillaise sur le marché de l'art contemporain. Il n'est plus et la collection rassemblée avec son épouse Marie-Christine part à l'encan. On y trouve des œuvres intéressantes, à tous les prix : des dessins de Jeff Wall et Dan Graham à quelques centaines d'euros, des grands tirages de Guenther Forg à 10 000 €, une Vitrine de référence de Boltanski à 20 000 € plusieurs sculptures de Juan Muñoz, mais aussi des créations de plus jeunes artistes comme les autoportraits photographiques, parfois crus, de Madeleine Berkhemer. Un choix éclectique qui démontre la curiosité et l'enthousiasme du marchand.
Catalogue illustré de la vente sur le site de Christie's Paris
EXPOSITIONS
Ex-fan des fifties
PARIS - Paris cosmopolite ? On pense aussitôt aux Années folles ou à l'entre-deux-guerres. Bien que moins connue, l'Ecole de Paris qui s'épanouit après la Libération est, elle aussi, superbement internationale. S'y côtoient des créateurs venus des quatre coins du monde, sous la bannière de l'abstraction lyrique : le Chinois Zao Wou-ki, les Allemands Hans Hartung et Wols, la Portugaise Vieira da Silva, les Russes Lanskoy et Poliakoff, mais aussi Atlan, Debré, Soulages, Schneider, le très fougueux Mathieu et le trop méconnu André Bissière. Rompant avec sa politique de valeurs sûres (Raphaël, Botticelli, Gauguin), le Musée du Luxembourg ose une exposition plus originale donc plus " difficile ". A saluer !
C'est le Pérou
PARIS - On limite trop souvent les civilisations péruviennes à leur expression majeure, celle des Incas. Mais cette dernière en est également le chant du cygne, puisqu'elle ne dure guère plus de cent ans et s'éteint à l'arrivée de Pizarre en 1532. On a volontiers oublié que, précédant les Incas, trente siècles de cultures régionales contemplaient les conquistadors ! De Chavín (1500 avant J.-C) aux Moche (à partir du Ier siècle), de Lambayeque (vers l'an 700) aux Chimú (pré-inca), la céramique, l'orfèvrerie, le tissage, la sculpture en pierre, le travail de la turquoise se sont épanouis sur le littoral ou sur les hauteurs andines.
Guimet déroule
PARIS - Pour fêter le 5e anniversaire de sa réouverture, le musée Guimet va exposer ses propres collections. Il ne s'agit pas d'une boutade car les neuf rouleaux peints des XVIIe et XVIIIe siècles sont d'authentiques trésors, qui n'ont jamais été ouverts dans leur totalité. Ils décrivent de façon détaillée la vie au Palais impérial, les chasses, les anniversaires ou les inspections en province des trois grands empereurs Kangxi, Yongzhen et Qianlong, contemporains des Louis XIV, XV et XVI de France.
À lire : le compte-rendu publié cette semaine par Artaujourdhui.info
Il était une fois le modernisme
LONDRES - S’il est un terme galvaudé, aux contours flous, c’est bien celui de modernisme. Le Victoria & Albert Museum accorde une exposition intelligente à ce concept, en montrant comment il a été un mot d’ordre impérieux dans les premières décennies du XXe siècle. Foi dans le progrès, volonté de rationaliser l’environnement quotidien, application systématique de la technologie la plus récente : tels sont ses préceptes. Ils s’expriment aussi bien dans la cuisine équipée du Bauhaus que dans l’automobile Tatra 87 en acier, le fauteuil de Marcel Breuer conçu à partir d’un cadre de vélo ou l’appareil à rayons X... Projets de Le Corbusier, dessins de Kandinsky ou de Sonia Delaunay, mannequins d’Oscar Schemmler complètent ce riche panorama. L’excellent catalogue (450 pages, 3 kg) fera une lecture idéale pour le retour en Eurostar.
L'exposition en ligne sur le site du Victoria & Albert Museum
MUSÉES
Rome retrouve l'Ara Pacis
ROME - Au retour d’Auguste de trois ans de campagnes en Gaule et en Espagne, le Sénat romain lui dédie un Autel de la Paix, l’Ara Pacis. Nous sommes en 13 av. J.-C. Plus de 2000 ans après sa conception, ce monument, qui fut déplacé sous Mussolini, est doté d’un écrin à la hauteur, signé par l’architecte Richard Meier (auteur du Musée d’art contemporain de Barcelone et du siège de Canal Plus à Paris). Dès le départ, les polémiques ont accompagné ce projet : on se souvient des expectorations de Vittorio Sgarbi, alors ministre de la Culture, vitupérant la « boîte » de Meier. L’Ara Pacis est désormais enchâssé dans un mausolée de travertin, sous un puits de lumière. A découvrir à partir du 21 avril 2006.
LIVRES
L’artiste mis à nu par lui-même
La couverture est invitante : Salvador Dalí peint sa muse Gala. Par un savant jeu de miroirs, on le voit lui-même, la moustache fignolée et l’œil exorbité. Comme l’explique le savant sémiologue Omar Calabrese, il existe quelques exemples anciens d’autoportraits. Le grand architecte des pharaons, Senmout, se l’était permis. Mais ce n’est que lorsque l’artisan accède au statut d’artiste, lorsqu’il quitte le monde des travailleurs manuels – c’est-à-dire avec la Renaissance italienne - qu’il y recourt de façon courante. Trouvez Masaccio, Filippo Lippi, Signorelli, qui se sont cachés dans leurs grandes fresques : c’est un jeu amusant et Calabrese, qui fut un temps adjoint à la culture à Sienne, y est incollable. Viennent ensuite Rembrandt, Hogarth, Corot... Malgré Jasper Johns, Escher ou un excellent Alighiero Boetti, on regrettera une présence un peu trop discrète de l’art contemporain.
BRÈVES
PARIS – La galerie RX, 6 avenue Delcassé, dans le 8e arrondissement à Paris, existe aussi la nuit. Des vidéos du duo Marcos et de Montigny sont projetées pendant deux mois (jusqu’à la mi-juin) sur ses vitrines. Au programme poésie, mystère et jolies femmes : les spectateurs seront probablement au rendez-vous.
PARIS – Le galeriste Philip Nelson, personnage attachant du monde de l’art parisien, est décédé le 3 avril à l’âge de 50 ans. Le meilleur hommage à lui rendre ? Aller voir les artistes actuellement exposées au 59, rue Quincampoix : Stephen Bartscherer et Stephen Wilks.
NEW YORK – Le prix Pritzker, considéré comme le Nobel de l’architecture, a été attribué au Brésilien Mendes da Rocha, né en 1928. Représentant de l’architecture « brutaliste », privilégiant des formes et des matériaux simples, il a surtout œuvré dans son pays, essentiellement à São Paulo (Musée de sculpture) et demeure mal connu à l'étranger bien qu'il ait été finaliste du concours pour le Centre Pompidou en 1972.
VENISE - Le restaurant La Colomba, dont les murs sont couverts des œuvres d'artistes qui l'ont fréquenté (Picasso, Morandi, Sironi, etc) lance un concours doté d'un premier prix de 10 000 € pour un aggiornamento de son accrochage. Sur le thème "un menu pour La Colomba", les artistes intéressés sont priés d'envoyer avant le 15 juillet 2006 une œuvre d'une dimension inférieure à 32 x 35 cm et ne dépassant pas 500 g.
GRENADE - Le concours Antonio Gualda, de l'association Ruiz Aznar, offre un premier prix de 1500 € et s'adresse à des peintres, sculpteurs, graveurs, artistes numériques.