Marc Trivier, le silence rompuLe photographe, si discret, fait enfin parler de lui. Sous son regard : célébrités, arbres ou animaux d'abattoir retrouvent une humanité.
| Marc Trivier, Le cochon aveugle
© Casino Luxembourg |
Les expositions de Marc Trivier et les livres le concernant sont tellement rares qu’il est urgent de les signaler. Son travail est présenté aujourd’hui dans les salles du Casino de Luxembourg, principal lieu de la ville destiné à l’art contemporain, avant l’ouverture très attendue du musée dessiné par Peï, un projet ambitieux et qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Marc Trivier montre soixante-dix photographies qu’il a lui-même disposées sur les cimaises : une disposition qui ne répond à aucune thématique particulière, ne suit aucune chronologie. Les photographies ne sont pas datées, à peine légendées. Elles ont été réalisées entre 1980 et 2000. Certaines sont très connues, parmi les portraits notamment, et l’on a plaisir à en découvrir de récentes, plutôt sur le registre du paysage. Les genres sont confondus : les portraits et les paysages se mêlent à des scènes d’abattoirs. Dans celles-ci, les animaux apparaissent de manières différentes : comme des sujets regardés pour leurs «qualités» plastiques ou montrés au contraire avec beaucoup d’humanité. Quelques arbres tristes, aux branches sèches et torturées, ponctuent l’ensemble.
Parmi les portraits, des inconnus croisent des personnalités, et pas n’importe lesquelles : on sent que le photographe a choisi des êtres dont l’oeuvre exerce sur lui une attirance, du moins inspire le respect. Il y a beaucoup d’écrivains et quelques peintres. Tous assis, ils regardent avec calme et simplicité le photographe. Aucune mise en scène, aucun effet de lumière, aucune dramatisation particulière. Une composition centrée sur le sujet, rien que sur le sujet. Du point de vue du choix du cadre, quelques rectangles s’introduisent dans un ensemble majoritairement carré. Ils sont alors traités dans la largeur : le plus souvent il s’agit de paysage, ce qui répond à une certaine logique. Pour accompagner cette exposition, un livre de correspondances et d’entretiens a été publié par le Casino sous le titre «Le paradis perdu», alors que l’accrochage s’intitule tout simplement «Photographies» : un livre que l’on doit à Yves Gevaert, avec lequel Marc Trivier s’entretient. On y note aussi la présence d’un autre interlocuteur en la personne d’Enrico Lunghi. Ce livre enrichit précieusement notre approche de ce photographe, qui reste cependant très énigmatique.
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