Un marathon de l’affiche

Bien qu’il organise entre trois et cinq ventes d’affiches par an, Frédéric Lozada est impressionné par l’importance de celle qui débute aujourd’hui à l’hôtel des ventes des Chevau-Légers de Versailles. «1674 lots, c’est exceptionnel ! Cela fait longtemps que nous n’en avons pas réuni autant.» À croire qu’après dix ans de carrière, c’est vers l’expert que se tournent collectionneurs privés, chineurs avertis et découvreurs d’affiches remisées dans des greniers… Il faudra trois sessions pour disperser ces pièces dont les estimations vont de 150 € à plus de 2 000 € pour des exemplaires rares ou historiques : une publicité pour les montres Elections «L’élue entre toutes» de 1922 (2 430 €), une annonce du tournoi monégasque de tennis (3 800 €) ou une affiche de La Belle et la Bête avec Jean Marais (5 020 €),

Un tel ensemble illustre l’omniprésence de l’affiche depuis plus d’un siècle. À côté des annonces ressuscitant les stars du music-hall et des salles d’expositions -signées Warhol, Matisse, Miro ou Picasso-, c’est la société et ses idéaux qui se trouvent immortalisés. Des publicités vantent les bienfaits de la modernité : machines à laver au gaz qui laissent «votre linge bouilli, plus propre et moins usé», «Bas DD jamais usé», potages «verdure» pour manger «des légumes verts même en hiver», crèmes pour chaussures choisies par le Chat botté… Des campagnes médicales illustrent les combats d’une époque : des vignettes représentent les alliés et les ennemis dans la lutte contre la propagation de la tuberculose (460 €) tandis que deux fillettes, sourire éclatant ou tête enrubannée, rappellent l’importance d’une bonne hygiène bucco-dentaire (150 €). Des placards dénoncent la politique officielle, comme le corrosif De Gaulle faisant le salut fasciste peint au pochoir noir en 1968 par les étudiants de l’école des Beaux-arts (230 €). D’autres la soutiennent, donnant les clés de la victoire de la Grande Guerre «Chaque pièce d’or apportée à la banque avance d’une heure la victoire finale» (300 €)…

Parmi les thèmes les mieux représentés figurent la mode des années 1900 à 1960, la décolonisation ou l’aéronautique avec une trentaine d’affiches retraçant l’histoire d’Air France et des destinations desservies par la compagnie. Sans oublier les sports. Alors que les yeux se tournent vers Salt Lake City pour l’inauguration des Jeux Olympiques, on trouvera un ensemble d’affiches officielles - Sarajevo, Los Angeles, Grenoble ou Mexico -, des appels au boycott des olympiades de Moscou (300 €) ou une illustration de la course relayée par le flambeau en 1936 (1 220 €).