Qui doit réparer la muraille vénitienne ?

NICOSIE, 29 déc (AFP) - Les dirigeants chypriotes grecs et turcs tentent de résoudre leur conflit vieux de vingt-sept ans mais n'arrivent pas à s'entendre sur le sauvetage d'un monument historique de Nicosie, l'enceinte vénitienne. Le délabrement de la muraille du 16ème siècle a été aggravé récemment par les plus fortes pluies qu'ait connues l'île en cent ans. La restauration de ces remparts traversés par la ligne qui divise la capitale ne semble pas en vue même si le président chypriote Glafcos Cléridès et le dirigeant chypriote-turc Rauf Denktash ont renoué le dialogue. Après deux contacts préliminaires, les deux hommes doivent entamer à la mi-janvier des négociations directes, après une interruption de quatre ans, sur l'avenir de l'île de Chypre divisée en secteurs grec au sud et turc au nord. Les Nations-Unies tentent de résoudre le différend sur les moyens de restaurer la muraille. "Il n'y a pas de progrès mais nous continuons à négocier avec les deux parties", a déclaré à l'AFP une source de l'ONU. Des ouvriers chypriotes-grecs ont tenté d'entamer des travaux de consolidation dans les secteurs situés dans la zone tampon au début du mois mais en ont été empêchés par les Chypriotes-turcs. Chypre et sa capitale sont divisées depuis 1974, date de l'entrée de l'armée turque dans le nord en riposte à un coup d'Etat nationaliste visant à rattacher l'ensemble de l'île à la Grèce. Le sud, à majorité grecque, forme la République de Chypre reconnue par la communauté internationale. Le tiers nord de l'île est gouverné depuis 1983 par une République turque de Chypre du nord (RTCN), reconnue uniquement par Ankara.

"Chacun veut bien réparer la muraille mais tout seul, alors que nous souhaitons les voir travailler ensemble", a ajouté la source des Nations-Unies dont les forces sont présentes sur toute la ligne de démarcation qui traverse l'île d'est en ouest. "Nous espérons arriver prochainement à une sorte d'accord", a-t-elle ajouté. Conformément à un plan de l'ONU qui vise à instaurer une collaboration entre les deux parties, les Chypriotes-grecs doivent prendre en charge la restauration des façades des fortifications alors que les Chypriotes-turcs doivent effectuer des travaux sur leur partie supérieure. L'absence d'accord témoigne du lourd climat de méfiance qui règne entre les deux communautés qui n'entretiennent que rares contacts depuis la division du pays. Le directeur des Antiquités de la République de Chypre Sophocles Hadjisavvas a accusé les Chypriotes-turcs de "se comporter comme les talibans" en empêchant, selon lui, des travaux de restauration. Il faisait référence à la destruction en mars dernier par la milice fondamentaliste sunnite qui était au pouvoir à Kaboul de statues géantes millénaires de Bouddhas à Bamian dans le centre de l'Afghanistan. Selon M. Hadjisavvas, d'autres précipitations pourraient endommager à jamais la muraille à moins d'une intervention rapide. Les services météorologiques prévoient de nouvelles pluies, un signe de mauvais augure pour l'avenir de l'enceinte construite en 1567 sous le règne des Vénitiens présents à Chypre de 1489 à 1571. Le rempart, qui avait ralenti pendant deux mois en 1570 l'entrée des envahisseurs ottomans, risque cette fois de ne pas résister à la marque du temps.

par Charlie CHARALAMBOUS

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