Viva la revolución !

Optant le plus souvent pour le parti du documentaire fictionnel, ces photographies et ces vidéos pointent du doigt les dysfonctionnements de la société contemporaine mexicaine. Pour la plupart natifs de Mexico, les artistes présentés, âgés de 23 à 43 ans, ont en commun une vision de l’art, qu’ils veulent impliqué dans le débat social. Observateurs des évolutions du Mexique d’aujourd’hui et des dissensions qui agitent le pays, ils constatent le délitement des relations entre la population et le pouvoir, l’obsolescence des mesures proposées aux Mexicains par les institutions et le gouvernement. Les œuvres s’attachent donc à pénétrer le système afin d’en saisir les défaillances. Trois types de démarches cohabitent : l’œuvre peut être documentaire, fictionnelle et/ou satirique. La technique photographique est convoquée pour sa valeur de témoignage. Chez Francis Alÿs, c’est la forme du photo-reportage qui sert de support à l’œuvre. Une succession de tirages au format de cartes postales, assemblées en bandeau, dessinent un panorama de l’une des réalités de la vie mexicaine contemporaine, l’économie parallèle du troc. Dans un parti pris similaire, Carlos Ranc met en évidence dans son œuvre, Sans titre (Musée de la drogue), l'apprivoisement et l'assimilation à la vie quotidenne d'une autre économie parallèle, celle du trafic de drogue.

La dénonciation revêt souvent l'aspect du pastiche. L'œuvre de Teresa Serrano est à ce titre exemplaire. Investissant la forme populaire du roman-photo, elle parodie les mœurs de la société contemporaine et met en exergue ce qui demeure selon elle, l'élément moteur du pouvoir : la lutte des sexes. Autre phénomène populaire abordé, le karaoké, avec l'œuvre audio de Montse y Mario. Daniela Rossel décrypte elle aussi, à la manière d'une ethnologue, le mode de vie d'une certaine frange de la population, la grande bourgeoisie, dont elle propose une vision incisive. Sur un mode plus radical et subversif, le trio HCRH (H. Comité de Revendication Humaine) formé par Artemio, Octavio Serra et Rodrigo Azaola, se définit comme un «groupe anti-culturel qui se consacre à l'anti-création», leur Campagne de Destitution Universelle se propose de detrôner les hommes politiques dont les actions sont jugées en inadéquation avec les attentes populaires. La démarche se fait en revanche plus ambiguë dans l'œuvre de Miguel Calderon intitulée Les Possédés qui consiste à rémunérer des personnes auxquelles on demande de simuler une série d'exorcismes. La vidéo qui en est issue est censée démontrer qu'il est aisé de pervertir un homme, de l'amener à renier une valeur aussi sacrée que la religion, à commettre un blasphème, et ce moyennant une modique somme d'argent. L'artiste formule ainsi un jugement moral sur les personnes qui s'y sont prêtées, conclusion qui paraît quelque peu expéditive et déplacée puisqu'aucune information ne nous est apportée sur la situation financière de ces acteurs volontaires. Toutes ces réalisations interrogent, avec plus ou moins d'évidence, la société contemporaine et mettent en avant ses défaillances, affirmant la vitalité et la permanence d'un art dit engagé au sein de la création contemporaine.