Le somptueux présent de Charles le Téméraire

Dans les années 1470, Charles le Téméraire eut l’idée d’offrir à sa troisième épouse, Marguerite d’York, une parure qui scellerait leur union récemment célébrée à Bruges. Il choisit un splendide médaillon en émail translucide sur or de basse-taille du 14e siècle représentant l’entrée de Jésus dans Jérusalem. Et il entreprit de le faire monter en pendentif avec, au revers, un disque métallique soigneusement poli faisant office de miroir. La monture en argent devant être à la hauteur, elle serait ornée sur la tranche de fleurettes en ronde-bosse et, sur la bordure, de rinceaux ajourés et d’une inscription, « Je lais emprins bien en aviengne ». Une combinaison des devises du duc de Bourgogne et de Marguerite d’York dont la signification convenait particulièrement à un cadeau de noces puisqu’elle pourrait être traduite par « Je l’ai pris pour le meilleur ».

Les objets de coquetterie décorés d’une image religieuse sont bien répertoriés. On sait par exemple que l’une des filles de Charles V en possédait un exemplaire similaire représentant la Nativité. De même, le remploi d’un objet d’art ancien en bijou n’a rien d’original. Les camées grecs sont là pour nous le rappeler. Pourtant, avec ce pendentif « Tout est en superlatif », s’exclame Bruno Perrier, l’expert chargé de la vente : la qualité de l’émail et du travail de montage, la dimension du bijou, son origine historique très précise et même sa provenance. La pièce est en effet passée entre les mains de Sir John Charles Robinson, l’un des conservateurs du musée de South Kensington (devenu le Victoria and Albert Museum), chargé dans les années 1850 de l’enrichissement et de l’étude des collections. Un caractère exceptionnel qui a compliqué le travail de l’expert : « Nous en attendons 1,5 ou 2 millions de francs mais c’est une estimation très arbitraire car nous n’avons aucun prix de référence ».