| Photographie extraite de Roger Pic, une vie d'histoire, Marval, Paris, 2000 |
Roger Pic, entre Brecht et NixonLe photographe est décédé lundi matin à Paris, des suites d’une opération chirurgicale, à l’âge de 81 ans.
Il n’était pas connu du grand public mais ses images parlaient pour lui : la Callas, Brecht, Nixon ou Fidel Castro, avec qui il eut le privilège de passer une journée entière. Loin des parades et des démonstrations viriles, ce fut pour le reporter l’occasion insolite de voir le Líder Máximo cuisiner un plat de lasagnes… Au lendemain de la guerre, Roger Pic s’engage dans la carrière théâtrale. Il crée sa troupe et abandonne son vrai nom, Roger Pinard. L’argot avait à l’époque une saveur et une variété largement perdues depuis : l’un des synonymes de ce «pinard», que nous employons encore, était «picrate», expression dont ses collègues l’abreuvaient généreusement. D’où, par élision, l’explication de Pic. Le succès ne se dessinant pas pour le metteur en scène, Roger Pic n’en abandonne pas pour autant le milieu. Grand ami de Jean-Marie Serrault, il le suit dans l’aventure du Theâtre de Babylone, qui allait révéler au public français Brecht et Beckett. C’est alors qu’il se lance dans la photographie, mais en imposant une petite révolution : plus de photos de répétitions, peaufinées, posées, mais des photos de scène, en pleine action. Il suffit de consulter les copyrights sur les illustrations du Petit Larousse pour mesurer sa productivité : Ionesco, mais aussi Maria Casarès, Alain Cuny, puis Planchon, Béjart… Ces clichés ont été légués à la Bibliothèque-Musée de l’Opéra. Roger Pic nous confiait l’an dernier en avoir produit des dizaines de milliers.
| Photographie extraite de Roger Pic, une vie d'histoire, Marval, Paris, 2000 |
Au début des années 1950, Roger Pic répond à une commande de l’éditeur Cercle d’Art. Il part à Saint-Pétersbourg faire des reproductions des tableaux impressionnistes de l’Hermitage. Ceux-ci sont alors très peu diffusés à l’étranger. Pour le photographe, qui travaille dans des conditions excellentes, c’est le premier choc du voyage. Il partira ensuite en Georgie puis en Arménie pour le même commanditaire. Très vite, le monde qui l’entoure l’intéresse davantage que celui des musées. Roger Pic sera le premier photographe occidental présent lors de l’offensive du Thêt. Il est en Chine lors de la visite historique de Nixon. Il élargit son registre et filme pour la télévision, pour laquelle i réalisera de mémorables «Cinq colonnes à la une». Roger Pic trouve le temps de compléter sa galerie de portraits et d’être en première ligne pour la défense des droits des photographes. Ayant vu une de ses photographies détournée – un jeune Chinois au regard clair est transformé en fumeur invétéré muni d’un mégot – il s’entêtera pendant des années, perdant une somme significative au passage, pour obtenir gain de cause. Dernièrement, Roger Pic s’était battu pour que l’impasse bucolique du 21, avenue du Maine, à Paris, ne devienne pas la proie des promoteurs. Il y avait créé un musée, le Chemin du Montparnasse, qui lui survit…
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