La patte de Bosch derrière l'Escamoteur ?L'attribution du tableau conservé au musée de Saint-Germain-en-Laye est remise en cause par de récentes analyses, comme nous l'expose le conservateur, Agnès Virole.
| L'Escamoteur, tableau attribué à
Jérôme Bosch. Musée municipal d'Art
et d'histoire de Saint-Germain-en-Laye
© Photo : L. Sully-Jaulmes |
L'Escamoteur est entré en 1872 dans les collections du musée par le legs Du Castel (grand collectionneur de Saint-Germain-en-Laye). Grandement appréciée du public, cette peinture sur panneau de bois (53,7x 65,2 cm) représente une scène de magie effectuée par le personnage de droite. Saisi en pleine action, l' escamoteur s’adonne au jeu de passe-muscade : il fait disparaître une balle de liège déposée sous le gobelet que l’on appelait muscade. Devant lui, une table autour de laquelle se presse une foule homogène. Parmi les spectateurs, un homme, de la bouche duquel sort une grenouille, porte une grande attention au magicien. Un personnage, l’air hagard, tente de lui dérober sa bourse : peut-être s'agit-il d'un complice de l’escamoteur. Le reste du public se compose d’un couple de bourgeois peu convaincus, symbolisant la haute société qui se tient à l'écart des personnages marginaux. Du panier de l'escamoteur dépasse la tête d'une chouette. L'oiseau de nuit, fréquent dans l’iconographie de Bosch, symbolise l’hérésie… Autant de thèmes populaires qui incarnent la tromperie, la crédulité ou la sottise humaines.
Avant de prendre le chemin de Rotterdam pour la grande exposition de l'automne 2001, ce tableau a fait l’objet d’une étude historique et technique ainsi que d’une restauration au laboratoire des musées de France. On a effectué un dévernissage et on a retiré les repeints. Cette restauration fine confère à l’œuvre une plus grande lisibilité, une valorisation des aplats de couleurs et des diverses tonalités. Les résultats ont également permis de mieux situer l’œuvre dans le parcours artistique de l’artiste. L’étude dendrochronologique (à partir des cernes du bois), effectuée en 1997 par un universitaire allemand, a en effet repoussé la datation. Jusqu'alors considéré comme une œuvre de jeunesse, L’Escamoteur daterait de 1502. Cependant l’étude du style et du dessin sous-jacent (observé à la spectrographie, en lumière directe, en lumière rasante et par radiographie) a révélé un style très fluide que l’on ne retrouve pas sur d’autres œuvres de l’artiste telle que La Nef des fous. La technique picturale très lisse va à l’encontre des empâtements caractéristiques de Bosch. Autant d'observations qui remettent en question l’attribution. De nombreuses hypothèses sont donc désormais émises, la plus logique étant celle d’une production collective au sein de l’atelier familial.
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