Van Gogh et Gauguin, neuf semaines et demieL'exposition qui ouvre à Amsterdam est consacrée à la période de vie commune à Arles, pendant l'hiver 1888. Elle présente la naissance de deux modernités… et pose de délicats problèmes d'authentification.
| Gauguin peint par Van gogh
© Françoise Monnin |
John Leighton, directeur du Van Gogh Museum d'Amsterdam, et Douglas W. Druick, conservateur de l'Art Institute de Chicago, ont eu beau inaugurer cet événement - qu'ils ont mis cinq ans à monter - avec de brefs discours, c'en était déjà trop pour les premiers visiteurs de l'exposition. Vite ! Vite ! Les tableaux ! Il est vrai que l'exposition combine, de manière chronologique, les toiles de deux étoiles filantes, adulées par les romanciers et les cinéastes pour être morts d'avoir aimé la peinture jusqu'à vouloir en vivre. Les spécialistes réunis ont, à ce propos, fait le point, en préambule : la manifestation d'Amsterdam est scientifique, elle aborde les œuvres en termes de technique, de sujets et... d'authenticité ! Lors du colloque qui s'y déroulera du 7 au 9 mars prochain, il sera notamment question du Bouquet de Tournesols (1888) de Van Gogh, conservé dans un musée de Tokyo, dont on est à présent presque sûr qu'il s'agit d'un faux. Le Portrait de Gauguin par Van Gogh (1888) pose lui aussi problème.
| Les tournesols de Van Gogh, 1888
© Françoise Monnin |
Qu'importe, la première visite de l'exposition s'est vite transformée en une partie étrange, opposant les Van-Goghiens aux Gauguinesques. «Moi, je préfère la dimension psychédélique du premier», affirmait un barbu. «Moi, c'est la sérénité des figures du second qui me plaît», répondait une vieille dame. Les 149 toiles et documents réunis présentent surtout les sujets communs aux deux
hommes, peints par eux en même temps. Soit, essentiellement, des portraits et des paysages. Côté Van Gogh, tout n'est qu'empâtement, clignotement, résistance. Occidental. L'expressionnisme prend son envol. Côté Gauguin, tout est ouvert, posé, puissant, animiste. Le primitivisme s'installe. Universel. Le premier se bat avec la nature pendant que le second l'embrasse. L'ensemble est bouleversant. D'autant que sa présentation sobre - seulement ponctuée ici ou là d'une lettre manuscrite ou d'un carnet de croquis - permet de profiter pleinement de la peinture pour elle-même. Le Christ au jardin des oliviers de Gauguin (1889), par exemple, prêté par le Norton Museum (Floride), est un
chef-d'œuvre. Des deux autoportraits de 1885 et 1886 qui gardent l'entrée de l'exposition aux ultimes paysages présentés à la sortie, c'est bien la peinture qui triomphe. Et, c'est vrai, le fait que Van Gogh souffrait d'être seul pendant que Gauguin souhaitait le rester a désormais peu d'importance…
| Françoise Monnin 09.02.2002 |
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