Albert Gleizes, Broadway, 1915, Guggenheim museum, New York
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| | Gleizes, le charme discret du cubismeActeur méconnu du mouvement cubiste, Albert Gleizes fait l'objet d'une exposition importante à Lyon. Le commissaire, Christian Briend, nous invite à redécouvrir l'artiste.
Comment expliquer qu’aucune rétrospective n’ait été consacrée à Gleizes durant toutes ces années ?
Christian Briend. Il y a plusieurs explications à cela. D’abord, Gleizes n’a pas une réputation extraordinaire, celle d’un peintre intellectuel aux écrits complexes. Cela remonte sans doute à la rédaction de « Du cubisme », le premier texte théorique consacré au cubisme qu’il élabore en 1912 avec Metzinger. Ensuite, il faut prendre en compte le fait que jusqu’à une période assez récente, l’histoire du cubisme était restreinte à celle de Braque et Picasso. On omettait complètement le cubisme de la Section d’or de Gleizes, Metzinger, Delaunay ou Le Fauconnier alors même que ces artistes qui exposaient dans les salons parisiens ont fait connaître le mouvement au public et ont été les instigateurs du scandale du salon des Indépendants de 1911. Enfin, il faut savoir que les œuvres importantes de Gleizes sont très dispersées. C’est l’établissement du catalogue raisonné de son œuvre, il y a trois ans par la Fondation Albert Gleizes qui a facilité l’organisation d’une rétrospective.
Quel portrait cette exposition dresse-t-elle de l’artiste ?
Christian Briend. Elle permet de découvrir, derrière le théoricien sévère et qui plus est chrétien, un artiste d'avant-garde qui s’intéressait aux sujets les plus contemporains. On avait oublié que pendant la guerre, il avait eu un projet de ballet avec Cocteau. Peu de personnes avaient retenu qu’à New York, il s’était inspiré des rythmes syncopés du jazz pour représenter la ville moderne, consacrant plusieurs tableaux au pont de Brooklyn ou aux publicités lumineuses de Broadway. A ce propos, Les joueurs de football est aussi une œuvre significative. En 1912, avec Delaunay, il a été l’un des premiers artistes à s’intéresser à ce sport collectif qui venait d’être introduit en France et qui n’était autre que le rugby.
Quelle est l’originalité de cette exposition ?
Christian Briend. Cette exposition va permettre d’approfondir la connaissance de l’œuvre de Gleizes. C’est bien normal car très peu de ses œuvres sont conservées en France et toutes sont plutôt tardives. Si on prend l’exemple des années 1912-1913, un seul tableau est conservé en France, c’est le Portrait de l’éditeur Eugène Figuière. Ce sont des tableaux conservés à Washington, Toronto, Buffalo ou Londres qui permettent d’illustrer cette période, des tableaux qui n’étaient pas revenus en France depuis plus de trente ans, voire depuis leur création. Et ce sont pourtant eux qui permettent de redécouvrir quel extraordinaire coloriste était Gleizes. C’est ce qui me frappe dans son œuvre. Alors que Braque ou Picasso optaient pour des camaïeux qui mettaient en valeur la composition des tableaux, Gleizes n’a pas hésité à introduire très tôt des couleurs vives, peut être sous l’influence de Delaunay.
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