Bourguedieu et Gygax, à la recherche du moi perduLa Filature de Mulhouse expose deux jeunes photographes, qui, chacun à leur manière, partent à la reconquête de territoires abandonnés, oubliés.
| © Christophe Bourguedieu |
Né en 1961 au Maroc, Christophe Bourguedieu vient à la photographie après des études de droit et de sciences criminelles. La Filature présente les travaux réalisés entre 1996 et 2001, constitués en trois séries, correspondant chacune à trois voyages, Le Cartographe (Maroc, 1996/98), La surface des choses (Finlande, 1998/2000), Eden (Arizona, Californie, Nevada, 1999/2000). Toutes trois ont en commun le questionnement des origines, de manière directe et explicite lorsque le photographe part pour le Maroc, sa terre natale, ou sur un mode plus latent quand il s'agit de découvrir la Finlande ou l'Ouest américain. A chacun de ces voyages, Bourguedieu recherche cette même familiarité, cette intimité nostalgique avec le lieu, ressenties lors de ses retrouvailles avec le Maroc. C'est dans les zones arides, désertiques d'Arizona, dans ces terres dépeuplées et étranges de Finlande, que le photographe trouve l'écho de ses paysages imaginaires. Ces pays, il les sait familiers, connus, sans pourtant les avoir parcourus physiquement. La photographie est alors en charge de restituer cette proximité ressentie. Evacuant toute anecdote ou tout détail exotique, elle capte l'atmosphère du lieu plutôt qu'elle n'enregistre son identité physique. Elle fixe sur le papier ces sensations fuyantes, cet attachement mélancolique et indéfini que procure le souvenir d'un lieu aimé, à l'image de cette photographie, qui semble retenir in extremis le paysage solitaire qui se dessine au loin dans le rétroviseur, ou de ce cliché d'un homme assis, désoeuvré, seul, absent. Photographe de la mélancolie, Bourguedieu explore les contrées perdues du passé.
| © Stéphanie Gygax |
C’est une démarche assez semblable qui préside à l’élaboration du travail de la jeune photographe Stéphanie Gygax. La Filature présente un ensemble de clichés issus du projet intitulé Maison motorisée, réalisé au cours de l'année 2000. A cette date, la jeune femme entreprend de se rendre au Canada, pour y retrouver un frère et une sœur qu'elle n'a jamais vus, Adrien et Manon, vivant en caravane. Là encore, l'itinéraire de l'artiste, son histoire personnelle vont déterminer le point de départ de l'œuvre. Stéphanie Gygax mène une quête, qui vise à redécouvrir une part de son histoire, jusque là ignorée, et la photographie se fait le témoin de ses brèves retrouvailles. Bien plus de que de documenter ces rencontres familiales, les images de Stéphanie Gygax parviennent, au moyen d'un langage plastique singulier et maîtrisé, à mettre en tension l'espace clos de la caravane et la vastitude des paysages qui l'environnent. Elles dépeignent alors une vie étrange, solitaire, rythmée par l'alternance de ces deux extrêmes que sont le confinement et l'immensité.
| Raphaëlle Stopin 18.02.2002 |
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