| Serge Lemoine
© musée d'Orsay |
Serge Lemoine : «Ce que je veux pour Orsay»Le nouveau directeur du musée d'Orsay nous expose les grands axes de sa politique.
Quel bilan faites-vous de votre passage au musée de Grenoble ?
Serge Lemoine, directeur du musée d’Orsay. C’est plus qu’un passage. Je suis resté 16 ans à Grenoble et j’ai eu la chance de remettre en route l’ancien établissement et de concevoir le nouveau musée. Je suis fier d’avoir contribué à l’enrichissement des collections, en participant à l’acquisition d’œuvres à titre onéreux et en faisant entrer plus de 1000 donations, dont des ensembles d’ateliers, comme celui d’Aurélie Nemours. Je suis également heureux des expositions que j’ai réalisées, comme la rétrospective Laurent de la Hyre organisée en collaboration avec Jacques Thuillier et Pierre Rosenberg ou l’exposition Boltanski qui a profondément bouleversé tous ceux qui l’ont vue. Catherine Tasca m’en parlait encore récemment. Je suis parti après une exposition à laquelle j’étais particulièrement attaché, «L’esprit nouveau : le Purisme à Paris, 1918-1925». Pour l’occasion, nous avions reconstitué à l’identique le Pavillon de l’esprit qui devait être le prototype de l’appartement des grandes cités de Le Corbusier. Et, contrairement à ce qu’on a pu entendre, 30 000 visiteurs, c’est un beau succès pour Grenoble si on tient compte des problèmes actuels de fréquentation.
Quels sont vos projets d’expositions pour le musée d’Orsay ?
Serge Lemoine. Mes projets sont en fait très simples. On continue le programme lancé par mon prédécesseur, Henri Loyrette. Je n’invente rien, je ne fais que chausser ses bottes en commençant le 5 mars prochain par l’inauguration d’une exposition qui coïncide particulièrement avec mes centres d’intérêt, «Mondrian avant 1914». Mais nous devons adapter au mieux ce programme aux nouvelles contraintes budgétaires. Entre les directives des ministères de la Culture et du Budget de décembre dernier et le rapport de la Cour des Comptes sur la gestion du musée du Louvre, que ce soit délibéré ou non, nous sommes bien observés et il faut en tirer les conséquences. Nous sommes contraints à organiser moins d’expositions, à renoncer à certains projets quand il en est encore temps ou à réduire l’ampleur des autres.
Et en ce qui concerne les collections permanentes ?
Serge Lemoine. Pour le musée, un certain nombre d’aménagements sont prévus, qui visent à revaloriser certains départements. Nous avons l’un des plus beaux fonds photographiques au monde, constitué ex-nihilo depuis la création du musée. D’ici juin, nous devrions inaugurer une galerie permanente de la photographie. Nous voulons également développer d’ici l’automne un lieu spécial pour les arts décoratifs. Jusqu’ici, nous ne présentions aucune affiche alors qu’elles apparaissent à cette époque. Ces deux galeries seront installées dans des espaces libérés par la diminution du programme des expositions. Dans la limite de nos moyens, nous allons aussi nous atteler à refaire le parcours des collections permanentes. Il ne s’agit pas de mettre à l’écart l’académisme, le réalisme ou l’impressionnisme mais de réaménager les collections, en réunissant les œuvres jusqu’ici dispersées de Monet ou Degas et en rendant à Puvis de Chavannes la place qui était la sienne. Jusqu’ici, la muséographie donnait à penser que Gauguin découle plus de l’impressionnisme que de Puvis ! Pour ce qui est de ce réaménagement, je souhaiterais qu’il soit visible pour la livraison du hall d’accueil, prévue pour mars 2003, en signe d’annonce de la suite…
Un programme qui coïncide avec l’exposition dont vous êtes le commissaire à Venise…
Serge Lemoine. Bien avant d’être pressenti, désigné puis nommé à Orsay, le Palazzo Grassi m’avait demandé ce projet que je dois inaugurer le 9 février prochain, De Puvis de Chavannes à Matisse et Picasso - Vers l'art moderne. 220 œuvres illustrent l’ensemble de la carrière de Puvis de Chavanne ainsi que celles des artistes qu’il a influencé. Du côté des sculpteurs, on trouve tous ceux pour lesquels il a représenté un moyen de « sortir » de Rodin : Maillol, Minne, Lehmbruck, Bartholomé, Bernard, Bourdelle, etc. Du côté des peintres, on trouve Gauguin, Signac, Seurat, les Nabis, les symbolistes français, belges, allemands ou scandinaves, les artistes italiens et russes… pour finir avec les Picasso des années 50. En reconstituant d’autres filières, l’exposition donnera effectivement une idée de la manière dont je veux réaménager le musée d’Orsay.
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