Quand Callot grave saint AntoineLe musée Lorrain oublie les Misères de la guerre et pénètre l’univers de la Tentation de saint Antoine.
| Jacques Callot, La Tentation de saint Antoine,
2e version, Nancy, 1635
© Musée Lorrain / Ville de Nancy |
Natif de Nancy, Jacques Callot (1592-1635) s’initie à l’art du ciselage chez l’orfèvre Demange Crocx. Durant les 9 années passées en Italie sous la protection de Christine de Lorraine à la cour de Cosme II, entre 1608 et 1611, il perfectionne sa pratique de l’eau-forte. La première version de La Tentation de saint Antoine date de 1616, quelques années avant La Foire de l’Impruneta( 1620). Détruite accidentellement, cette première version témoignait déjà de sa parfaite maîtrise de la gravure. À la mort de Cosme, l’artiste rentre à Nancy et continue à enrichir sa technique au cours de voyages aux Pays-Bas et à Paris. L’année même de sa mort, en 1635, il signe une seconde version de La Tentation de saint Antoine.
Si les dessins et les estampes portent Jacques Callot au rang des plus grands maîtres du 17e siècle, aucun de ses tableaux n'est parvenu jusqu'à nous. Après avoir atteint un degré de perfection tel que les plus grandes cours d’Europe s’arrachaient ses services, Callot laisse libre cours à sa verve, à son imagination et à ses observations comiques. «La guerre, la misère, la souffrance et les êtres disgraciés sont autant de sujets potentiels largement répandus sous ses yeux durant ses années de création», précise Martine Mathias, conservateur en chef du musée Lorrain. La planche de la Tentation, aussi énigmatique que riche en symboles, a suscité très tôt des copies et des interprétations. Rares ont été les artistes qui ont su concentrer une telle multitude de personnages et de scènes hétéroclites : défilé de la Vénus diabolique, danse de masques ou encore le grand diable. Des reproductions de qualité inégales nous informent sur la notoriété de l’artiste. «On peut qualifier sa fortune d’internationale et d’intemporelle. Cet artiste a aussi bien fasciné les graveurs du 17e siècle que ceux du 21e siècle, aussi bien en France qu’à l’étranger».
| Jacques Callot, La Tentation de saint Antoine,
détail, 2e version, Nancy, 1635
© Musée Lorrain / Ville de Nancy |
La plupart des pièces présentées sont anonymes, certaines portent cependant une signature. On peut donc citer Anton Meiting, un artiste du 17e siècle, ou encore Louis-Joseph Mondhare, graveur parisien du 18e siècle. L’imagerie populaire donne, au 19e siècle, des interprétations originales de la Tentation de Callot comme en témoignent ces pièces de Belfort et de Metz. Plus proche de nous, l’artiste contemporain, Éric Desmazières, n’hésite pas à agrandir l’œuvre originale en multipliant ses dimensions par quatre. Pourquoi donc cette œuvre de Callot suscite-t-elle la ferveur des artistes ? «Cette création du graveur nancéien présente un contenu à la fois subversif, scatologique, diabolique, érotique qui permet aux artistes de jouer avec le feu, à la limite de l’interdit ». Outre son rôle de découverte, l’exposition permet d’aborder le principe de la diffusion des œuvres par des reproductions de belle qualité ou des images populaires. «Encore trop peu exploité, ce type de présentation ouvre des perspectives nouvelles».
| Stéphanie Magalhaes 28.01.2002 |
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