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Expositions

Warhol prend la Tate

La Tate Britain inaugure aujourd’hui une grande rétrospective de l'artiste pop. L’objectif avoué du directeur, Nicholas Serota, est d'étabilr un nouveau record de fréquentation.


Big Electric Chair 1967
Collection Froehlich, Stuttgart
© The Andy Warhol Foundation
for the Visual Arts, Inc. / ARS,
NY and DACS, London 2002
«Un sphinx sans secret». Le mot est de Truman Capote, qui fut l’un des premiers à collaborer avec Andy Warhol. C’était en 1952. Le fils d’émigrés slovaques, né à Pitsburgh, avait alors 24 ans. A l’issue de ses études au Carnegie Institute, il s’était installé à New York dès 1949, où il avait très vite obtenu un succès comme dessinateur de mode auprès de «Vogue» ou de «Glamour». Cet univers d’argent et de consommation lui fournira plut tard une inépuisable source d’inspiration. Mais, en cette année 1952, lorsqu’il fait sa première apparition dans une galerie, la Hugo Gallery, c’est simplement pour mettre en images les écrits de Truman Capote, son exact contemporain. La grande exposition de Londres ne commence cependant pas par ce jalon. Elle démarre avec les Fleurs, en l’occurrence celles de l’hibiscus, qu’il produit, pris d’une sorte de frénésie, à près d’un millier d’exemplaires en 1964. Il suit, semble-t-il, les conseils d’un ami qui l’invitait à être plus «positif» après ses Disasters des années précédentes – que l’on voit quelques salles plus loin – et qui représentent accidents de voiture et d’avion, exécutions, émeutes raciales, chaises électriques. Il faut dire que l’époque se prêtait à l’étude de la mort, avec le décès de Marilyn Monroe, l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy ou la répression policière en Alabama.


Ten Foot Flowers 1967
Stiftung Sammlung Marx,
Hamburger Bahnhof - Museum
für Gegenwort, Berlin © The Andy
Warhol Foundation for the Visual
Arts, Inc. / ARS, NY and DACS,
London 2002
Pourquoi débuter avec les fleurs et pas, par exemple, avec l’autoportrait adolescent de 1942 ? Parce que, dans la vie d’Andy Warhol, il y a un avant et un après. Et la date charnière se place au début des années soixante, lorsqu’il découvre le procédé de reproduction sur la toile de photographies au moyen de la sérigraphie. Avant, il est un publicitaire reconnu, auquel on décerne de nombreux prix. Il est reconnaissable à sa ligne un peu floue, qu’il produit en appliquant la page blanche sur un motif à l’encre encore humide (il y reviendra d’ailleurs, à la fin de sa vie, pour fermer le cercle, en créant ses propres taches de Rorschach, à l’imitation de celles qu’utilisent les psychologues). Après, Warhol devient une machine à produire des icônes de la civilisation occidentale. L’art est une attitude commerciale clairement affirmée, aux antipodes du credo des expressionnistes abstraits. Warhol choisit des photographies dans la presse (le droit d’auteur n’était pas ce qu’il est devenu !) en fonction de leur pouvoir d’évocation, les agrandit, les agence en groupes, les retouche à coups de pinceau.

Passent ainsi sous sa main Elvis Presley, la soupe Campbell, la bouteille de Coca-Cola, la statue de la Liberté, Superman, Mao (les images du Grand Timonier feront l’objet d’une belle exposition au palais Galliera en 1974). Quel déclic a poussé le «graphic designer» à changer d’activité ? On évoque souvent les expositions consacrées en 1958 par Leo Castelli à Jasper Johns et Robert Rauschenberg, ses futurs collègues du mouvement pop. La décennie 1960 voit Warhol sur tous les fronts : il crée son phalanstère new-yorkais, la Factory, tourne des films avec Paul Morrissey, collabore avec le Velvet Underground. Son ombre portée suffit à faire bénéficier ses collaborateurs des fameuses «quinze minutes de célébrité». En 1968, à 40 ans, Warhol est agressé à la Factory par une activiste féministe, Valerie Solanas. Il en réchappe, diminué. Il lui reste une vingtaine d’années à vivre. L’exposition n’oublie pas cette dernière période, marquée, notamment, par une collaboration intéressante avec Jean-Michel Basquiat et l’Italien Francesco Clemente, ou par des séries moins connues, comme les Ombres et les Camouflages. Warhol n’a jamais représenté la pénicilline, un symbole de la médecine du 20e siècle. Elle aura sa peau : en 1987, il meurt, lors d’une banale opération, d’une allergie à la bactérie de Fleming…


 Rafael Pic
07.02.2002