Drouot : tout change sauf le chiffre d’affairesL'exercice 2001 a été marqué par la nouvelle réglementation des ventes volontaires et par l’arrivée des maisons anglo-saxonnes. Cette révolution n’a pas encore eu d’effet sur les résultats des commissaires-priseurs parisiens.
Avec une célérité très anglo-saxonne, Drouot a communiqué ses résultats de ventes pour l’année 2001. Certes, il ne s’agit pas encore de chiffres définitifs mais ils donnent déjà une indication fiable. Il faudra attendre la fin du mois de janvier pour les comparer à ceux des grands concurrents, Christie’s, Sotheby’s, Phillips de Pury Luxembourg et le dernier venu, Bonhams. Les données font état d’une stagnation du chiffre d’affaires, qui s’établit à 4,55 milliards de francs 4,1 milliards de francs sans frais) contre 4,5 milliards de francs en 2000. Le périmètre de Drouot-Compagnie des Commissaires-priseurs de Paris comprend les ventes effectuées à Drouot et Drouot-Montaigne mais également celles qui ont eu lieu à l’extérieur (hôtel George V pour Tajan, Palais des Congrès pour Poulain–Le Fur, hôtel Dassault pour Briest, etc). Elles incluent par ailleurs les ventes à Nogent, Le Raincy, Boulogne-Billancourt, La Varenne-Saint-Hilaire, Nanterre, Sceaux et Neuilly. En sont bien sûr exclues les ventes menées par Christie’s et Sotheby’s sous leur nom ou par le ministère de commissaires-priseurs (Poulain-Le Fur pour Sotheby’s).
Le produit «Art» connaît une progression de 5%, passant de 3,64 milliards de francs à 3,84 milliards de francs. Cette définition de l’art est très extensive, comme nous l’avions déjà rappelé, puisqu’elle comprend aussi bien des tableaux anciens que des automobiles ou des spiritueux. Pour la peinture, Drouot demeure très loin des flambées new-yorkaises ou londoniennes. On note une huile de Delacroix, Cavalier arabe traversant un gué à 18 millions de francs (Gros-Delettrez) et une Tour de Babel de van Valckenborch à 9,1 millions de francs (Beaussant-Lefèvre). L’étoile de Paris se maintient dans quatre domaines : le dessin, le mobilier 18e siècle, la bibliophilie et l’Art déco. Au début du printemps, Piasa a établi un nouveau record mondial pour Lorenzo di Credi avec un crayon noir, Figure couronnée de lauriers à 14,9 millions de francs. Deux semaines plus tard, Tajan adjugeait un Saint Jean de Francesco Salviati à 8,3 millions de francs. L’enchère la plus élevée de l’année a porté sur un guéridon de Thomire et Daguerre, adjugé 21,6 millions de francs chez Tajan. Le second prix le plus haut dans le domaine du mobilier a été obtenu lors de la vente contestée de la collection Rothschild chez maître Renaud le 14 décembre. Il s’agissait dune table à écrire en marqueterie Boulle estampillée C.I. Dufour (8,7 millions de francs). Du côté des livres, un manuscrit enluminé du 15e siècle, Histoire de deux amants, a atteint 15,5 millions de francs (chez Laurin-Guilloux-Buffetaud) tandis que le manuscrit du Voyage au bout de la nuit de Céline était préempté par la BNF pour 12,1 millions de francs (Piasa).
Le Président de la Compagnie des commissaires-priseurs de Paris, maître Dominique Ribeyre, se félicite de cette stabilité, qui a été obtenue en dépit des événements aux Etats-Unis et qui s'accompagne de 21 enchères supérieures à 5 millions de francs (contre 10 en 2000). Mais l’on pourrait prendre le contre-pied de cette appréciation convenue et souligner que le résultat est quelque peu décevant au vu du contexte : jamais le marché de l’art n’a autant été sous les projecteurs qu’en 2001 avec la promulgation de la loi sur les ventes volontaires, en juillet, et les premières enchères des «auctioneers» anglo-saxons à partir de la fin novembre. Si, en revanche, on admet le bien-fondé de cette satisfaction, se pose alors une autre question : quel avenir pour Drouot ? L’arrivée de nouveaux adversaires va immanquablement avoir un effet sur son chiffre d’affaires. Pour preuve, le départ chez Christie’s de François de Ricqlès, l’un des plus brillants commissaires-priseurs de la nouvelle génération qui a réalisé en 2001 un produit de l’ordre de 150 millions de francs. Certaines études cherchent à se regrouper, d’autres tentent de s’appuyer sur de nouveaux intervenants. L’unité de façade de Drouot a montré ses fissures lorsqu’il s’est agi de prendre position face à l’offre d’achat de Pierre Bergé. L’homme d’affaires s’est dit prêt à investir 300 millions de francs. Si la plupart des études se sont montrées intéressées, un noyau dur semble s’opposer à la transaction. En l’attente d’une réponse, Pierre Bergé posé la fin du mois de janvier comme échéance.
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