Art Déco made in JapanL’académie des arts d’Honolulu donne un coup de projecteur sur une période méconnue de l’art japonais.
| Nakamura Daizaburo, Femme (Fujo)
Japon, 1930.Paravent pliant à 2 panneaux,
encre et couleur sur soie
© Honolulu Academy of Arts |
Le « Chic Taisho », titre de l’exposition, marque un moment charnière du Japon, où se sont mêlées les traditions du pays avec les modes venues de l’occident. La volonté d’expansion extérieure amorcée sous l’ère Meiji (1868-1912) s’accroît durant l’ère Taisho (1912-1926) et le règne de l’empereur Yoshihito. Au début des années 20, la politique du gouvernement encourage même le mariage de ces deux influences. On construit de nouveaux bâtiments publics dans un style architectural européen. Les commandes de peintures décoratives affluent. Les paravents traditionnellement placés sur le sol sont suspendus aux murs. Les magazines populaires se développent et toutes sortes d’imageries les accompagnent. De nouveaux codes vestimentaires, mais aussi artistiques apparaissent : c’est l’émergence du style Art déco au Japon.
| Usui Tatsuyuki, Colley, ca 1912-29
Couleur sur soie
© Honolulu Academy of Arts |
Près de 80 objets, comprenant peintures, textiles, gravures sur bois et arts décoratifs sont rassemblés pour illustrer l’ère Taisho. Les artistes innovent et expérimentent tant dans les formats que dans les sujets. L’étonnant Colley de Taatsuyuki (1829-1916) évoque l’engouement des Japonais pour les chiens de races européennes. Ces derniers deviennent l’emblème d’une culture moderne. En cette période de transition, les femmes sont au centre de toutes les attentions. Elles adoptent peu à peu le style occidental. En témoigne un paravent de 1930 par Nakamura Daizaburo (1898-1947). Une femme vêtue d’un kimono rouge et allongée dans une méridienne, porte les cheveux à la garçonne. Le meuble est probablement importé et l’ensemble dénote l’influence du peintre Manet et une référence à Olympia. Les peintres superposent les traditions artistiques orientales et occidentales. Un certain romantisme apparaît. Wada Seika (né en 1899), au contraire, impose des représentations de jeunes filles résolument modernes en jupes courtes, souliers délicats et pulls à col en fourrure, comme dans Mrs. T..
De nombreux objets reflètent également cette tendance art déco. Les motifs géométriques sont repris dans des tons mauves, gris et noirs. Des tasses à café font allusion aux «coffee-shops» dans lesquels les intellectuels et groupes d’avant-garde aiment se retrouver pour discuter de politique. Cette collection qui illustre tout un bouleversement social aussi bien qu’artistique a été réuni par Patricia Salmon. Résidente au Japon et marchande d’art, elle a acquis kimonos, objets et peintures Taisho depuis plus de 20 ans. L’ensemble a été acheté par le musée en 1997 et est présenté dans son intégralité pour la première fois en dehors du Japon.
| Laure Desthieux 04.02.2002 |
|