A la frontière des genresL'Institut du Monde Arabe présente les photographies lisses, mais pleines de matière, de Jellel Gasteli.
| Série Blanche, numéro XVI, 1996,
tirage argentique sur papier baryté,
120 x 120 cm. |
Lorsque l'on compare un dessin ou une peinture avec une photographie, le constat est toujours le même. La matérialité de la peinture apporte une sensualité supplémentaire à l'image, que la surface lisse de la photographie n'est pas en mesure de montrer. Mais lorsqu'une photographie arrive à réveiller, à travers le regard, le plaisir du toucher, peut-elle être considérée comme l'égale de la peinture ? La «Série Blanche» du photographe tunisien Jellel Gasteli imite a s'y méprendre la matérialité de ses modèles. On croit voir les détails d'une architecture orientale, malékite ou wahabite, aux formes géométriques rigoureuses. Le relief et la perspective sont obtenus par le jeu à peine perceptible de l'ombre et de la lumière. Minimalistes et silencieuses comme les natures mortes de Morandi, ces formes blanches sur fond blanc nous font imaginer que le photographe a voulu prendre en photo la lumière elle-même.
Dans la série intitulée «Cadran Solaire 2001», on reconnaît la lumière à ses langues d'ombre qui semblent fondre la surface de l'image comme les blessures des tableaux de cet autre artiste, italien, Lucio Fontana. C'est étrange : peinture-photographie, photographie-peinture, l'une et l'autre sur le même fil du rasoir… J'ai montré quelques photographies à deux marchands de légumes de mon quartier. Sans que j'eusse le temps de préciser quoi que se soit sur l'identité de mes images, ils se sont tous deux exclamés : «Djerba !». Dévoilée, reconnue, identifiée, la localisation exacte de ces architectures cubistes énonce une évidence. La photographie - aussi proche de la peinture qu'elle soit - est tellement en symbiose avec son modèle qu'elle finit toujours par trahir ce sans quoi elle ne pourrait exister : la réalité…
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