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Expositions

Ernest Guérin, un enlumineur en Bretagne

Le musée de Quimper redécouvre l’œuvre du peintre breton. Philippe Le Stum, commissaire de l’exposition ressuscite légendes et Pardons.


Ernest Guérin, Pardon de Notre Dame du Folgoët
Collection particulière © Photo : Adélaïde Beaudoin
Musée des beaux-arts de Rennes
Parlez-nous de cet artiste. Quelle était sa place dans l’art du 20e siècle ?
Philippe Le Stum.
Ernest Guérin (1887-1952) occupe une place paradoxale dans l’histoire de l’art. L’artiste a bénéficié très tôt d’une notoriété internationale : commandes des classes sociales élevées de la société, voire de la couronne d’Angleterre, première exposition au musée des arts décoratifs en 1913, alors qu’il n’avait que 26 ans. Comment doit-on interpréter un tel succès pour un art à contre-courant de la modernité contemporaine ? Nous possédons peu d’archives concernant ses commanditaires, mais l’aristocratie européenne était aux premières loges. La première partie de sa carrière témoigne d’une volonté d’exprimer son appartenance bretonne. Ainsi de 1913 à 1925, des pièces comme Le livre d’Heures du Comte de Calan, historien de la Bretagne, ou la série des Chansons de Théodore Botrel, auteur de la «Paimpolaise» illustrent bien cette tendance. Reprenant les techniques anciennes de l’enluminure, il construit ses œuvres sur les légendes bretonnes ou les chansons populaires. L’artiste adapte une technique à chaque épisode de sa création.


Ernest Guérin, La Belle
guénaran
Coll. particulière
© Photo : Adélaïde Beaudoin
Musée des beaux-arts
de Rennes
Quelle était sa conception de l’art?
Philippe Le Stum.
Guérin s’est voulu homme du Moyen Age et ses œuvres en sont les témoignages comme les enluminures et les miniatures inspirées des primitifs flamands. Comme les artistes du 15e siècle, il ne travaillait que sur commande. Le triptyque revient de manière systématique dans sa production à partir de 1921 et l'artiste s’attache à l’iconographie des scènes de pardon, des pélerinages. À la fin de sa vie, sa philosophie se tourne vers une vision plus taoïste de l’univers. Ses paysages à l’aquarelle reflètent un art largement inspiré des œuvres japonaises ou chinoises, mêlant petits personnages et horizons oppressants qui occupent la totalité de la composition. Sa clientèle choisie témoigne de sa vision très élitiste de l’art.

Comment expliquez-vous qu’il soit tombé dans l’oubli ?
Philippe Le Stum.
On peut effectivement parler d’un oubli institutionnel devant le manque d’intérêt des conservateurs de remettre à l’honneur cet artiste régional. Ses œuvres continuent cependant à passer en maisons de ventes et restent très prisées par les collectionneurs. Aujourd’hui la plus grande partie de sa production est détenue par des amateurs férus de culture bretonne.

La redécouverte des peintres locaux fait-elle partie de votre politique d’exposition ?
Philippe Le Stum.
Les recherches effectuées sur la production de l’artiste, environ 100 œuvres, nous ont permis de localiser ses tableaux : quatre appartiennent au musée des Beaux-arts de Rennes, deux autres à Saint Brieux, à Nantes et à notre collection. Nous sommes fiers d’avoir acquis le triptyque du Pardon de Notre Dame de la joie Penmarc’h. Effectivement, nous nous sommes fait une spécialité de remettre en valeur la peinture bretonne. Cette exposition permet d’étudier un sujet pointu tout en restant accessible au grand public. Notre prochaine exposition explorera la légende de la ville d’Ys, citée engloutie, très appréciée des artistes.


 Stéphanie Magalhaes
30.01.2002