Gargantua sous les pinceaux de CerredoLa galerie Koralewski expose des grands formats rabelaisiens de l'artiste argentin.
| Cerredo Gargantua courant
après les papillons,
2001, huile sur toile. |
« Il courait volontiers après les parpaillons, desquels son père tenait l'empire » : le titre de la toile de Cerredo reproduite sur le carton d'invitation de sa nouvelle exposition, comme le titre de toutes les peintures qui la composent, est extrait du célèbre roman de Rabelais Gargantua. Dans les années 80, ce truculent artiste argentin (né en 1957) avait consacré deux cent œuvres à un autre roman incontournable, le Cent ans de solitude de Garcia Marquez. Entre ces deux séries, d'autres textes fondateurs, tels que La Bible ou le Candide de Voltaire, ont également constitué des manivelles pour son imagination prodigieusement fertile. Sans doute, les souvenirs de son enfance, entre jardin tropical et grand-mère féerique, sont-ils pour beaucoup dans la générosité avec laquelle il évoque les humains.
| Cerredo Gargantua morvant
dans sa soupe,
2001, huile sur toile et assemblage. |
A chaque fois, un peuple de géants, maçonné à même la matière épaisse des couleurs à l'huile employées, dévore les formats monumentaux, à grands renforts de gestes théâtraux, de compositions audacieuses et de traits tourbillonnants. Héritières de la grande tradition baroque, la force et la légèreté de ses coups de pinceaux génèrent des figures incroyablement énergiques et dégoulinantes. C'est plein de bouches et de sexes féminins grands ouverts, d'embrassades au risque de l'étouffement, d'explosions d'émotions, d'avalanches de sueur, de sperme et de lumière. Tout vibre, tout palpite, comme si la fonction de la peinture était de mettre à nu les mécanismes fondamentaux, intimes et puissants, de la Vie. Moins tragique que beaucoup d'œuvres plus anciennes, la série (inachevéepour l'instant) consacrée à Gargantua, actuellement présentée, insiste sur la joie barbare des premières sensations ressenties par le héros. Ici il morve dans sa soupe, plus loin il se vautre dans la fange, boit du lait à même le pis des vaches ou souffle pour rire dans le cul des chiens. Chacune de ces toiles enivre profondément qui la contemple. Chacune d'entre elles inscrit en lettre toujours plus grandes le nom de Cerredo sur la liste des énormes peintres d'aujourd'hui. A voir, absolument !
| Françoise Monnin 19.12.2001 |
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