| Marcel Duchamp, La Joconde L.H.O.O.Q.,
don d'Aragon au Parti communiste français |
La Joconde mise à nu par Robert HueLe secrétaire national du Parti communiste nous parle de la célèbre Joconde de Duchamp qu'il a accepté de prêter pour une exposition londonienne.
Il y a peu d’œuvres contemporaines qui s’imposent moins à première vue que « la Joconde à la moustache » de Duchamp. Il y a en a peu qui finalement vous captivent davantage. D’ailleurs, s’il lui faut du temps pour vous séduire, ce n’est point qu’elle commence par vous surprendre. Simplement elle ne vous retient pas, elle ne vous convainc pas tout de suite de son importance. Tant les moustaches et le bouc dont elle est affublée y ont l’air futile, bizarre, gratuit. Tant les cinq initiales ironiques L.H.O.O.Q. prononcées en français composent une plaisanterie scabreuse. Par ces traits, elle semble le résultat, non d’une copie sérieuse, mais de ces trouvailles qu’on a l’habitude de rencontrer dans la peinture des potaches. Et même si, en la regardant de plus près, l’on y découvre une volonté, on est assez enclin au début à la tenir avant tout pour une volonté de jouer.
C’est seulement après un examen prolongé de cet art que l’on approche sa portée et sa signification véritables. Que l’on ait affaire à un sacrilège contre l’image féminine idéale et un blasphème contre la morale, voilà ce dont on se persuade d’abord. Mais une nouvelle surprise vous attend lorsque vous avancez davantage à l’intérieur de cette œuvre : ce poète n’est pas un simple inspiré. Il se double d’un fantasque et ce fantasque est très réfléchi, très précis, il connaît le pouvoir de la dérision ou de l’humour, car une partie de son travail a consisté précisément à renverser ce qui pouvait encore subsister d’un monde plongé dans le chaos de la première guerre mondiale. Cette œuvre absurde était à l’image de ce qu’il voyait autour de lui. C’est pour la même raison qu’il a créé un art qui est sans doute par son caractère singulier, l’expression d’une puissante joie de vivre, l’espoir de parvenir à une humanité meilleure, et cette allégresse qu’il y a de créer, qui n’appartient pas au seul artiste.
Donnée par le poète Louis Aragon, qui la tenait de ses amis dadaïstes, au Parti communiste, chacune et chacun, pourra regarder l’œuvre avec ses yeux et son cœur à l’Académie Royale des Arts de Londres où elle sera exposée, dans le cadre de l’exposition Paris : Capitale des Arts 1900 – 1968, du 26 janvier au 19 avril 2002, puis au Guggenheim Museum de Bilbao.
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