Ousmane Sow et les Zoulous entrent dans Arras

Expliquez-nous la genèse de cette « série africaine ».
Ousmane Sow. J’ai commencé à travailler sur les ethnies africaines en 1985 avec la série des Noubas, du sud Soudan, alors en voie d’extermination. Ma volonté de montrer ces tribus telles qu’elles vivent réellement se manifeste par des sculptures sur le thème de la lutte ou des scènes familiales. En 1988, le peuple Massaï m’a particulièrement fasciné. On ne peut pas parler de génocide dans leur cas mais plutôt de déracinement. Beaucoup fuirent à Nairobi, loin d’y trouver ce qu’ils attendaient. Le Buveur de sang, La mère et l’enfant et Le grand guerrier de 2m80 restituent ce désarroi face à la terre inconnue. La série des Zoulous, en 1991, représentée par un couple, précède les Peuls, commencés en 1993. Au total, 16 groupes sont exposés.

Pourquoi ne travailler que par série ? Quel est votre prochain projet ?
Ousmane Sow. J’aime raconter des histoires. Il est pour moi tout aussi gratifiant de faire des sculptures en livrant au spectateur des récits et des contes que de peindre ou d’écrire. En immortalisant ces membres d’ethnies, je me laisse guider par ma sensibilité. Ma prochaine série ? L’Egypte pharaonique que je prépare depuis deux ans. Après un voyage sur place, et une longue réflexion, j’attends que la « chose » s’impose à mon esprit pour commencer mes sculptures. Je n’ai pas pour habitude de compter mon temps de création. Je m’appuie certes sur les représentations historiques mais surtout sur la vie quotidienne des gens du pays.

Et le secret de fabrication des œuvres, vous ne voulez toujours pas nous le donner ?
Ousmane Sow. Il n’y a pas de secret, j’utilise des matériaux en évolution dont la composition change selon divers critères : les différentes parties du corps ne sont pas traitées de la même manière selon qu’il s’agit d’éléments souples ou plus rigides. La composition des sculptures diffère également en fonction du lieu d’exposition. Je parlerais donc plutôt d’une alchimie d’une vingtaine de matériaux que je laisse macérer durant des années. Mise à part cette technique personnelle, trois de mes pièces ont dernièrement été coulées en bronze et présentées au musée Dapper : La mère et l’enfant, Le Nouba debout et La danseuse aux cheveux courts. Je renouvellerai probablement l’expérience sur la série africaine.

Après le Pont des Arts à Paris, comment avez-vous exploité cette nouvelle surface d’exposition ?
Ousmane Sow. Il n’y a pas de comparaison possible, ici on embrasse d’un seul regard la totalité des pièces présentées. Dans le grand cloître et le réfectoire, les contraintes sont effacées : pas de parois ou de murs à considérer. L’ensemble de mes œuvres exprime, dans un tel cadre, toute sa puissance. Je n’avais jamais vu mes œuvres comme ça !