Premier record de l’année pour Turner ?Parmi les tableaux anciens de la vente new-yorkaise de Christie’s, une marine de Turner est estimée entre 6 et 8 millions de dollars.
| Joseph Mallord William Turner,
Sheerness as seen from the
Nore, 6 000 000 - 8 000 000 $ |
Sheerness from the Nore a été plusieurs fois présenté, entre 1875 et 1910, aux traditionnelles séries hivernales de la Royal Academy sur les maîtres anciens. On l’a revu en 1931 à l’occasion de la rétrospective à la Tate Gallery sur les œuvres de jeunesse de Turner puis au musée de Birmingham, où il a été prêté pendant 7 ans au lendemain de la guerre, de 1945 à 1952. Depuis, hormis deux brèves apparitions, dont une en 1977, toujours à la Tate Gallery, dans «Tableaux rarement vus de Turner», il est demeuré en mains privées. Quand il le peint, Turner a à peine plus de 30 ans mais il est déjà membre de la Royal Academy. Lors de sa première présentation, en mai 1808, dans la galerie personnelle de l’artiste, il est encensé par la critique, notamment par «The Examiner», qui parle de «plus belle scène de mer jamais peinte par un artiste britannique». Il est très vite acheté par un amateur, Samuel Dobree. Son fils s’en sépare en 1842 en vente publique à Londres : déjà chez Christie’s, où il passe aujourd’hui pour la quatrième fois… Cela permet d’ailleurs de noter l’envolée, dès l’époque, de la cote de Turner. Sheerness from the Nore est adjugé pour 170 guinées en 1842, 550 guinées en 1848 et 7100 guinées en 1890 !
| Giovanni Antonio Canal, dit Canaletto,
L'église du Redentore,
4 000 000 - 6 000 000 $ |
Turner s’était rendu en 1805 au port de Sheerness, à l’embouchure de la Tamise, dans le Kent, pour assister au retour du Victory, le vaisseau de l’amiral Nelson. Le héros de Trafalgar était bien à bord, mais mort… Turner reviendra plusieurs fois sur le site, jusqu’en 1809. Il en tire des croquis pour ses carnets. «Turner peindra aussi une série de huit tableaux, précise l’expert, John Stanton. Trois de ces tableaux, dont celui-ci, sont encore dans des collections privées. Cela correspond à l’un des moments-clés de son début de carrière. L’œuvre, de grandes dimensions (104,5 x 149,5 cm), est en excellent état. Pour l’estimer (entre 6 et 8 millions de dollars), nous nous sommes basés sur les résultats en salles de ventes, dont l’un des plus significatifs a été une vue de Folkestone, adjugée 4 millions £ en 1984 chez Sotheby’s à Londres. Il ne passe pas beaucoup d’œuvres de Turner aux enchères, aussi avons-nous également tenu compte des transactions privées, qui sont assez fréquentes.»
La vente offre un beau Liotard, La sultane lisant, peint en 1750, après le retour du peintre en France. Il est évalué entre 700 000 et 900 000 dollars. Mais la seconde pièce de choix, après le Turner, est une paire de vues vénitiennes de Canaletto : l’église du Redentore et le pont des Soupirs. «Nous sommes dans la période d’après 1735, commente Pascal Zuber, directeur du département Tableaux anciens à Paris. Canaletto a beaucoup de succès et doit répondre à de nombreuses commandes, notamment de sa clientèle anglaise, avide de souvenirs du Grand Tour. Canaletto perd la fraîcheur, le romantisme des débuts. Il entre dans sa période mécanique, où il peint de façon très méthodique, avec des repères, des pointages. Ces tableaux n’ont pas le vaporeux, le fluide du petit Piazza San Giovanni e Paolo que nous avons vendu en décembre 2000 pour 7 millions £. Mais il peuvent intéresser les collectionneurs de vues vénitiennes, qui sont nombreux en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et en Italie.»
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